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›› Chronique

Pouvoir fort, Etat faible

Il est incontestable que, deux mois après une passation de pouvoir sans fausse note, la position de M. Hu Jintao s’impose de toute son autorité à Pékin. Avec une armée loyale, une économie apparemment prospère et un Politburo sans rival sérieux, presque rien ne viendrait troubler désormais le sommeil du Camarade le Secrétaire général. Presque, car il subsiste juste quelques petits ennuis d’ordre public dans les lointaines provinces. En voici quelques exemples :

Une bagarre de rue pour motif futile a dégénéré, le 18 octobre dernier à Chongqing (province de Sichuan), en un vaste conflit entre les habitants de cette ville et la Police avec incendie des voitures policières, tirs de balles en caoutchouc et une dizaine d’arrestations. Dans la province de Henan, suite à un banal accident de circulation, un vaste conflit communautaire et ethnique ont entraîné au moins 4 décès et plusieurs dizaines de blessés. L’état d’urgence était momentanément décrété. Enfin, toujours dans la province de Sichuan, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblés à Hanyuan entre fin octobre et début novembre devant le siège de gouvernement local, protestant contre le projet du déplacement de population pour construire un barrage hydroélectrique.

Pris isolément, chaque événement est déclenché par un ensemble de facteurs générateurs qui lui est propre. Cependant, la multiplication de ces troubles est révélateur d’un phénomène commun, à savoir le recul de l’Etat dans ses fonctions régaliennes. Paradoxalement, un pouvoir fort, détenu par un parti unique, n’est pas incompatible avec un Etat affaibli. Trois facteurs poussent dans cette direction :

D’abord, le pouvoir local est complètement discrédité aux yeux de l’opinion publique. La police et la justice ne sont plus considérée comme des instances impartiales mais les instruments du pouvoir politique. Dans un contexte de corruption généralisée et de collusions entre les collectivités locales et les milieu d’affaires, « tous pourris » est devenu une idée largement partagée dans la population.

Ensuite, l’absence totale de canaux de dialogue entre le pouvoir et la population est en soi un facteur de conflit. Toute friction si minime soit-elle peut dans ce climat dégénérer en mouvement de masse désorganisée à fort potentiel déstabilisateur. La répression policière semble jusqu’à alors la réponse unique des autorités. Seulement, il ne faut pas compter sur elle pour assurer la cohésion sociale.

Enfin, le pouvoir central est peu ou mal informé des dysfonctionnements de l’appareil étatique au niveau des provinces. La rétention de mauvaises nouvelles est une pratique courante des cadres locaux afin d’assurer leur carrière politique. Les dirigeants nationaux sont souvent acculés à jouer au pompier au dernier moment, quand l’ampleur de troubles nécessite le recours au gros moyens tels que la mobilisation des forces militaires (le cas de Hanyuan) ou la déclaration d’Etat d’urgence (le cas de Henan).

La concentration du pouvoir central n’est pas un remède efficace contre le délitement de l’Etat en province. Il est donc urgent pour Pékin de trouver un traitement de fond contre les désordres sociaux qui, à terme, pourra constituer un facteur puissant de déstabilisation.

 

 

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