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›› Editorial

La Chine sur la sellette avant les JO

En 2001 la Chine entrait officiellement à l’OMC et obtenait de haute lutte le droit d’organiser les JO de 2008. Ces deux événements soulignaient de manière emblématique les spectaculaires progrès d’ouverture accomplis par la Chine depuis la fin des années 70. Mais les succès avaient une contrepartie. La communauté internationale qui se réjouissait des progrès chinois nourrissait également à l’égard de Pékin de fortes exigences, d’abord commerciales (on espérait que la Chine lutterait avec fermeté contre les contrefaçons et mettrait fin aux pratiques de dumping et de protection de son marché intérieur), ensuite politiques, avec le souhait qu’en amont des jeux, Pékin assouplirait son régime, montrerait plus de générosité sur les questions controversées comme celle du Tibet, ou apporterait une contribution plus active à la solution des grands déséquilibres de la planète.

Au delà de la fierté légitime, la dimension inédite de ces défis qui placent la Chine sur la sellette généra à l’intérieur une ambiance à la fois fébrile et inquiète qui ne fut pas étrangère aux durcissement du pouvoir à l’égard de la corruption et servit aussi de moteur à la prise de conscience accrue des déséquilibres sociaux et des catastrophes écologiques qui accompagnent la croissance de la Chine et ternissent son image.

Six ans plus tard et une année avant les Jeux les attentes de la communauté internationale à l’égard de la Chine semblent se faire plus pressantes, tandis qu’à l’intérieur la proximité du 17e Congrès du Parti, grande messe qui prépare la relève, exacerbe encore l’effervescence liée à l’ampleur des défis.

La plupart des controverses nées récemment autour de la Chine sont directement liées aux questions commerciales. Le ton des partenaires de Pékin se durcit, y compris celui de l’UE, jusqu’ici plus portée au compromis que les Etats-Unis. Ces derniers se sont récemment montrés inflexibles, bloquant les importations de produits alimentaires dont la qualité était suspecte (entre autres : gluten et aliments pour chiens pollués à la mélanine, poissons impropres à la consommation et ginseng pollués aux pesticides), tandis que les polémiques sur l’explosion du déficit commercial des Etats-Unis et de l’UE (170 milliards d’euros pour l’UE et 230 milliards de dollars pour les Etats-Unis) alimentaient l’aigreur des propos dans les réunions avec la Chine.

En mai dernier Wu Yi, en visite officielle à Washington, répliqua vertement que les paroles de Henry Paulson secrétaire au Trésor sur les pratiques « déloyales » (unfair) de la Chine étaient « inacceptables », tandis qu’à la mi-juin à Bruxelles le commissaire européen au commerce Paul Mandelson expliquait sur le même ton au ministre chinois du commerce extérieur BoXilai que l’excédent commercial chinois n’était « pas durable ». L’attitude de Pékin, qui faisait peu d’efforts pour réduire les contrefaçons et alléger le maquis des contraintes réglementaires obstacles à la pénétration du marché chinois, était jugée « illogique et indéfendable ». Conséquence de ces fâcheries, l’UE a une fois de plus réfusé d’accorder à la Chine le statut d’économie de marché. Devant cette levée de boucliers Pékin s’est, cette fois, montré moins rigide et a promis de faire un effort.

Mais récemment les différends commerciaux se sont doublés de querelles politiques avec Ottawa et Canberra, sur un ton qui remettait en question le fond même des relations avec la Chine. En effet s’il est vrai que, dans les deux cas, les relations commerciales avec Pékin continuaient de progresser, les deux pays ont sur des questions relatives au droits de l’homme et à la sécurité pris des positions tranchées : Ottawa a vigoureusement pris la défense - sans trop de résultats pour l’instant - d’un de ses ressortissants d’origine ouighoure, réfugié au Canada en 2001, accusé d’activités séparatistes au Xinjiang et condamné en Chine à la prison à vie, après avoir été arrêté en Ouzbekistan et extradé par Tachkent. La posture du gouvernement canadien qui s’accompagnait de plusieurs déclarations brutales du MAE P. Mackay accusant la Chine d’espionnage à grande échelle, a immédiatement entraîné un raidissement chinois et l’échec de plusieurs rencontres entre Hu Jintao et le PM canadien Harper qui déclarait « nous ne renoncerons pas à nos valeurs uniquement pour avoir de bonnes relations avec la Chine ».

