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›› Taiwan

Un improbable traité de paix

NOTES de CONTEXTE

Séminaire Chine – Taïwan

Le séminaire pour le « renforcement de la confiance mutuelle et la paix dans le Détroit », a eu lieu le 12 décembre à Taipei. 200 Taïwanais et une quarantaine de Chinois du Continent chercheurs et universitaires, ainsi que quelques officiels des deux rives y ont participé. La presse chinoise avait présenté l’exercice comme la préparation d’un traité de paix entre cercles universitaires et société civile.

Selon la porte parole de la partie chinoise, « les deux rives peuvent initier des contacts et des échanges sur des questions militaires et négocier des mesures de confiance. » Ce que la partie taïwanaise a récusé. Le séminaire avait initialement été planifié en juin 2012, mais fut retardé après que Taipei ait refusé des visas à plusieurs membres militaires de la délégation chinoise.

Relations Taïwan – États-Unis

Le Congrès a publié le 4 janvier son rapport annuel sur la relation avec Taïwan. Le document arrive au milieu d’une période de doutes de l’administration américaine sur nombre de questions concernant sa relation avec l’Ile, dans un contexte de tensions avec la Corée du nord, aggravées par des effervescences nationalistes entre Tokyo et Pékin, tandis que la Maison Blanche hésite entre une plus grande « normalisation » de ses relations avec la Chine et la tentation de « l’endiguement », dont la bascule stratégique de sa marine vers le Pacifique occidental, est l’expression la plus concrète.

Cette question est abordée dans un récent article dans le New-York Herald Tribune de Joseph Nye, l’ancien conseiller stratégique de J. Carter, et chantre de « la puissance douce ». Redoutant la marche vers la guerre, sur fond de tensions entre Tokyo et Pékin, il rapporte les propos d’un chercheur chinois, Jin Canrong, professeur de relations internationales à Pékin, selon lesquels la bascule stratégique de Washington vers l’Asie Pacifique était un « choix stupide ».

Il conseille d’éviter l’agressivité, et, au contraire, de mettre en œuvre une « coopération vigilante », y compris militaire en associant la marine chinoise aux exercices de l’US Navy, en intégrant Pékin au Partenariat Trans-Pacifique, « à condition que les conditions soient remplies », le tout éventuellement assorti, si nécessaire, d’une stratégie d’équilibre avec l’Inde, le Japon, le Vietnam.

Dans ce contexte, les interrogations de Washington sur son alliance avec Taïwan énoncées dans le rapport du Congrès sont multiples. Toutes renvoient au non-dit du poids de la relation avec la Chine sur la politique taïwanaise de la Maison Blanche et à la quadrature du cercle d’avoir à ménager Pékin pour d’évidentes raisons économiques et stratégiques, quand, en même temps, la trajectoire politique de Taïwan en a fait une démocratie, à qui il est difficile de tourner le dos.

Au plan stratégique uniquement et sans évoquer les problèmes bilatéraux, le Congrès s’interroge sur le niveau de solidité de la relation avec Taïwan et sur ce qu’il faudrait faire pour la renforcer ; Il se demande s’il faut reprendre les ventes d’armes et lesquelles ; comment renforcer la défense taïwanaise ; s’il convient de relever le niveau politique des visites officielles ; s’il faut autoriser les visites de généraux, et enfin s’il convient d’appuyer la quête taïwanaise pour plus d’autonomie diplomatique.

Défis intérieurs et engouement des touristes chinois.

Alors qu’en dépit de commentaires sur l’amélioration de la situation économique, la popularité dans les sondages de Ma Ying-jeou est tombée à seulement 13%, et que le gouvernement disait vouloir s’attaquer aux défis de la compétition globale, de la création de zones de libre échange, du déficit de talents et de la réforme des retraites (les perspectives de vieillissement de la population sont alarmantes), plus de 2 millions de touristes chinois sont venus visiter l’Île en 2012, soit une augmentation de près de 50% par rapport à 2011. La grande majorité est venue en groupes organisés, tandis que seulement 200 000 voyageaient en individuels.

Frank Hsieh aux Etats-Unis. Deux lectures d’une seule constitution.

Après sa visite en Chine en octobre, l’ancien n°1 du DPP est rentré début janvier d’un voyage de 3 semaines aux États-Unis. Il y a rencontré les communautés taïwanaises en Californie et exploré avec les universitaires américains la possibilité de multiplier les séminaires de chercheurs entre les deux rives du Détroit, en même temps qu’il a testé sa formule de relations dans le Détroit basées sur son concept « d’une seule constitution avec deux interprétations ».

