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›› Chronique

Les compradores, complices et fossoyeurs des mandarins

Tout comme des monstres engendrés par des unions contre-natures, les scandales financiers font partie de ces espèces issues du curieux mariage entre un capitalisme apparemment débridé et une idéologie qui se réclame encore du socialisme. Aujourd’hui comme hier, la première des soucis d’hommes d’affaires chinois consiste à trouver une « protection » du pouvoir politique. Ainsi se forme un interstice propice à tout genre de trafics ou évoluent, si l’on emprunte l’expression de la sinologue Marie-Claire Bergère, les mandarins d’un côté et les compradores de l’autre.

Aujourd’hui comme à l’époque de l’Empire, les mandarins, c’est-à-dire les apparatchiks à différents niveaux (villes, provinces, etc.) disposent souvent d’un immense pouvoir mais ne gagnent qu’un petit salaire. Côtoyant dans leur travail les riches patrons et investisseurs, ils sont constamment soumis à la tentation de l’argent qui coule à flot dans une économie de marché. Corruptions et abus de pouvoir sont devenus pratiques courantes et l’idée de « tous pourris » est profondément enracinée dans l’opinion public, à l’exception de la presse officielle pour qui les corrompus ne représentent toujours qu’une « infime minorité ».

Complices des mandarins, les compradores sont des hommes d’affaires qui prospèrent à l’ombre de leurs « protecteurs » politiques. Patrons de la négoce ou de l’immobilier, ils savent largement arroser les officiels des administrations locales pour obtenir des passes-droits et s’enrichir en un temps record. Fortunés et arrogants, ces « commis d’Etat » ne manquent pas de s’attirer des adversaires dans le milieu d’affaires comme sur l’échiquier politique. Ils peuvent, au gré des luttes de pouvoir, perdre leurs positions et entraîner la disgrâce de leurs mentors.

Ainsi, à l’origine du « plus grand scandale politico-financier » du pays, M. Lai Changxing, un obscure commerçant de Xiamen (province de Fujian) a causé la chute des dizaines de hauts fonctionnaires et cadres du Parti : directeur de douane, responsable de l’administration de commerce de province et même un vice-ministre de la Sécurité publique.

Enfui à Vancouver en 1999 grâce à ses réseaux patiemment tissés au sein du pouvoir chinois, le compradore a réussi l’exploit d’échapper à la poursuite de la justice de son pays. Comme l’économie est désormais mondialisée, la capture d’un truand de ce calibre est devenu un problème épineux entre Pékin et Ottawa. Le mois dernier, la Haute-Cour fédérale de Canada a rendu un arrêt suspensif contre l’extradition de M. Lai Changxing en Chine, en raison d’une éventuelle peine de mort que celui-ci pourrait encourir une fois rentré dans son pays. A Pékin, le retour éventuel du truand pourrait bien être redouté par certains hauts cadres du Parti, le craignant comme une bombe à retardement en matière de scandale, dont les dégâts collatéraux ébranleraient bien d’édifices au sein du pouvoir actuel.

Peu importe l’issue des cas individuels, le défi que le gouvernement chinois doit faire face est bien le suivant : comment mener efficacement les luttes anti-corruptions sans remettre en cause le régime du parti unique ? Pour atteindre le premier objectif, chacun sait qu’il faudrait garantir l’indépendance de la justice, l’impartialité de l’Etat et la liberté de presse. Or tout cela compromettrait inévitablement la mainmise du Parti communiste sur tous les appareils de l’Etat et saperait le fondement du régime. Un vrai casse-tête chinois !

 

 

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