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Avec l’Australie la crise a surgi autour de la visite du Dalai Lama à Canberra, accueilli au plus haut niveau malgré les pressions et les menaces de Pékin. Au cours de l’audience qu’il lui accorda le 15 juin dernier, le PM J. Howard appuya la quête du Dalai lama pour une plus grande autonomie du Tibet. Là aussi s’est manifestée une résistance aux pressions de la Chine et la volonté de « moraliser » les relations avec Pékin, en ne sacrifiant pas tout au commerce.

Ce raidissement de deux pays occidentaux qui paraissent vouloir recadrer les relations autour de critères moins mercantiles s’inscrit dans une ambiance générale où la politique étrangère de la Chine est sur la sellette au Darfour. De par le monde, syndicalistes, hommes politiques américains et européens et plusieurs ONG ont avancé l’idée de menacer de boycotter des JO de Pékin pour obliger la Chine à faire pression sur Khartoum. Nous y voilà : Il existe en Occident - y compris en Europe - un mouvement d’idées moins bénévolent à l’égard de Pékin, qui prétend n’accorder à la Chine un statut de partenaire à part entière qu’en échange, non seulement de concessions sur les questions commerciales dans le cadre de ses engagements de l’OMC, mais surtout d’efforts réels sur les droits de l’homme, le Tibet et le Darfour. Tout se passe comme si les JO, symboles de paix et de fraternité entre les hommes, recelaient également un pouvoir de moralisation, qu’un courant d’idées occidental plus vigilant à l’égard de la Chine chercherait à instrumentaliser.

Pour Pékin, qui tient beaucoup à son image de puissance responsable en cours de modernisation rapide, et pour qui la réussite des JO est un objectif cardinal, les enjeux sont considérables et la marge de manoeuvre réduite.

A l’intérieur, de plus en plus placée sous la surveillance des médias internationaux relayés par les réseaux du net, à mesure que s’approchera l’échéance des JO, elle devra assurer la paix civile avec des moyens moins radicaux qu’autrefois ; sans ternir son image, elle devra aussi lutter contre les effets les plus visibles de la corruption et corriger les dégradations de l’environnement : deux tâches majeures qui tiennent du mythe de Sisyphe.

A l’extérieur elle sera contrainte de céder sur plusieurs sujets : ayant déjà nettement infléchi sa position sur le Darfour (discrètes pressions sur le régime de Khartoum), elle s’investit déjà pour accélérer la mise en oeuvre du plan de paix ; sur les questions commerciales elle a déjà corrigé l’intransigeance de Wu Yi et par la voix de Bo Xilai promis des assouplissements et des efforts pour réduire les contrefaçons et faciliter l’accès à son marché des services ; enfin il est probable qu’en amont des jeux elle se sentira - en contradiction avec sa position actuelle - obligée de s’imposer un quota (probablement assez peu contraignant) sur ses émissions de gaz à effet de serre. Ces concessions chinoises qui n’iront probablement pas jusqu’à un réajustement significatif de la parité de sa monnaie, véritable piège économique, social et politique pour la Chine, induiront des controverses internes initiées par les plus nationalistes, toujours réticents à céder aux exigences occidentales.

Le moins que l’on puisse dire est que les relations entre les pays développés et la Chine faites de raidissements, de soupçons et de menaces, sont heurtées. Les secousses sont un effet de la difficile intégration du géant chinois dans l’économie mondiale, jusqu’à présent uniquement calibrée aux critères occidentaux. Elles se nourrissent aussi des impatiences occidentales devant un marché chinois trop protégé et des inquiétudes et malentendus liés à la persistance d’un régime encore opaque, soupçonné de visées hégémoniques, à la fois commerciales et stratégiques. L’habitude diplomatique est de minimiser les crises en spéculant sur la complémentarité des situations et des économies. Mais à y regarder de plus près on voit bien que la rigidité des postures qui renvoient souvent à des références nationalistes attisées par des lobbies intérieurs pourraient déraper vers des affrontements plus durs, surtout quand il s’agit de concurrence sur des ressources aujourd’hui comptées comme le pétrole. La Chine et ses partenaires occidentaux ont donc tout intérêt à rechercher les moyens d’établir un mode de relations plus pragmatiques. Il y faudra encore plus d’efforts pour améliorer la connaissance de l’autre et la confiance réciproque, moins de cupidité marchande, moins de manichéisme et de solutions à l’emporte pièce, plus de générosité, encore plus d’ouverture et toujours plus de transparence. Vaste programme.

 

 

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