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›› Lectures et opinions

Décès de Jean-Paul II : Pékin garde ses distances

Après la mort du Souverain Pontife, le silence pesant de la presse et de la télévision chinoises a tranché avec la ferveur et le déferlement médiatiques presque partout ailleurs dans le monde. Alors que les médias chinois ont abondamment rendu compte du remariage du Prince Charles, ils ont ignoré la disparition du Pape. La seule réaction de Pékin aura été un communiqué laconique de l’agence Xinhua exprimant les regrets officiels de la Chine et le souhait que les relations s’améliorent avec le successeur de Jean-Paul II.

Le souhait était assorti du rappel des exigences de Pékin pour la normalisation des liens diplomatiques : rupture des relations avec Taiwan et garantie de non ingérence dans les affaires intérieures chinoises. La sècheresse du message était à peine tempérée par les condoléances de l’église patriotique chinoise, tandis que les grands portails de l’internet chinois bloquaient les images diffusées en hommage à Jean-Paul II. Enfin, pour bien marquer le coup, Pékin irritée par la présence du président taiwanais Chen Shui Bian à Rome, a renoncé à se faire représenter aux funérailles.

S’il est vrai que la pensée chinoise s’est au cours de l’histoire montrée ouverte et plutôt tolérante aux influences religieuses étrangères, la Chine est en revanche restée particulièrement sourcilleuse sur les questions de souveraineté. Ces dernières sont à plusieurs titres au centre des différends entre Pékin et le Vatican.

Cette sensibilité particulière de la Chine remonte à la querelle des rites (début du XVIIIe siècle), quand l’Eglise catholique condamnait tout à la fois les coutumes chinoises et les Jésuites qui s’en accommodaient trop bien. Elle a resurgi de loin en loin et récemment sur un mode très émotif quand le Vatican a, le 1er octobre 2000, le jour même de la fête nationale chinoise, canonisé 120 prêtres catholiques étrangers et chinois tous massacrés en Chine entre 1648 et 1930. Mais les « martyrs du Vatican » étaient considérés par la Chine des Qing et aujourd’hui encore par le PCC comme des « hors la loi » entrés dans l’Empire dans les fourgons des envahisseurs colonialistes. Un bonne centaine d’articles avaient été alors publiés dans la presse chinoise. Certains, très agressifs, dans un style rappelant la révolution culturelle, assimilaient le Saint-Siège à une « agence impérialiste ».

C’est dans cette ambiance crispée qui dessine un arrière plan de « guerre froide » que Pékin considère toujours que la nomination des évèques par le Saint-Siège serait une ingérence dans les affaires intérieures chinoises.

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Le différend à propos de Taiwan est le deuxième volet des controverses de souveraineté. Même si depuis 1980 le Vatican n’entretient à Taipei qu’un Chargé d’Affaires, Pékin en fait une question de principe. L’établissement des relations officielles suppose la rupture des liens diplomatiques officiels avec Taïwan. Sur ce point cependant tout indique que la position de l’Eglise catholique pourrait évoluer : Le lendemain du décès de Jean-Paul II, l’évèque de Hong Kong, Joseph Zen confirmait que le Vatican serait prêt à rompre ses liens avec Taiwan. Il précisait cependant qu’il ne le ferait qu’à l’issue de négociations et non pas en préalable à une rencontre.

Si la question de Taiwan où les Catholiques sont en minorité, semble pouvoir être résolue à terme, celle de l’ingérence est plus complexe.

L’Eglise considère en effet que la nomination des évèques est une prérogative des autorités écclésiastiques qui doit échapper aux pouvoirs séculiers. Mais il y a plus. Avec l’existence d’un nombre mal évalué de Catholiques (peut-être plus de 15 millions) reconnaissant de manière occulte l’autorité du Pape, l’affaire prend l’allure d’une contestation du pouvoir central en Chine. De fait des responsables de « l’église souterraine » sont fréquemment l’objet de harcèlement et, selon plusieurs organisations de droits de l’homme et le Vatican lui-même, au moins trois diginitaires catholiques, tous très âgés, dont deux évèques, sont actuellement détenus dans les prisons chinoises.

Il est certain que ce blocage, qui renvoie à deux préoccupations majeures du Pontificat de Jean-Paul II, le caractère oeucuménique et « transnational » du message du Christ et les droits de l’homme, constituait un des « échecs » et des « regrets » majeurs du Pape défunt.

Si certains reprochent à ce dernier ses « maladresses » et notamment la canonisation du 1er octobre 2000, jugée provocante, d’autres indiquent qu’il n’a pas ménagé ses efforts, avec notamment des négociations entamées dès 1980, l’envoi d’émissaires, dont le cardinal Etchegarray et surtout le discours du 24 octobre 2001 par lequel il demandait « pardon, compréhension et indulgence à tous ceux qui ont pu se sentir blessés d’une manière ou d’une autre par des actions commises par des Chrétiens ».

Les plus optimistes des observateurs, y compris dans l’entourage du Saint-Siège voulurent croire que l’initiative généreuse du Pape serait de nature à susciter plus de souplesse à Pékin. Rien n’est moins sûr. En Chine, les milieux les plus conservateurs n’y ont vu que des excuses logiques après le camouflet du 1er octobre 2000. En réalité, plus de quatre années après ce discours rien n’indique que les positions de Pékin et du Vatican pourraient se rejoindre. Les questions de fond restent en effet en suspens, parmi lesquelles celle de la nomination des évèques par le Pape, avec son corollaire la liberté d’organisation des Catholiques en Chine, ou encore celle des rapports entre l’église patriotique et l’église d’obédience romaine. Autant de points de désaccords dont on voit mal comment ils pourraient être réglés à court terme.

Tout en maintenant les canaux de contact ouverts, le Saint-Siège, qui par le discours du 24 octobre 2001 a tenté d’échapper à la rhétorique des slogans, cultive un optimisme raisonné. Il rappelle cependant que l’ouverture des relations diplomatiques sans que soient résolues les questions de fond n’aurait pas de sens.

 

 

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