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›› Lectures et opinions

La session annuelle de l’Assemblée tire à sa fin : lent et lourd virage de la Chine

C’est un effort sans précédent que la Chine consent pour tenter d’améliorer les conditions de vie des paysans chinois. Plus de 40 milliards de RMB (20 fois plus que l’année dernière) seront consacrés à l’aide aux campagnes avec priorité à l’éducation, la santé et au lancement de systèmes d’assurances sociales. Dans le même temps, le gouvernement promet de s’attaquer aux graves problèmes fonciers à l’origine de la majorité des incidents dans les campagnes. Les paysans qui cèdent leur terre ne sont en effet indemnisés qu’au tarif de terres agricoles par des cadres locaux qui la revendent 40 fois le prix qu’ils ont payé aux villages. Enfin des réflexions sont en cours pour améliorer le sort des « mingong », cette main d’œuvre corvéable à merci, sans statut ni garanties, qui « flotte » au gré des chantiers de contruction des grandes villes.

En marge de l’Assemblée nationale populaire (ANP), le ministre de l’environnement à organisé une conférence de presse sur la pollution au benzène de la rivière Songhua dans le Heilongjiang en novembre de l’année dernière. Il a conclu de manière très optimiste que ce type de catastrophe ne se réproduirait pas en Chine. Ou bien, a-t-il ajouté, « si elle se reproduisait, le gouvernement ne pourrait pas être tenu pour responsable, puisqu’il aura pris toutes les mesures nécessaires ». Une réflexion en demi-teinte assez étrange, qui renvoie peut-être au souci bureaucratique du ministre de se couvrir en cas de nouvelle et probable catastrophe écologique. Les questions ont alors glissé vers le problème plus large des usines chimiques non conformes (plusieurs dizaines de milliers) implantées le long des rivières et des grands fleuves chinois : Quel plan de relocalisation ? Quels équipements anti-pollution ? Quels responsables ? Quel budget ?... Les réponses ont été à la fois fermes dans le ton et vagues sur le fond.

Mais comment blâmer un responsable confronté à une tâche qui tient du mythe de Sisyphe, car, là aussi, il faudrait débloquer des dizaines de milliards pour rattraper les dérapages antérieurs, imaginer et mettre en œuvre les mesures correctives, déménager les usines, tout en faisant comprendre aux responsables locaux - ce qui ne sera pas simple - que l’axe d’effort a évolué d’une industrialisation sauvage et aveugle, vers un développement contrôlé, sensé corriger les déséquilibres sociaux et protéger l’environnement comme les ressources, notamment l’eau et les forêts.

La deuxième priorité du plénum, qui est surtout un affichage, a été le développement de « l’innovation », appuyé par les déclarations, selon lesquelles la Chine construirait dorénavant ses propres trains à grande vitesse et ses propres avions. (petit et gros porteur en 2008 et 2010). En fait ce que veulent les Chinois c’est cesser d’acheter leurs équipements de transport et de production d’énergie à l’étranger et en devenir les vrais maîtres d’œuvre. En même temps, ils espèrent bien sûr continuer à bénéficier de partenariats pour mieux maîtriser les technologies et, in fine, se libérer complètement des tutelles étrangères, ce qui pour l’heure n’est pas possible.

Selon les spécialistes, la Chine pourrait assez vite dominer la technologie pour un réseau ferroviaire permettant des vitesss jusqu’à 200 km/h mais aura besoin d’assistance pour monter jusqu’à 300 km/h. Elle ne sera pas en mesure de construire seule la ligne magnétique Shanghai-Hangzhou, ni ses avions longs et moyens courriers. Il faudra donc du temps pour réaliser les rêves d’indépendance totale. Afficher les objectifs, ou même exprimer la volonté d’aller de l’avant, ne suffit pas. Il faudra aussi lever les obstacles structurels qui freinent la hausse des budgets R&D, incitent à la fuite des cerveaux ou découragent les plus brillants des étudiants expatriés de revenir.

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Enfin les débats ont encore une fois souligné les risques pour le pays d’une corruption généralisée qui, selon un chercheur de Qinghua, pose un problème de confiance à toute la société chinoise. Evidemment cette inquiétude monte en corollaire des interrogations concernant la démocratie et les élections libres, qui permettraient un contrôle par un contre-pouvoir. Car au fond, chacun sent bien que les deux questions sont liées. Sans une contrôle exercé sur les responsables et les chefs d’entreprise corrompus par le peuple dûment représenté, la lutte contre la corruption restera partiellement inefficace et la cohésion de la société chinoise -qui est tout sauf harmonieuse- menacée. Notons cependant qu’une forme d’élections existe dans les villages : les familles reçoivent la visite « d’enquêteurs » qui recueillent les votes non secrets des électeurs, à partir d’une liste de candidats établie par le parti. Ces derniers se font connaître en faisant du porte à porte ou en organisant des réunions publiques.

Ces préoccupations nouvelles de la Chine se réflètent comme d’habitude dans les derniers slogans qui fleurissent sur les banderolles rouges : De « l’édification des campagnes socialistes », en passant par « la protection des droits démocratiques par le vote », jusqu’à « l’édification d’une société harmonieuse », tout indique que la Chine est en train de manœuvrer à sa manière, pour éviter d’aller dans le mur. Il reste à savoir si l’organisation pesante et rigide de l’appareil sera assez efficace pour conduire ces réformes et si les intérêts et les lobbies touchés par ce lent et lourd virage (cadres locaux privés des revenus de la terre et des taxes, chefs d’entreprises qui profitent des bas salaires des mingong) ne seront pas à l’origine de conflits internes.

 

 

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