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›› Chronique

Xi Jiatun, un conservateur pragmatique

Une approche lucide de la question de Hong Kong.

Le 17 août 2015, une manifestation favorable à Pékin avec côte à côte les emblèmes de Hong Kong et de la RPC.

*

Xu Jiatun n’était pas un radical, fervent de l’instauration sans réserve de la démocratie en Chine et à Hong-Kong. Durant les sept années de ses fonctions dans la colonie britannique, il s’était au contraire efforcé de rester en contact avec tous les pans de la société, hommes d’affaires en vue, qu’il avait présentés à Deng Xiaoping, hommes politiques favorables à Pékin et mouvements démocratiques.

Preuve de son réalisme aux convictions en apparence contradictoires, en 1997, depuis les États-Unis où il s’était exilé, il avait critiqué la réécriture des événements du 4 juin 1989 par le Parti sous le direction de Jiang Zemin.

Mais, en même temps, il mettait en garde les Hongkongais contre les illusions du suffrage universel et suggérait aux mouvements démocratiques de cesser de réclamer la fin du parti unique en Chine. En 2013, lors de son unique visite à Taïwan organisée par un moine bouddhiste favorable à la réunification, il s’était fait l’avocat du parti communiste, affirmant que, sur le Continent, les Chinois, jouissaient de la liberté d’expression « à l’exception des questions sensibles. »

Pragmatique et conscient, non seulement de l’importance des hommes d’affaires dans la colonie, mais également de l’impossibilité politique d’une réunification « sèche », il était allé jusqu’à relayer à Deng Xiaoping – ce qui lui fut reproché par la suite à Pékin comme « une trahison » – une proposition d’un des Tycoon de payer à Pékin 10 Mds de $ de Hong-Kong en échange de 10 années d’autogestion après la rétrocession.

Il n’empêche que la formule « un pays deux systèmes » adoptée en 1997 est dérivée de cette pensée souple et visionnaire. Une philosophie en phase avec les travaux préparatoires à la rétrocession et à l’esprit de la Commission de rédaction de la Loi Fondamentale de la R.A.S dont il était le vice-président.

Un fervent partisan du dialogue.

Mais, au-delà des ambiguïtés du personnage dont les convictions semblaient flotter entre le loyalisme au Parti, les références politiques conservatrices et l’ouverture libérale, Xu reste, dans le souvenir des Hongkongais - et dans ses mémoires Zhao Ziyang lui accorde ce crédit -, comme l’un des rares membres du Parti ayant officiellement pris fait et cause pour les étudiants et le dialogue, contre la répression.

Après le 4 juin 1989, toujours en poste à Hong Kong au nom de Pékin, il avait autorisé, sous certaines conditions (pas de discours publics, pas de slogans « inappropriés »), les manifestations en mémoire des victimes des fusillades.

De même, il avait suggéré aux patrons des groupes publics chinois présents dans la colonie d’autoriser leurs cadres à se joindre aux mouvements de deuil et de protestation contre la répression, à condition qu’eux-mêmes se tiennent à l’écart. Autant d’initiatives qui agacèrent le politburo enfermé dans une logique répressive sans nuance. En 1990, apprenant qu’une commission d’enquête venant de Pékin était en route pour l’interroger, Xu Jiatun s’était, sans crier gare, enfui aux États-Unis. Depuis, il vivait dans la banlieue de Los Angeles. Il était le plus haut dignitaire du parti à avoir fui la Chine après Tian An Men.

Un testament éloge de Xi Jinping et contre les corrompus.

Récemment, il s’était entretenu une douzaine de fois sur l’avenir de la Chine et la politique Xi Jinping avec Simon Kei Shek Ming ancien de Yazhou Zhoukang et meilleur journaliste de l’année 2009, élu par la Société Asiatique des éditeurs.

De ces conversations, il ressort que Xu, conservateur dans l’âme, accordait au Parti unique le crédit d’avoir modernisé la Chine en seulement 30 ans, contre 3 longs et douloureux siècles d’industrialisation en Europe. Mais, cette marche vers le progrès n’avait pas été sans problèmes. Jiang Zemin et Li Peng qui utilisèrent leur pouvoir politique pour s’enrichir avaient installé dans le pays la matrice des cliques familiales corrompues plus attachées à leurs intérêts qu’à ceux de la Chine.

Ces réseaux qui, en 1989, étaient déjà la cible des protestations à Tian An Men, sont aujourd’hui les principaux objectifs de la lutte anti-corruption conduite depuis 2013 par Xi Jinping contre les ramifications familiales corrompues entretenues et protégées par Jiang Zemin dont l’influence est restée intacte longtemps après la fin de son mandat en 2002.

Son fils aîné Jiang Mianheng utilisa le prestige de son père pour construire un empire dans le secteur des télécoms ; le plus jeune Jiang Miankeng avait le monopole du contrôle sur les transports et les travaux publics à Shanghai.

Li Xiaolin, la fille de Li Peng dont la famille contrôle l’hydraulique et le secteur de l’électricité, fut longtemps l’une des toutes puissantes têtes de l’énergie électrique en Chine. Jusqu’en 2015, elle était encore la PDG de China Power International Development 中国 电力国际 发展 有限公司 une des plus puissantes sociétés de production d’électricité chinoise.

En 2015, des enquêtes de journalistes appartenant au Consortium International des Journalistes d’Investigation révélèrent qu’elle et son mari détenaient un compte en Suisse de 2,5 millions de $, tandis que les récents « Panama Papers » mettaient à jour une compagnie aux Iles Vierges appartenant à fille Li.

Éprouvant beaucoup de vindicte à l’égard de Jiang Zemin et Li Peng dont il se souvient de l’attitude à l’époque de Tian An men, Xu avait en revanche exprimé sa sympathie pour le couple Hu Jintao, Wen Jiabao, « proches du peuple, respectueux des droits et des valeurs de compassion ».

Sa vision à l’égard de Xi Jinping était identique. Assez vite après son avènement, il avait entrepris le nettoyage des rangs du Parti en expulsant et condamnant à de lourdes peines Bo Xilai, Zhou Yongkang, Xi Caihou et Gu Junshan, tous membres du clan et des réseaux de Jiang Zemin.

La chasse aux « Tigres » n’est pas finie.

Jiang Zemin et sa mouvance seront-ils la prochaine cible de la lutte anti-corruption déclenchée par Xi Jinping ?

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Mais, avait ajouté Xu, le nettoyage est loin d’être terminé. La campagne à venir pourrait bien viser Jiang Zemin lui-même et son fidèle Zeng Qinghong, ancien vice-président. Un indice : l’année dernière un article au vitriol du Quotidien du Peuple avait directement visé les retraités du parti pour leur demander ce cesser d’interférer dans les affaires du Politburo en fonction. Lire notre article Feu sur les retraités du Parti et remises en question en série

Peu après, des spéculations avaient surgi à propos du déplacement d’une stèle portant une calligraphie de Jiang Zemin, retirée de l’entrée du l’École du Parti. Xu ajouta qu’en 2016, la mouvance proche de Xi Jinping avait accusé Bo Xilai, Zhou Yongkang et Xu Caihou d’avoir préparé des conspirations pour fracturer le Parti, tandis que d’autres, à la retraite, continuaient à tirer en coulisse les ficelles du pouvoir. Pour décrire ces manœuvres, Xu avait utilisé une référence populaire de l’histoire dynastique chinoise désignant les souverains ayant abdiqué, mais toujours actifs dans l’ombre, par l’expression 太上 皇 , Taishang Huang.


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