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›› Editorial

L’harmonie des relations internationales et ses limites

La Corée du Nord, l’Iran, le Soudan, le Zimbabwe et maintenant la Birmanie : autant de crises à propos desquelles on évoque les responsabilités de la Chine dans la conduite des affaires du monde. C’est qu’en effet Pékin, dont la puissance commerciale, industrielle et financière pèse de plus en plus sur l’économie de la planète, devient progressivement un acteur stratégique que les autres grandes puissances entendent désormais associer à la solution des déséquilibres du monde.

Cette évolution ne va pas de soi. Elle heurte en effet les anciennes convictions chinoises selon lesquelles les rapports entre les pôles de puissance et leurs sphères d’influence sont un jeu à somme nulle, dont l’équilibre et la pérénnité reposent sur la non-ingérence. En ouvrant les fenêtres de la Chine en 1978, Deng Xiao Ping avait théorisé cette attitude de distance et de prudence en prônant un profil international modeste et discret, à l’abri duquel le vieil empire pourrait se moderniser, sans se mêler des affaires du monde, tandis que, lui-même, serait protégé des interférences politiques étrangères. Aujourd’hui la globalisation, les interactions planétaires, dont la Chine est un acteur omniprésent, créent pour Pékin de nouvelles exigences. Constatant son poids et son influence dans les affaires du monde, ses partenaires occidentaux et leurs alliés le lui rappellent sans cesse, tandis que la proximité des JO exacerbe encore les attentes à l’égard de Pékin.

La Chine répond à sa manière à ces impatiences. Fermement opposée à toute intervention militaire et fidèle à son utopie d’un monde harmonieux qui naîtrait du dialogue et du respect mutuel, encore rappelée par Yang Jiechi le ministre des Affaires étrangères chinois devant l’assemblée générale des Nations Unies, elle prône les solutions diplomatiques et la retenue dans les sanctions, en balayant les critiques qui l’accusent de ne chercher que ses intérêts économiques.

De fait, le rôle modérateur qu’elle joue aujourd’hui dans le paysage international commence à prendre de la consistance. Opiniâtre dans l’affaire nord-coréenne, elle a été un des éléments de la détente qui a fait surgir des perspectives inespérées il y a seulement une année. Sur la question iranienne, elle adopte une approche similaire. Affirmant sa détermination à freiner la prolifération nucléaire, elle se démarque cependant des raidissements occidentaux, reconnaît le droit de Téhéran au nucléaire civil et ménage l’avenir en refusant à l’avance les solutions militaires, persuadée, probablement avec raison, qu’avec un pays du calibre de l’Iran une agression armée ferait plus de mal que de bien.

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Mais, si le discours officiel reste policé, mesuré et prudent, il n’écarte pas les pressions en sous main, éventuellement assorties de menaces directes (cf. le raidissement chinois après l’essai nucléaire nord-coréen en octobre 2006). Il n’exclut pas non plus que Pékin se joigne aux Occidentaux pour voter des sanctions contre l’Iran, commence à prendre ses distances avec le Zimbabwe, ou fasse pression sur les autorités soudanaises pour les obliger à accepter une intervention des casques bleus de l’ONU et de l’OUA. Après avoir longtemps milité aux côtés des peuples du Sud, parfois de manière agressive, revendiquant contre l’URSS la direction de « la révolution mondiale prolétarienne », la Chine s’est aujourd’hui replacée dans une position intermédiaire, adoptant souvent une attitude d’arbitre qu’elle assume assez bien, même si le ton moralisateur qu’elle adopte parfois agace ceux qui savent bien que les pressions militaires sont aussi une des clés des succès diplomatiques.

Enfin, son implication dans les affaires du monde vient de franchir un degré supplémentaire avec la nomination du Général chinois Zhao Jingming à la tête de la mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Au Soudan, joignant le geste à la parole, Pékin a dépêché en précurseur une unité du génie, chargée de reconstruire les infrastructures routières.

Mais avec la question birmane Pékin est aujourd’hui confronté, dans sa périphérie rapprochée, à un dilemme d’une toute autre nature. La contestation assez radicale du pouvoir birman par les moines bouddhistes, bénéficiant du soutien de la communauté internationale et de la population opprimée par la junte, crée une situation très sensible. Les relations de Pékin avec la Junte birmane sont en effet à ce point étroites (coopérations militaires, économiques et commerciales très importantes) que le PCC subirait les effets négatifs d’une répression brutale des moines, dans un contexte où sa propre situation des droits de l’homme est toujours montrée du doigt et où les commerçants chinois installés en Birmanie, à la frontière du Yunnan, font déjà l’objet de méfiances xénophobes.

Par ailleurs, un renversement de la junte, que beaucoup appellent de leurs voeux, débouchant, sous la pression internationale, sur la mise en place d’un système politique plus ouvert, créerait aux porte mêmes de la Chine une situation également dangereuse pour Pékin : on aurait en effet abouti à la mise à bas d’un régime, certes brutal et cynique, mais avec lequel Pékin entretient des liens privilégiés. Un développement auquel le PCC n’est pas prêt à apporter son soutien, au nom du principe de non ingérence, qui renvoie aussi à ses propres craintes d’un interférence dans ses affaires.

Il est donc assez peu probable que la Chine se joigne ouvertement au concert des pressions qui montent contre Rangoun. Son argument officiel sera que, quels que soient les désordres observés dans le pays, la Birmanie ne menace par l’ordre international. Aux critiques qui l’accuseront de soutenir un régime très lourdement corrompu qui isole son peuple et l’exploite, elle aura beau jeu de répondre qu’une dizaine de compagnies pétrolières, pour la plupart occidentales, sont présentes dans le pays. Et il est vrai qu’au prix du baril de pétrole, il est peu probable que ces dernières renoncent à leurs intérêts autrement que de manière cosmétique.

Il reste que l’implication des moines bouddhistes, dont l’influence dans la société birmane est considérable et l’aura de non violence universellement respectée, opposés à un régime totalitaire, corrompu et sans scrupules, dessine les limites morales du cynisme économique occidental et de « l’harmonie par la non ingérence » à la chinoise. La Chine le sait d’autant plus qu’elle observe chez elle la renaissance de la ferveur religieuse et son pouvoir d’influence spirituelle et morale. C’est pourquoi elle tentera, comme à son habitude, d’exercer des pressions discrètes qui viseront à appeler la junte militaire à la modération et au compromis pour éviter une radicalisation de la répression, dont les conséquences pourraient être catastrophiques. Mais rien ne dit qu’elle perviendra à ses fins. Les moyens de pression dont elle pourrait user sont plus limités qu’on ne le dit, tandis que la junte, qui a diversifié ses relations extérieures, dispose d’importantes ressources et d’une forte capacité d’encaisse, tandis que des sanctions internationales heurteront d’abord le peuple birman, déjà bien malmené.

 

 

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