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›› Chronique

Vers une guerre totale en Corée du nord ? Les pièges mortels des incertitudes et des malentendus

Le casse-tête d’une Corée nucléaire.

La troisième hypothèse officiellement peu évoquée par les gouvernements, qu’il s’agisse des États-Unis, de ses alliées coréens et japonais, de l’Europe et même de la Chine qui tous affirment leur volonté de dénucléariser la péninsule, est l’acceptation, en désespoir de cause – les moyens militaires ayant été jugés trop dangereux –, que la Corée du nord entre dans le cercle des pays proliférant acceptés au même titre que l’Inde et le Pakistan. L’idée court aux Etats-Unis.

Tom Malinowski, ancien vice ministre des Affaires étrangères pour les droits de l’homme et la démocratie d’Obama, vient d’écrire un article dans Politico expliquant que la politique de long terme de Washington devrait être la dénonciation des abus de pouvoir en Corée du nord et à plus long terme la réunification démocratique de la péninsule, tandis que la question nucléaire devrait être abandonnée.

James Clapper ancien Directeur du renseignement national sous Obama (2010 – 2017) partage ce jugement « Les Nord-coréens n’abandonneront jamais leur arsenal. (…). Ni les négociations, ni les menaces, ni les sanctions, rien n’a fonctionné ». Steve Bannon était sur la même ligne avant son limogeage « Il n’y a pas de solution militaire. Il nous ont eus ! »

Pour la Chine, la perspective encore hypothétique – mais le temps est compté - n’a rien de réjouissant. Une Corée du Nord nucléaire augmentera la présence américaine en Asie du Nord-est dont Pékin voudrait précisément se débarrasser à ses portes et en Asie, tandis que s’ouvrirait le cauchemar de la « boîte de Pandore » des proliférations au Japon et en Corée du sud.

Le prix du simplisme et de l’inconscience.

Enfin, la lecture du reportage d’Esnos installe le sentiment très vif que la plongée de Pyngyang vers le nucléaire est à la fois le résultat de profonds malentendus et incompréhensions, de l’attitude équivoque de Pékin et d’une successions de bévues de l’administration américaine.

Après avoir acculé Pyongyang dans le coin de « l’axe du mal » avec Bush en 2002, laissant planer la perspective d’un destin comparable à celui de Sadam Hussein ou, plus tard de Kadafi, ce qui entraîna le retrait de Pyongyang du TNP l’année suivante, et 3 ans plus tard le premier test nucléaire (juillet 2006), Washington a ensuite coupé toutes les communications sérieuses d’une relation déjà handicapée par l’absense de liens diplomatiques officiels avec Kim Jong-un.

Erreur qui dans une moindre mesure fut aussi celle de Pékin puisque Kim le Troisième n’a jamais été reçu en Chine et que la dernière visite chinoise de haut niveau à Pyongyang date de deux ans. Certes la diplomatie ne peut à elle seule éviter une escalade telle que celle qui se produit sous nos yeux en Asie du nord-est. Mais au moins peut-elle éviter les méprises et la confusion.

En lisant la liste des événements majeurs ayant jalonné la crise depuis 30 ans on est frappé par le nombre de promesses d’arrêt de ses programmes non tenues par Pyongyang (2003, 2006, 2007, 2009, 2013…), dans un contexte où la relation diplomatique bilatérale n’a jamais existé. A côté de la Chine et de la Russie auxquels s’ajoutent Cuba et 16 pays d’Asie et d’Afrique, six pays européens et l’UE, entretiennent des ambassades à Pyongyang (la Suède, l’Allemagne, la République Tchèque, la Pologne, le Royaume Uni, la Roumanie.) Les affaires consulaires américaines étant tenues par la Suède.

Un gouffre d’incompréhension.

Dans le dernier paragraphe de son récit, Esnos explique qu’en 18 années de journalisme il n’avait jamais ressenti une telle impression d’incertitude après un voyage. Le sentiment que personne, qu’il s’agisse des diplomates, des stratèges ou des chercheurs qui pourtant ont consacré leur vie à la Corée du Nord, n’est en mesure de décrire avec clarté et assurance ce que pensent vraiment les Nord-coréens.

« Nous ne savons pas ce que Kim Jong-un veut faire de son arsenal nucléaire et comment le repliement du pays sur lui-même et sa mythologie, proche de la déification, ont modifié sa compréhension de la stratégie américaine. »

L’incompréhension catastrophique va loin. Le 8 août dernier, sur le site « 38 NORTH » sponsorisé par l’Université John Hopkins, Robert Carlin chercheur associé à Stanford qui suit la Corée du nord depuis 40 ans, a relevé une grave lacune d’interprétation des déclarations du régime.

Depuis avril dernier les médias, les chancelleries occidentales, les analystes des centres de recherche et le département d’État relayent l’affirmation faite au sommet de l’ASEAN de Manille par le ministre des Affaires étrangères nord-coréen Ri Yong-ho, homonyme du général chef des armées limogé et mis aux arrêts en 2012, selon laquelle l’arsenal nucléaire n’était pas négociable.

Le 4 juillet pourtant, après l’essai balistique de capacité intercontinentale de la fête nationale américaine, Kim Jong-un lui-même faisait la déclaration suivante introduisant peut-être une sérieuse nuance : « La Corée du Nord ne mettra jamais ses armes nucléaires et ses missiles sur la table des négociations, ou même ne déviera pas d’un pouce de ses intentions de se constituer une force de frappe nucléaire, à moins que les États-Unis cessent définitivement leur politique hostile et leurs menaces nucléaires ».

Robert Carlin qui ajoute que la formulation a été répétée au cours des mois suivants dont une fois lors de la réponse du régime aux sanctions des NU qui suivirent, n’en conclut pas pour autant qu’il s’agit d’une ouverture miraculeuse. Mais il note que les versions coréenne et anglaise de la déclaration du ministre à Manille différent précisément par l’omission de la portion de phrase après « à moins que ». Erreur funeste.

Comment savoir ce que pense vraiment Pyongyang ? interroge Carlin. La conclusion tombe sous le sens et renvoie à l’absence de communication et aux malentendus « Allez donc leur parler ».


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