En proposant ce concept dès janvier 2011 pour remplacer le « consensus 1992 » inacceptable pour le DPP, par une formule pouvant rallier tous les Taïwanais, Frank Hsieh apporte sa pierre à la solution du cul de sac politique dans lequel se trouve le Parti indépendantiste. Pour l’ancien premier ministre, la loi fondamentale taïwanaise étant, pour l’instant, celle de la République de Chine, c’est sur elle que devrait porter le consensus à l’intérieur de l’Ile et le dialogue entre Pékin et Taipei, au lieu du « Concept d’une seule Chine ».

Franck Hsieh considère aussi que la référence constitutionnelle contient en filigrane l’idée que Taïwan et la Chine sont bien deux entités séparées. Elle renvoie bien plus à une exigence de souveraineté que la formule d’une seule Chine, contenue dans le consensus de 1992 et, de ce fait, convient mieux à un parti dont la vision politique est s’articule sur la séparation.

Il ajoute : « s’il advenait que la Chine communiste nous refuse l’appellation de République de Chine, inscrite dans notre constitution et qui nous donne plus de dignité que le “consensus d’une seule Chine”, alors il serait temps de changer la constitution (…) “Une seule Chine avec deux interprétations de part et d’autre du Détroit”, qui est l’interprétation du KMT, implique déjà que les deux rives sont parties d’un même pays. (…) Alors que ma proposition, qui renvoie à deux constitutions indique que nous sommes en présence de deux entités politiques séparées ».

Su, le n°1 du DDP explique sa vision.

Le 12 janvier, à la veille d’une manifestation anti gouvernementale, ayant rassemblé entre 100 000 et 150 000 personnes, Su Tseng-chang, a livré au Taipei Times sa vision de l’avenir de son parti. Selon lui il existe à Taïwan un fort consensus identitaire et sur l’attitude à adopter à l’égard de la Chine.

« Les Taïwanais se considèrent les maîtres chez eux et entendent développer sans complexes des relations avec Pékin. », mais « les questions de forme sont importantes (…) Nous sommes prêts à développer de plus amples relations avec la Chine, à la condition de préserver notre identité, au lieu de nous placer sur la trajectoire de la réunification. C’est là notre plus grande différence avec le KMT ».

Dans ce contexte contradictoire, où il s’agit de développer des relations avec le PCC politiquement révulsé par la philosophie politique du DDP qui réaffirme son projet d’indépendance, Su insiste sur le fait que l’Île est libre et démocratique, récuse toute modification du statu quo dans le Détroit et spécule sur les évolutions politiques qui conduiront tôt ou tard la Chine vers la démocratie. En espérant une évolution politique de la Chine, il se place dans une position radicalement différente de Hsieh qui, lui, cherche un accommodement avec le PPC , avec, probablement, pas plus de chances de succès.

Su ajoute : « La Chine change. Pékin répond aux appels des internautes et parle de constitution et de démocratie, comme nous le faisions il y a 40 ans ». A l’intérieur, il est tout entier focalisé sur les élections locales de 2014 qui remettront en jeu 12 000 mandats dans l’Île.

A cet effet, il prépare « 30 000 observateurs spécialement formés pour détecter les fraudes du KMT ». Mais sa philosophie consistera à coopérer avec le KMT pour les questions d’intérêt national, tout en s’interrogeant sur les raisons des échecs électoraux du Parti. En 2013, l’objectif est de préparer le scrutin local de 2014, de réformer le Parti et de le promouvoir par des voyages à l’étranger. « Sans victoire aux élections locales en 2014, la reconquête de la Présidence en 2016 sera impossible ».

Le Consensus de 1992.

Dans son discours du 8 novembre au 18e Congrès, Hu Jintao a formellement entériné le « Consensus de 1992 » comme la base institutionnelle du dialogue entre Pékin et Taipei, désormais inscrite dans les archives officielles du Parti. « Les 2 rives Détroit devraient rester fidèles au respect du Consensus de 1992 et à leur opposition à l’indépendance de Taïwan ».

Aujourd’hui l’efficacité du consensus réside dans le fait qu’au delà de « la reconnaissance d’une seule Chine », chacune des parties accepte que l’autre puisse en avoir une interprétation différente, ce qui permet d’apaiser les relations en évitant les dures questions de souveraineté.

Mais l’exercice a lui-même ses limites. Elles apparaissent à mesure que le Parti Communiste Chinois semble vouloir pousser les feux du dialogue politique, dont l’objet ne peut être que la réunification sous l’égide de l’actuel régime en vigueur à Pékin, une hypothèse inacceptable pour la classe politique de l’Île.

