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›› Chronique

Serpent de mer, serpent monétaire

La fin de la parité fixe entre le yuan et le dollar US ne suffit pas à calmer, comme l’ont souhaité ses initiateurs, les ardeurs spéculatives des cambistes sur le marché des changes. La faible ampleur de l’ajustement (2,1%), au contraire, contribue à nourrir toutes sortes de rumeurs sur d’autres gestes de réévaluation à venir.

C’est dans ce contexte qu’un certain nombre d’analystes, en Chine comme ailleurs, expriment la craintes d’une crise monétaire en deux temps : dans une première période, la réévaluation et surtout l’anticipation de celle-ci provoquent des achats massifs de la devise chinoise. Le taux élevé du PIB encourage par ailleurs cette pratique. Ces flux monétaires ont été observés dans le passé au Japon (dans la deuxième moitié des années 1980) et en Asie du sud-est entre 1990 et 1997.

Par la suite, le retournement de conjoncture peut inverser le flux monétaire et l’économie du pays souffrirait d’un brusque retrait de capitaux, comme ce fut le cas dans la crise asiatique de 1997-1998. Certes le maintien du contrôle des changes en Chine pourrait réduire de tels risques mais ce contrôle est justement appelé à disparaître, puisque la convertibilité du yuan est inscrite dans le programme d’adhésion de Pékin à l’OMC. Compte-tenu de la dimension du pays, les effets d’une crise monétaire en Chine seraient beaucoup plus dévastateurs que ceux induits par la crise asiatique de 1997.

Comment prévenir ce scénario noir ? La réponse se trouve peut-être au « Forum monétaire et financier est-asiatique » tenu à Séoul le 19 août dernier. Ce colloque informel, au cours duquel on a discuté de coordinations monétaires multilatérales, a réuni chercheurs, banquiers centraux et parlementaires d’une douzaine de pays asiatiques. En pratique, les coopérations entre les différentes institutions d’émission monétaire existent déjà, depuis l’an 2000 sous le nom de « l’Initiative Chiang Mai », qui, par un mécanisme de « swap arrangement », autorise les soutiens mutuels de banques centrales en cas de crise.

Par contre, l’idée nouvelle et certainement l’une des plus surprenantes apparues dans ce forum, est celle d’une union monétaire entre la Corée du sud, la Chine, le Japon et les pays de l’ASEAN, avec la perspective d’instaurer in fine une monnaie commune asiatique. Selon le quotidien coréen Chosun Ilbo (c’est d’ailleurs le seul journal qui révèle le contenu de ce forum fort discret), le projet est non seulement soutenu par les politiques coréens qui se méfient de l’éventuelle prédominance du yen comme du yuan, mais aussi par les banquiers japonais, chinois et ceux de la Banque asiatique de développement (BAD) qui y voient un moyen de prévention des crises à venir.

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Ce désir d’union monétaire, exprimés d’abord par des banquiers centraux et des chercheurs fait grand contraste avec les tensions politiques actuellement perceptibles dans les relations sino-japonaises et nippo-coréennes. Tout ce passe comme si les forces du marché (et celles de l’économie) devancaient les orientations politiques des gouvernements de la région pour tracer leur propre chemin dans l’avenir du continent : à savoir une intégration monétaire, financière et économique de tout Extrême-orient.

La perspective d’une monnaie commune asiatique est évoquée dans ce forum comme l’aboutissement d’un long processus de convergence et sa réalisation paraît encore lointaine. Certes le volume croissant du commerce intra-asiatique plaide en faveur d’un instrument d’échanges commun et indépendant des fluctuations du dollar. Cependant, pour remplir deux autres fonctions d’une monnaie (unité de mesure des valeurs et moyen de réserve), le contexte actuel ne fournit pas encore la crédibilité nécessaire. Sur le premier point, rappelons que, sur le marché des matières premières, les cours sont exprimés uniquement en dollar (même l’euro n’arrive pas à rivaliser avec le billet vert). Quant au deuxième, la création d’un marché commun obligataire suppose une harmonisation budgétaire, concept encore étrange en Asie aujourd’hui.

Faute de créer un « fonds monétaire asiatique » au tournant de siècle (projet vigoureusement combattu par Washington et le FMI), l’idée de convergence monétaire, telle un serpent de mer, a fait un retour en force en Asie avec l’ajustement tant attendu du yuan. La prochaine étape prévisible sera l’instauration de parités stables et concertées entre les monnaies asiatiques. En matière monétaire, cela s’appelle justement... le serpent.

 

 

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