Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Technologies - Energie

Uber en Chine. Réflexions sur la concurrence, la jurisprudence, le droit et les « caractéristiques chinoises »

UBER, pointe émergée des NTI et du libéralisme d’entreprise.

S’agissant du schéma commercial d’UBER qui, appuyé sur les nouvelles technologies de l’information et de géolocalisation par satellite, bouscule l’organisation professionnelle classique des taxis urbains, Fortune et The Guardian vont plus loin et se demandent pourquoi le modèle fonctionne mieux dans la sphère culturelle anglo-saxonne, notamment aux États-Unis.

Comme partout, aux USA, UBER est accusé de violer les règlements locaux et d’opérer en dehors des structures socio-économiques traditionnelles sur un mode commercialement agressif que certains n’hésitent pas à qualifier d’immoral. Mais, alors que son schéma qui s’est imposé aux Amériques, dans certains pays d’Asie, en Afrique et en Australie, il a en revanche été interdit dans nombre de villes européennes. Par contraste, UBER a gagné plusieurs procès aux États-Unis dans des villes comme New-York, Miami, San-Francisco ou Saint-Louis.

Pour Robert Salomon, professeur de gestion, la méthode très individualiste, abrupte et cynique d’UBER fonctionne mieux dans les pays de tradition juridique jurisprudentielle (« common law ») épine dorsale du libéralisme économique favorisant l’initiative individuelle, que dans les pays de droit romain comme la France, l’Espagne et l’Allemagne et la plupart des pays d’Europe continentale. Dans ces pays, favorisé par une culture du droit moins ouverte aux accommodements et au pragmatisme, c’est l’arrière plan social de solidarité qui a pris le pas sur l’accomplissement individuel.

L’opportunisme juridique chinois et les champions du high-tech.

En Chine, l’environnement légal contrôlé par le pouvoir, hors des préceptes d’indépendance de la justice prônés par les philosophes occidentaux, installe un obstacle supplémentaire que, de toute évidence, UBER avait mal mesuré.

Pour le politburo en pleine effervescence modernisatrice et animé d’une détermination sans faille pour se protéger des parasitages politiques extérieurs et porter haut les couleurs des entreprises chinoises dans la compétition globale, l’obligation d’harmonie sociale confucéenne remise à l’honneur après les errements idéologiques de la période maoïste, est appuyée par une conception du droit opportuniste au service des intérêts chinois.

C’est le point de John Naughton [3] dans un article du Guardian du 7 août où il associe les déboires d’UBER en Chine à ceux de Google, le premier ayant jeté l’éponge de ses projets en solo, tout en restant associé à son concurrent chinois après avoir perdu beaucoup d’argent, tandis que le deuxième s’apprête à y revenir en se conformant aux injonctions de la censure chinoise, les décisions des deux ayant été motivées par l’irrésistible attrait des affaires chinoises dont la perspective influence mécaniquement, comme un réflexe de Pavlov, la santé de l’action en bourse.

Ainsi, écrit Naughton, « Google a compris que, même après avoir accepté les contraintes de la censure et les exigences politiques de partage des données, la discipline à laquelle il a du se soumettre tenait plus du harcèlement que des règlements. Pour le dire simplement, le pouvoir a pris le parti de favoriser les affaires des compagnies chinoises sur celles des étrangères et agit en conséquence.

Google était confronté à la concurrence de Baidu qui ne faisait que copier sa philosophie jusqu’à imiter sa présentation en ligne. Le parti voulait son moteur de recherche à sa mesure. Sous couvert d’arbitrage neutre, il a augmenté la pression sur l’Américain dès que ses affaires, stimulées par l’efficacité de son algorithme de recherche, ont atteint 30% du marché ». UBER est logé à la même enseigne.

CONTEXTE.

Le secteur des nouvelles technologies de l’information est en pleine effervescence dominé par les foisonnements de la recherche allant de l’intelligence artificielle [4] à la voiture automatique sans chauffeur et marqué par la mobilité des lignes et des alliances assez souvent à contre courant des idées reçues. Pour beaucoup, Google avec sa puissance de calcul, ses capacités de stockage et de recherche et développement constitue un rival à imiter objet de fortes jalousies.

Ainsi UBER où Google a investi 351 millions de $ en 2013, mais qui, pour ses affaires de taxis dépend de Google Earth, auquel il paye d’importantes royalties, a récemment investi 500 millions de dollars pour développer un système cartographique indépendant. A cet effet, il a engagé Brian McClendon qui participa à la création de Google Earth. Ce chassé-croisé très compétitif pour la maîtrise de secteurs en pleine expansion crée une atmosphère d’hostilité à l’intérieur même du cercle des entreprises américaines de NTI.

En même temps, dans le capital du chinois Didi Chuxing, les fonds d’UBER cohabitent avec des investissements du Japonais Soft Bank qui lui-même détient des parts dans Alibaba, concurrent d’Amazon. Enfin Alibaba qui a également investi dans Didi Chuxin, s’est, comme UBER, lancé dans mise au point d’un système de cartographie en ligne.

Note(s) :

[3Auteur de « De Gutemberg à Zuckerberg, ce que vous devez vraiment savoir sur Internet » (2012, Quercus, Londres), plongée dans l’inconnu d’Internet que tout le monde a fini par accepter comme une évidence quotidienne mais dont rares sont ceux qui en comprennent réellement le fonctionnement technique et les conséquences globales sur les équilibres des sociétés modernes.

