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›› Politique intérieure

Vers le 18e Congrès, ou l’art d’accommoder les contraires

Inondations à Pékin. Les critiques mises sous le boisseau.

Confronté à la force des récriminations, le pouvoir a, quelques jours après le déluge, et en contradiction directe avec ses récentes directives, mis le couvercle sur les critiques de la presse et de l’opinion qui, pourtant, pointaient du doigt des lacunes objectives de la gestion de la ville, plus préoccupée de façade que d’efficacité.

Alors que le bilan officiel à Pékin, corrigé le 26 juillet, sous la pression des intervautes, est de 77 morts et 50 000 déplacés, surtout dans le district de Fangshan qui reçut 460 mm d’eau au cours du week-end du 21 juillet, plus de 500 vols ont été annulés, laissant 80 000 passagers sur le carreau, tandis que le trafic ferroviaire a été partiellement perturbé et que l’autoroute Pékin – Hong Kong - Macao était submergé sur un kilomètre, noyant près d’une centaine de voitures.

Devant l’ampleur du désastre et le nombre anormal de victimes dans la capitale, qui pourrait encore augmenter, la presse et l’opinion n’ont pas ménagé leurs critiques. Le magazine Caixin dénonçait à la fois l’absence d’alerte et la vulnérabilité de la capitale dont le réseau de drainage était insuffisant. Le Global Times, pourtant émanation du Quotidien du Peuple, estimait que les inondations de la capitale jetaient une lumière crue sur les graves carences inacceptables de la modernisation du pays. « Si la capitale est confrontée à un tel chaos, les problèmes d’infrastructure urbaine doivent être bien pires ailleurs ».

Le journal citait un expert qui confirmait que la Chine a des dizaines d’années de retard sur les pays développées. « Les systèmes de drainage sont inadaptés et mal entretenus et les lois et règlements qui les encadrent ne datent que de quelques années ».

Les plus sévères critiques postées sur Sina Weibo accompagnées par des photos montraient à la fois les rues de Pékin inondées et, en contrepoint, le système de drainage moderne de Tokyo. Le tout au milieu de nombreuses remarques des abonnés des réseaux sociaux sur le contraste entre la flamboyance de façade des JO de 2008 et la pauvreté des infrastructures d’évacuation des eaux. « Mais voilà, dit une internaute, le drainage des eaux de pluie n’a pas la faculté de « donner de la face » ».

Un autre accuse les autorités de rejeter leur responsabilité sur les éléments, alors que les fautifs sont « l’absence de prévision, la corruption et l’incompétence, principales causes de la souffrance de la population ». Ironique, un troisième ajoute : « si seulement les autorités avaient construit un système de drainage aussi efficace que leur censure d’internet ».

Certains, cités par le site China Digital Times, dont le texte a cependant été très vite effacé, ajoutaient la dérision à leurs appréciations politiques : « dans ma courte existence, j’ai observé deux éclipses solaires qui normalement ne se produisent qu’une fois par siècle ; j’ai aussi vu 10 inondations qui n’arrivent que tous les 5 siècles et deux séismes dont on m’avait dit qu’ils ne se produisent que tous les millénaires ; mais la seule chose que je n’ai pas vue est une élection générale organisée tous les 5 ans ».

Après avoir laissé s’épancher les rancœurs, le pouvoir a réagi à sa manière traditionnelle, assez éloignée de ses propres injonctions d’écoute, de tolérance et de médiation. La censure mise en œuvre chaque fois qu’Internet et les réseaux sociaux diffusent des nouvelles qui mettent en cause la gestion du pays par le Parti. La faute étant implicitement imputée aux cadres locaux.

Le 23 juillet, le Beijing Times révélait en effet que Liu Wei, en charge de la propagande de la ville, avait demandé aux journaux de focaliser leurs informations sur des points positifs qui présentent les efforts des autorités et la solidarité entre les victimes.

Tentation d’ouverture et réflexes de suppression.

Le contraste entre les discours et la réalité confirme une fois de plus les difficultés qu’éprouve le Parti à modifier fondamentalement son style et ses méthodes dès lors qu’il est confronté à des critiques qui le mettent en cause directement.

Il rappelle les nombreux cas où l’appareil, inquiet pour la stabilité sociale érigée en priorité cardinale de politique intérieure et craignant d’affaiblir son magistère à la tête du pays, a souvent, contre ses propres lois, préféré privilégier les mesures de blocage et de fermeture.( Lire notre article « La cinquième modernisation »).

Zhang Jian, professeur de sciences politiques à l’Université de Pékin estime que, même si Xi Jinping le voulait, il aurait du mal à lancer des réformes socio-économiques d’envergure après le Congrès. Le poids du contrôle sur la société qui s’est alourdi indique qu’il n’existe en effet pas de consensus clair parmi les caciques.

Dans ce contexte, et sauf grave secousse politique interne, dont il est impossible d’évacuer l’occurrence, l’hypothèse la plus probable est que le pouvoir chinois continuera, après le Congrès, de naviguer entre les eaux contradictoires de l’ouverture et du contrôle politique et social. Dans ce contexte, il sera à la fois contraint, non seulement par la pression sociale et politique, mais également par sa propre détermination à rester au pouvoir, elle-même conditionnée par l’exigence du consensus autour du plus petit dénominateur commun entre les factions et les clans.

Cette contradiction est au demeurant inscrite dans les perspectives, cependant encore très aléatoires d’un prochain Comité Permanent du Bureau Politique composé de personnages aussi différents que Li Keqiang et Meng Jianzhu.

Le premier, émule de Hu Jintao et Wen Jiabao, qu’il devrait remplacer au poste de 1er ministre, s’est récemment signalé en assurant la promotion de l’étude sur la situation chinoise menée par la Banque Mondiale, fief s’il en est de l’influence de l’Occident et des Etats-Unis. Intitulée « China 2030 » et cosignée par le Président américain de la Banque et le gouvernement chinois, elle comportait un long paragraphe, mettant sans nuances directement en cause le pouvoir exorbitant des clans.

Lire notre article « Coup de projecteur sur le futur pouvoir central chinois. 1re Partie ».

Quant au second, il est âgé de 66 ans et son accession au pouvoir suprême est beaucoup moins assurée que celle de Li Keqiang, lui-même placé sur cette trajectoire depuis le 17e Congrès. Meng Jianzhu est aujourd’hui ministre de la sécurité publique, vice président de la Commission Centrale de discipline du Parti, commissaire politique de la Police Armée Populaire et vice président de 2 « groupes dirigeants » l’un sur les Affaires légales et juridiques et l’autre sur la province du Tibet.

Protégé de Jiang Zemin, Meng est aussi un adepte de la stratégie de contrôle social prônée par Zhou Yongkang, qu’il pourrait remplacer à la tête de la Commission des Affaires juridiques du Parti. Il a contre lui de ne pas être membre du Bureau Politique, un sérieux handicap qui s’ajoute au fait que la santé de son mentor Jiang Zemin est aujourd’hui fragile.

Enfin, signe des luttes internes entre les factions, dans les arcanes du Parti on discute beaucoup de la pertinence de maintenir, après son départ, le poste de Zhou Yongkang au sein du Comité Permanent.


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