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Vers une guerre totale en Corée du nord ? Les pièges mortels des incertitudes et des malentendus

La succession de ces échanges dont les grands dirigeants de la planète sont aujourd’hui coutumiers et, surtout, l’habitude du président Trump de jeter en pâture à la presse le contenu des conversations, conduisent à s’interroger sur la pertinence de la « diplomatie de la transparence ». Beaucoup la considèrent comme un progrès, pouvant même, par la vertu de la franchise et celle de l’étalage public des secrets d’État, éviter le déclenchement catastrophique d’une guerre.

Aux États-Unis où on glose beaucoup autour des leçons tirées des lectures de Thucydide sur la guerre du Péloponnèse entre Athènes, puissance installée et Sparte sa rivale, il y a 25 siècles, transposée avec plus ou moins de pertinence dans l’actuelle hostilité stratégique entre les États-Unis et la Chine, certains avancent que le secret et l’entre soi des dirigeants et des alliances dont les peuples n’avaient que faire, furent les principaux ferments du déclenchement de la première guerre mondiale, enchaînement catastrophique des vanités, des jalousies et des égocentrismes ayant manipulé à l’extrême la crédulité patriotique des peuples.

A l’inverse, certains continuent de croire à la vertu du secret, épine dorsale des grandes diplomaties. Lors de sa première visite en Chine en 1972, Nixon demanda à Zhou Enlai de lui procurer un interprète chinois, car disait-il « les Américains ne savent pas garder un secret ». Sept ans plus tard, Washington rétablissait ses liens diplomatiques avec la Chine et réduisait ceux avec Taïwan à la présence d’un « Institut ». Aujourd’hui, Trump aurait accompagné son voyage par des dizaines de « tweet » au risque de compromettre un rapprochement dont l’évidence et l’utilité n’avaient pas encore percé la barrière de l’opinion, tandis que l’opposition démocrate l’aurait tué dans l’œuf en accusant le président de trahir Taïwan.

Quoi qu’il en soit, le moins qu’on puisse dire est que les temps ont changé et que le secret diplomatique n’est plus nimbé de la même aura d’efficacité que par le passé, tandis que l’époque où la révélation publique des échanges entre les chancelleries était considérée comme une grave offense pouvant compromettre la sécurité du pays, paraît aujourd’hui dépassée. Il n’empêche que la nouvelle Maison Blanche ne fait que chevaucher la mode de l’étalage public favorisée par les nouvelles technologies de la communication, considérée par certains, parfois avec raison, comme un progrès démocratique.

La question est de savoir si ce progrès de la transparence peut ou non contribuer à résoudre la question nord-coréenne et, dans ce cas précis, éviter l’enchaînement épouvantable pouvant conduire à un conflit de grande ampleur dont Vladimir Poutine, disait le 6 septembre au président sud-coréen Moon rencontré à Vladivostok, qu’il serait une « catastrophe planétaire ».

Nombre de commentateurs dénoncent les « incohérences » de la méthode Trump à qui ils attribuent l’entière responsabilité de l’aggravation de la situation. En réalité, s’il est vrai qu’au cours des six derniers mois les tensions entre Pyongyang et Washington ont atteint un niveau inégalé depuis 1953, l’accélération des programmes nucléaires et balistiques de Pyongyang date de l’arrivée de Kim Jong-un au pouvoir en 2012.

Entre 2012 et 2016, la liste est longue des transgressions n’ayant rien à voir avec l’activisme de la nouvelle Maison Blanche : 3 essais nucléaires en 2013, 2016 et 84 essais balistiques réussis ou manqués depuis 2012 en seulement 6 années, contre 14 en 33 ans par les 2 premiers « Kim ». Et déjà, en 2013, la menace de Kim Jong-un de rompre l’armistice et de relancer la guerre de Corée. Les critiques passent également sous silence la complicité de la Chine dont l’application des sanctions a toujours ménagé le régime de Pyongyang par crainte de son effondrement ou d’une modification du statuquo qu’elle redoute.

Par sa méthode, à mille lieues de la diplomatie du secret, qui interpelle publiquement Pékin, soufflant le chaud et le froid, alternant les bonnes paroles, les mises en garde et même les menaces de représailles contre Pékin, brouillant constamment ses intentions immédiates qui semblent hésiter entre une frappe conventionnelle et un nouveau cycle de négociations, Donald Trump bouscule la stratégie chinoise de l’évitement et redistribue les cartes biseautées dont chacun s’accommodait jusqu’à présent.

L’analyse qui suit tente une appréciation de la méthode et formule des hypothèses sur la suite de la crise. Deux points paraissent émerger : la séquence s’accélère jusqu’à des limites dangereuses ; la situation est enveloppée dans une longue liste de malentendus, de mensonges et de non dits.


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