[4A l’été 2016 Google a racheté Moodstocks une application de reconnaissance d’objets via le téléphone mobile créée par les Français Denis Brulé et Cédric Deltheil.

Il s’agissait de la dernière acquisition dans une longue suite d’emplettes dans le secteur de l’Intelligence artificielle allant de la reconnaissance faciale aux logiciels intelligents d’apprentissage automatique (« machine learning ») qui combine l’utilisation de bases de données massives (« big data ») et d’algorithmes d’apprentissage pour développer des capacités allant de la prévision économique aux voitures sans conducteur, en passant par la détection de fraudes, l’estimation des risques ou l’analyse des sentiments à partir de la tonalité d’une lettre.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• Vos commentaires

Par Etherpin Le 17/08/2016 à 17h50

Uber en Chine. Réflexions sur la concurrence, la jurisprudence, le droit et les « caractéristiques chinoises ».

Je note la présence répétée du mot « politburo » dans la présente chronique. Il me semble qu’il s’agit là d’un raccourci éditorial. En effet, je ne pense pas que le Bureau Politique rende ses décisions publiques. De plus, cet organe a vocation à diriger le Parti.

Concernant les décisions à court terme, c’est plus précisément le Comité Permanent du Bureau politique qui est à la manœuvre. A tort ou à raison, je pense que ce dernier est un peu l’équivalent de notre Conseil des Ministres.

Par La Rédaction Le 20/08/2016 à 13h15

Uber en Chine. Réflexions sur la concurrence, la jurisprudence, le droit et les « caractéristiques chinoises ».

Il est exact que le Bureau Politique est le cœur du pouvoir chinois, mais il ne peut pas être assimilé à un Conseil des Ministres d’un gouvernement qui en Chine existe par ailleurs (Au passage, rappelons qu’il n’est pas nécessaire d’être membre du parti pour faire partie du gouvernement). Le mot « Politburo » est une facilité d’écriture abrégée qui, dans le cas présent, désigne le Bureau Politique du Parti Communiste chinois par analogie avec l’abréviation créée en 1919 pour désigner le Bureau Politique du Parti Communiste de l’URSS. En Chine, il s’agit d’une équipe dont le nombre varie de 19 à 25 personnes (elle compte aujourd’hui 25 membres), véritable cœur politique du pays. Voir la liste élue par le 18e Comité Central le 15 novembre 2012.
Voir : http://www.questionchine.net/dirigeants-de-la-rpc-2012-2017.

Le Comité Central (205 membres permanents et 171 suppléants), lui-même issu d’une élection par le Congrès du Parti réuni tous les 5 ans (Prochain Congrès à l’automne 2017), est convoqué plusieurs fois par an lors de « Plenum » qui fonctionnent aujourd’hui comme des instances de discussion, d’affinage et de publication à l’attention de l’opinion, des grandes options politiques et socio-économique du pays.
C’est cet attelage du Parti à 4 étages - Congrès, Comité Central, Bureau Politique et Comité Permanent où sont rassemblés les plus hauts dirigeants du régime, véritable noyau du pouvoir - qui constitue le coeur politique de la Chine dont l’âge moyen est de 56 ans. Ce système obéit aux règles du « centralisme démocratique » où il est impossible que, comme cela arrive souvent au sein d’un Conseil des ministres occidental, s’exprime publiquement la moindre nuance politique par rapport à la ligne du Parti.

Avant l’avènement de l’actuel Politburo des voix critiques s’exprimaient par le truchement de centres de recherche comme l’Académie des Sciences Sociales. Mais depuis 2012, leurs études sont de moins en moins publiques. Quant au gouvernement - Conseil des Affaires d’État -, même si la constitution lui attribue officiellement le rôle d’un des piliers du pouvoir avec le Parti, l’Assemblée Nationale Populaire et l’Armée Populaire de Libération, son pouvoir effectif est celui d’un exécutif bureaucratique chargé de la mise en oeuvre des décisions prises par le Politburo.

Preuve que les attributions du Conseil des Affaires d’État (gouvernement) sont limitées. Contrôlant en apparence le ministère de la défense, il n’a en réalité aucun pouvoir réel sur l’APL, dont le commandement est assuré par la Commission Militaire Centrale, récemment réformée de fond en comble – dont le Président est le n°1 du parti et Président de la République, assisté de 10 généraux qui sont les deux vice-présidents, le ministre, le Chef de l’État-major général, les commandants d’armées et de la 2e artillerie.

La dernière réforme en date de 2015 – 2016 a consisté à réorganiser l’État-major général et à en éclater les attributions en 15 nouveaux organismes devenus le centre de pouvoir réel des armées dont le travail quotidien est coordonné par un cabinet ou secrétariat (Ban Gong Ting = 办公厅)。A un degré moindre, l’influence de la machine politique du parti sur le Conseil des Affaires d’État s’exerce aussi par le truchement des groupes dirigeants du parti qui formulent des recommandations sur la ligne politique ainsi que sur les priorités socio-économiques et technique auxquelles les ministères doivent se référer.

• À lire dans la même rubrique

Spectaculaires succès des véhicules BYD

La nouvelle course à la lune, au cœur de la rivalité sino-américaine

A Dubaï, la Chine championne des renouvelables et du charbon

Les guerres de l’espace et des microprocesseurs, deux secteurs clé de la rivalité sino-américaine

Projets spatiaux chinois et rupture de la coopération avec l’Occident