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›› Chronique

La guerre de Taiwan n’aura pas lieu

Il faudrait avoir une bonne dose d’optimisme pour admettre que, sur la question de Taiwan, Pékin et Taipei peuvent encore contribuer au maintien d’un statu quo tant souhaité par l’Administration de Washington. En effet, la divergence de fond quant à l’avenir de l’île ironiquement qualifiée de nationaliste (de quelle nation parle-t-on alors ?) entre les deux frères-ennemis semble inconciliable, même si, sur certains dossiers techniques, comme le commerce bilatéral ou le transport aérien, de réels progrès ont été enregistrés ces derniers temps.

A Taiwan, la thèse indépendantiste continue de gagner du terrain dans l’opinion tandis que les dirigeants chinois manifestent clairement leur impatience à faire revenir la « province rebelle » dans le giron de la mère-patrie. Derrière les escalades verbales plane alors le spectre d’un conflit militaire : l’achat massif d’armes russes, notamment des sous-marins et des avions de combat, comme l’élaboration d’un projet de loi anti-sécession à Pékin constituent autant de signes à prendre au sérieux. Certes le pire n’est jamais sûr, mais il convient tout de même d’évaluer tous les risques de dérapages et de trouver moyen de les prévenir, car l’éclatement d’une guerre dans cette région du monde, quelle que soit son ampleur, serait lourde de conséquences.

Trois facteurs peuvent favoriser le déclenchement d’une aventure militaire chinoise contre Taiwan : la proclamation d’une indépendance formelle à Taipei ou tout autre geste visant à atteindre cet objectif (notamment la réforme constitutionnelle prônée par Chen Shui-bian), le changement du rapport de forces en faveur du continent et le consentement tacite des autres puissances de cette région (Etats-Unis et Japon) à la réunification chinoise.

Sur le premier point, nous savons qu’il ne faut pas compter sur le pouvoir actuel à Taiwan pour modérer son ambition d’émancipation. Le deuxième évolue effectivement dans le sens que souhaitent les Chinois. Reste donc les réactions internationales à prendre en considération. Les Chinois font preuve d’une extraordinaire ténacité pour convaincre leurs interlocuteurs, Américains en tête, de ne pas intervenir dans les affaires de Taiwan et ils semblent avoir obtenu quelques résultats. Les récentes déclarations de Washington qualifiant l’île nationaliste de pouvoir non souverain équivaudraient pour certains à une carte blanche donnée à Pékin.

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L’attitude des Américains peut sembler curieuse car une victoire militaire des Chinois sur Taiwan aurait des conséquences au-delà de l’île. En effet, la prise de Taiwan n’est que le premier pas dans une longue marche du pays en direction d’une hégémonie régionale. Si l’île nationaliste est conquise, la crédibilité d’une protection américaine pour les autres pays de l’Asie maritime sera durablement affectée et la Chine pourra alors disputer le leadership régional à l’Oncle Sam.

Une fois la guerre de Taiwan déclarée, les Américains ne prendront certainement pas les risques d’un conflit généralisé et peut-être nucléaire avec la Chine, il leur reste à empêcher le déclenchement du conflit et ceci par trois volets de mesures :

Premier volet, les mesures de prévention consistent à renforcer le dialogue sino-américain en matière de défense. Aussi bien au niveau politique que militaire, les échanges bilatéraux sont favorables à l’établissement d’un climat de confiance. Des signes tangibles indiquent que les canaux de communications entre le Pentagone et l’Etat-major de l’ALP permettent une certaine transparence dans les mouvements de troupes, réduisant les erreurs d’appréciations sur la politique militaire de Pékin. Au cours de l’année écoulée, les relations entre les armées des deux pays se sont renforcées et on peut y voir un signe positif dans l’apaisement des tensions militaires de part et d’autre du détroit de Formose.

Le deuxième volet est d’ordre diplomatique. En effet, Washington n’a pas cessé d’attirer l’attention des autres pays de la région sur la menace chinoise. A l’heure actuelle, seul le Japon réagit et commence à envisager la conduite à tenir au cas où un conflit menacerait la sécurité des îles japonaises à proximité de Taiwan (les îles Ryukyu par exemple). Il est vrai que les récents mouvements de la Marine chinoise autour du Japon et même dans ses eaux territoriales ont provoqué de fortes réactions dans l’opinion de ce pays. Par ailleurs, si les Américains exercent des pressions sur leurs alliés européens contre l’éventuelle levée de l’embargo sur les armes à destination de la Chine, c’est aussi dans le souci d’un changement accéléré du rapport des forces Chine-Taiwan en faveur de Pékin.

Les moyens militaires constituent le dernier volet des mesures de prévention. Depuis plusieurs années déjà, les Américains sont convaincus que seule une dissuasion crédible est capable d’amener les Chinois à renoncer à l’emploi de la force contre Taiwan. Dans ce but, Washington s’attache à renforcer sa présence dans le Pacifique, notamment par l’accroissement des moyens d’intervention dans l’île de Guam. Le stationnement de bombardiers stratégiques B2 et l’organisation d’exercices d’envergure (comme ce « Summer Pulse 2004 ») sont autant d’avertissements en direction de Pékin. D’autres mesures suivront si la menace chinoise contre Taiwan continue de s’accroître. On se souvient d’un déploiement temporaire d’une escadrille de chasseurs bombardiers furtifs F117 en Corée du Sud l’été dernier, « pour un exercice d’acclimatation ». Ce déploiement pourrait devenir permanent si le besoin s’en faisait sentir, d’autant plus que le problème nucléaire nord-coréen peut être le prétexte d’un renforcement de la présence américaine en Corée du Sud.

C’est peut-être en Corée que les Américains trouveront la clé de la solution du problème de Taiwan. Il est toujours possible qu’en guise de dernier avertissement à Pékin, ils déclenchent une offensive aérienne d’envergure contre les installations nucléaires de Kim Jong-il et provoquent ainsi la chute de son régime. Une victoire militaire des Etats-Unis à « quelques encablures » de la Cité interdite ferait réfléchir les dirigeants chinois sur les conséquences d’une aventure militaire contre l’île nationaliste. Et la guerre de Taiwan n’aurait pas lieu.

 

 

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