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›› Editorial

La nouvelle marge de manoeuvre chinoise en Iran

Le trois décembre une déclaration commune des seize agences de renseignement américaines annonçait sans équivoque que Téhéran avait mis fin à son programme nucléaire militaire en 2003. Cette volte-face prenait à contrepied les Cassandre qui, en Europe et aux Etats-Unis, spéculaient sur l’imminence de la menace. Même si la fin du communiqué laisse ouverte la possibilité d’un basculement possible de l’Iran vers l’atome militaire « au milieu de la prochaine décénnie », c’est peu dire que la nouvelle appréciation de la situation par les Etats-Unis renforce la main de la Chine sur la question iranienne. Depuis plusieurs années Pékin prônait en effet la modération et le dialogue avec Téhéran, seules voies possibles, selon elle, pour sortir de l’impasse stratégique dans laquelle s’était enfermée l’administration américaine, suivie de près par l’UE.

La nouvelle ambiance qui entoure désormais la question iranienne réduit encore la crédibilité du renseignement américain et affaiblit l’influence de Washington. Elle rend très improbable la mise en oeuvre de nouvelles sanctions, que toutes la capitales occidentales appelaient pourtant de leurs voeux, il y a seulement quelques mois. Enfin elle éloigne le spectre de la guerre. Surtout elle confère à la Chine une vaste marge de manoeuvre pour jouer un rôle accru dans la solution de la crise et pousser ses intérêts économiques.

Une semaine à peine après la déclaration américaine, SINOPEC, 7e groupe pétrolier mondial, juste derrière Total, signait un contrat de deux milliards de dollars résultat d’un protocole d’accord conclu en 2004 - mais jusque là resté sans suite -, pour exploiter la zone de Yadavaran dans le sud-ouest du pays. Pris de court, le monde pétrolier occidental faisait la fine bouche et soulignait que l’accord n’était pas exactement à l’avantage de la Chine, puisqu’après le développement initial, les opérations d’extraction retourneront dans le giron de la Compagnie Iranienne Nationale de Pétrole (NIOC pour le sigle anglais), tandis que SINOPEC sera, par contrat, contraint de choisir 51% de ses sous-traitants parmi des sociétés iraniennes.

Il n’en reste pas moins, qu’en dépit de leurs réticences, les sociétés européennes - dont le hollandais Shell, le français Total et l’espagnol Repsol YPF (respectivement 2e , 6e et 14e mondiaux), ont, avec une longueur de retard sur la Chine, commencé à se mettre sur les rangs. Téhéran leur a laissé jusqu’à Juin 2008 pour prendre une décision.

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Mais, au-delà des contrats pétroliers, Pékin entend bien pousser son avantage pour s’affirmer comme le médiateur incontournable dans les grandes questions de prolifération nucléaire, un rôle qui jusqu’à présent lui réussit bien dans la crise nord-coréenne. Deux idées, souvent exprimées par les stratèges chinois et par Wang Guangya l’ambassadeur chinois aux Nations Unies, reviennent aujourd’hui au premier plan : celle d’une solution conjointe sur le modèle nord-coréen (Etats-Unis, UE, France, RU, Allemagne, Iran, Chine, Russie et les NU) et celle d’une approche par étape, d’où seraient bannies toutes les « conditions préalables » mises en avant par Washington et ses alliés européens, dont Pékin n’a cessé de souligner le caractère humiliant pour Téhéran.

En privé et pour expliquer le bien fondé de leur position, les spécialistes chinois de la question se plaisent à rappeler que l’affaire nord-coréenne est sortie de l’impasse dès lors que les Etats-Unis ont accepté d’abandonner leur prérequis d’un démantèlement « complet, irréversible et vérifiable », des installations nucléaires de Pyongyang, en échange d’une démarche par étape, où chaque concession nord-coréenne était accompagnée d’un compromis américain (déblocage des fonds bancaires, arrêt des sanctions et aide matérielle). Le démantèlement final devrait - dans l’esprit des Chinois et des Nord-Coréens - être ponctué par le rétablissement de relations diplomatiques avec Washington, assorties de garanties de sécurité.

Tout en reconnaissant que les situations ne sont pas homothétiques et que le chemin vers la disparition définitive de l’hypothèque nucléaire nord-coréenne est encore semé d’embuches, Pékin espère maintenant que Washington et les pays européens accepteront de se conformer à ce schéma de dialogue et de patience pour résoudre la crise iranienne.

Après tout la menace, si elle n’est pas complètement éradiquée, s’est considérablement éloignée et les négociations ne porteraient plus que sur l’ouverture permanente des installations iraniennes aux vérificateurs de l’AEIA et sur le programme d’enrichissement à des fins civiles, autorisé par l’article 4 du Traité de Non Prolifération, dont Téhéran est l’un des signataires. Les réflexions sur l’accès de l’Iran au nucléaire civil et les risques de prolifération que pose l’enrichissement seraient également l’occasion de s’interroger sur la manière de résoudre globalement le problème du combustible nucléaire civil dans le monde de l’après pétrole.

 

 

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