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Tensions avec l’Inde. La version dure de la puissance douce

L’Inde, la Chine, le Pakistan et les États-Unis.

Le durcissement de la relation bilatérale obéit à plusieurs logiques. La première est d’ordre tactique, quand Pékin veut peser sur la négociation des frontières en cours, par le truchement d’une politique des visas discriminatoire. Une manœuvre aujourd’hui élargie à la région contestée du Cachemire, objet de tensions récurrentes avec Islamabad, ce qui suscita sans surprise, le raidissement de New-Delhi.

Plus largement, les contentieux renvoient à une rivalité stratégique montante, encore attisée par la frustration chinoise de constater que l’Inde, ignorant les efforts d’apaisement de Pékin, s’ouvre volontiers aux influences américaines et européennes.

Alors qu’on assiste à une montée en gamme américaine sur la question de la liberté de navigation en haute mer, principal objet de la vigilance américaine dans la région, l’arrivée par le truchement d’un accord déjà ancien, datant de 2006 entre la compagnie indienne et Hanoi, des bateaux de forage indiens dans une zone revendiquée par le Vietnam et la Chine, n’a fait qu’alourdir les ressentiments chinois : « Nous ne souhaitons pas que des puissances extérieures s’impliquent dans les querelles en Mer de Chine du sud, ni que des groupes pétroliers étrangers s’engagent dans des actions qui portent atteinte à la souveraineté de la Chine », a encore répété le MAE chinois, le 21 octobre dernier.

La connivence entre New-Delhi et Hanoi n’est pas fortuite. Elle renvoie aux intentions de l’Inde de défier la Chine sur son terrain et de jouer, elle aussi, le jeu de la séduction en Asie du Sud-est, dans une compétition qui ne fera que croître. Dans ce contexte, il est probable que les frictions ne cesseront pas, au milieu de surenchères nationalistes de part et d’autre, auxquelles se mêle, à Pékin comme à New-Delhi, le vieux complexe de l’encerclement.

Surtout, les récentes promesses d’une bascule stratégique américaine vers le Pacifique Ouest, entourées d’une rhétorique qui ciblait assez directement la « menace chinoise », alors que l’Inde et l’Indonésie étaient désignées comme des partenaires privilégiés, n’ont pas contribué à apaiser les nervosités à Pékin. Celles-ci s’étaient déjà manifestées lors du rapprochement entre New-Delhi, Washington et plusieurs états membres de l’UE, dont la France, sur le sujet sensible de la coopération nucléaire civile.

A cette époque, l’amertume chinoise s’était exprimée dans le Quotidien du Peuple : « il faudra payer le prix pour avoir accepté les offres de l’Amérique », au milieu de commentaires agressifs sur le net et d’un durcissement chinois sur la question des frontières. Le tout s’accompagnait d’un veto de la Chine à la levée des sanctions contre l’Inde au Groupe des Fournisseurs Nucléaires (GFN) qui contrôle les exportations des technologies et des biens – y compris les matières fissiles -.

La riposte chinoise se déploya par l’accélération de sa coopération nucléaire civile avec le Pakistan à partir de 2008. Aux critiques sur les risques de prolifération, Pékin avait répondu qu’en concluant en 2008 un accord de coopération sur l’énergie nucléaire civile avec l’Inde, les Etats-Unis et la France avaient eux-mêmes transgressé les règles du GFN qui interdisent toute transaction ou coopération nucléaire, même civile, avec les Etats qui ne se conforment pas au Traité de Non Prolifération (TNP) -, dans lesquels figurent en effet non seulement l’Inde et le Pakistan, mais également la Corée du Nord, et Israël -.

Commentaires et conclusion.

La violence au moins verbale des réactions chinoises à la présence de la compagnie pétrolière indienne sous couvert d’un contrat avec Hanoi, dans des eaux revendiquées par la Chine et le Vietnam, indique que Pékin considère l’initiative de New-Delhi comme une provocation inacceptable.

Elle l’est d’autant plus qu’elle s’inscrit dans une évolution préoccupante pour la Chine qui voit l’Inde glisser progressivement dans la mouvance occidentale, dont la manifestation la plus irritante pour Pékin furent les accords sur le nucléaire civil conclus à partir de 2008, avec les Etats-Unis et la France, gratifiant New-Delhi d’un traitement privilégié au regard des contraintes du TNP.

Surtout, l’incident qui survient sur fond d’exacerbation des querelles de frontières, a éclaté alors que Washington vient de réaffirmer avec une fermeté inhabituelle, assortie de promesses de nouveaux déploiements militaires en Australie, sa vigilance sur la question de la liberté de navigation en haute mer.

Le contexte donne aux Chinois l’impression d’une série d’actions convergentes menées par les Etats-Unis qui, depuis presque deux années, rallient la sympathie de plusieurs pays de la zone, dont le Vietnam, les Philippines et l’Indonésie, contre les affirmations de souveraineté de Pékin en Mer de Chine. A quoi s’ajoutent les références récurrentes de Washington à un front des pays démocratiques de la région comprenant le Japon, la Corée du Sud et l’Australie auxquels pourrait se joindre l’Inde.

Lors de sa visite en Inde en juillet 2011, H. Clinton a poussé New-Delhi à étendre sa zone d’influence de l’Asie du Sud vers l’Asie centrale et l’Asie du Sud-est pour, ce furent ses propres termes, « contenir l’assurance croissante de la Chine ».

L’évolution de la situation à court terme dépendra de la capacité de compromis de Pékin et New-Delhi sur la question des zones de forage, dans un contexte où, pour l’heure, et compte tenu des forces en présence autour de l’Arunachal Pradesh, c’est dans cette zone montagneuse au sud du Tibet que subsistent les risques les plus élevés de dérapage militaire. A long terme la situation sera encore conditionnée par l’état des relations entre Pékin et Washington.

Mais le pire n’est pas certain. La force de la dissuasion nucléaire qui s’exprime à plein dans cette zone où cohabitent 3 pays dotés de l’arme atomique pourrait être de nature à réduire les velléités agressives. Pékin et New-Delhi reprendraient le cours de leur trajectoire d’apaisement commencée à la fin des années 80 ; le Parti Communiste chinois réduirait ses prétentions en Mer de Chine du Sud, tandis que Washington conviendrait que focaliser sa relation avec le Pacifique Occidental sur la seule stratégie antichinoise est à la fois extrêmement réducteur et porteur de risques.

Les voix qui prônent le dialogue et la mise en veilleuse des crispations nationalistes existent en Chine, comme en Inde et aux Etats-Unis. Pour l’heure elles ont du mal à se faire entendre.


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