Pour autant, le renforcement institutionnel du « consensus » constitue un important progrès. Issu d’une réunion en 1992 à Hong Kong entre la Fondation taïwanaise pour les échanges dans le Détroit (SEF), et l’ARATS, ses bases sont floues.

En 2001, Koo Chen Fu, patron de la SEF en 1992 avoua lui-même que la réunion avec Wang Daohan, président de l’ARATS n’avait pas abouti à un consensus écrit. A la fin 1995, le contact fut rompu quand le Président taïwanais Lee Teng Hui visita les Etats-Unis. En 1998, les échanges reprirent brièvement avant d’être à nouveau interrompus après la proposition de Lee Teng Hui de considérer Pékin et Taipei comme les sièges de « 2 Etats séparés ».

En 2006, Lee Teng Hui, devenu le chef spirituel du mouvement radical pour l’indépendance prônée par le TSU (Taïwan Solidarity Union), déclara publiquement que le « consensus » n’était qu’une fiction. Une mise au point si brutale que même le DPP se sentit obligé de corriger le tir en affirmant que le « consensus » était utile pour mettre à bas les murailles entre les 2 rives.

Aujourd’hui le KMT reconnaît la capacité d’apaisement du consensus, mais Ma Ying-jeou prend toujours soin d’insister sur les « deux interprétations », que même Pékin a fini par reconnaître après de longues années de réticence. Quant au DPP il cherche toujours à résoudre sa contradiction existentielle, d’être un parti indépendantiste, dont le retour au pouvoir repose, en partie, sur sa capacité à nouer des liens apaisés avec le Parti Communiste Chinois, pour qui l’indépendance est un casus belli.

Vente d’armes américaines et défense.

Réseau radars longue distance.

Le réseau d’alerte longue distance en construction depuis 10 ans, acheté aux Etats-Unis et articulé sur les crêtes montagneuses de la chaîne centrale vient d’être achevé. Il aura coûté 10 Mds de Taïwan dollars de plus que prévu (250 millions d’€). Le système a une portée de 2000 km sur 360°, ce qui lui permet de surveiller la zone des Diaoyu, les Spratly et très au-delà des côtes chinoises à l’intérieur du Continent, permettant de détecter le départ d’un missile balistique ou de croisière. Le réseau de radars est connecté au système anti-missiles Patriot, également acheté aux Etats-Unis.

Arrivée des « avions espions » et des hélicoptères d’attaque.

D’ici la fin de l’année 2013, le ministère de la défense prendra livraison de 12 avions P-3C chasseurs de sous marins, achetés aux Etats-Unis en 2007 pour 1,96 Mds de $. L’appareil – surveillance maritime et lutte anti sous marine - qui date des années soixante est fabriqué par Lockheed. Il a été plusieurs fois modernisé, notamment pour sa partie informatique, à partir des année 90. Son efficacité anti sous marine repose sur un système de détection magnétique installé dans la queue de l’avion.

En 2013 Taïwan recevra également les 6 premiers appareils de la version la plus moderne de l’hélicoptère d’attaque Apache AH-64E, fabriqué par Boeing, partie d’une commande de 30 engins livrables d’ici 2014, pour un budget total de 20 Mds de $. Avec un rayon d’action de 480 km, il est équipé d’un canon de 30 mm, de 16 missiles air-sol Hellfire et de 4 missiles air-air de la classe Sidewinder ou Tow. Il est particulièrement adapté au combat air-sol dans les zones montagneuses de l’Île.

Ventes d’armes en suspens.

La classe politique taïwanaise espère en outre que les Etats-Unis accepteront de vendre des F-16 neufs en plus de l’opération en cours de rénovation des anciens appareils. Dans cette perspective, les Taïwanais reçoivent l’appui du complexe militaro-industriel et de la mouvance pro-taïwanaise du Congrès.

Le sujet a été évoqué au milieu d’autres affaires bilatérales, par une délégation du Congrès de 20 parlementaires venue à Taïwan à la fin janvier, sous la direction de ED Royce, nouveau président de la Commission des Affaires étrangères qui fera pression sur l’exécutif américain.

Lors de cette visite, Ma Ying-jeou a également évoqué la nécessité pour l’Île de disposer de sous-marins modernes. En avril 2001, le président Bush avait annoncé la vente à Taïwan de 8 sous marins classiques. Mais ce projet n’a jamais été mené à bien de crainte de froisser la Chine.

La flotte sous marine de Taïwan est indigente, composée de 2 unités américaines de la classe Guppy et de 2 unités néerlandaises de la classe Zwaardis achetées dans les années 80. En 2011 face aux difficultés de trouver un constructeur européen ou américain Taïwan avait laissé entendre que les sous-marins seraient construits dans l’Île avec l’aide d’ingénieurs américains.


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