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Chine-Russie. Les anciens rivaux serrent les rangs contre Washington

Sur sa route vers la Chine où il a séjourné du 23 au 25 mai, le nouveau président russe a fait une courte escale au Kazakhstan. Peut-être voulait-il signifier à Pékin qu’en Asie Centrale, où Moscou et Pékin coopèrent en se surveillant mutuellement au sein de l’Organisation de Coopération Shanghai (OCS), la Russie avait encore une belle influence dans les anciennes républiques soviétiques. De fait c’est encore Moscou, avec ses réserves d’hydrocarbures, outil de son retour de puissance, qui mène le jeu dans la nouvelle donne énergétique de la région, tandis que la Chine, dont la consommation en pétrole augmente fortement, mesure ses fragilités. Ce déséquilibre des situations au profit de la Russie constitue pour l’instant encore le fond de tableau d’une relation dont l’histoire a été marquée par la méfiance réciproque des deux grands voisins.

S’il est vrai que les contentieux territoriaux hérités de la guerre froide paraissent réglés, d’autres subsistent, comme la réticence de Moscou aux transferts de technologies sensibles qui agacent l’Armée populaire de libération, tandis que les militaires russes dénoncent le plagiat chinois des SU 27. Autre pomme de discorde qui renvoie au problème de l’énergie : les très fortes prétentions russes pour le financement du pipe-line de la Sibérie vers la Chine, dont la construction a été ralentie pour cause de désaccord sur les prix. Pour ne rien arranger Moscou joue habilement des concurrences entre Pékin et Tokyo avec un projet d’oléoduc direct vers les cotes sibériennes en face du Japon. Les Russes de leur côté sont toujours inquiets du déferlement des commerçants chinois dans leur Extrême Orient. Surtout ils anticipent que, dans moins de dix ans, le dynamisme et l’influence croissante de la Chine sur la scène internationale placeront Moscou en position moins favorable.

Cette fois pourtant, le rapprochement stratégique semble prendre racine. Il s’était déjà amorcé en 2005, quand Moscou et Pékin dénonçaient l’élargissement de l’OTAN vers l’est et la présence envahissante des bases américaines en Asie Centrale dans l’arrière cour de la Russie et de la Chine. Les deux avaient également fait cause commune contre l’indépendance du Kosovo. A propos de la question iranienne leurs positions sont voisines, opposées à celles de Washington et de l’UE. Aujourd’hui, alors que le désastre du tremblement de terre au Sichuan traumatise profondément la Chine et que les équipes de sauveteurs russes étaient les premières non asiatiques acceptées sur le terrain par les Chinois, les déclarations sino-russes ont une nouvelle fois durci le ton à l’égard de Washington. Dans son discours à l’Université de Pékin Medvedev a affirmé que « l’alliance Pékin-Moscou était désormais une réalité dont le monde devait tenir compte, même si certains ne l’appréciaient pas ».

Deux sujets de controverse majeurs avec les Etats-Unis ont en effet resserré les liens entre les deux partenaires, qui au cours de l’histoire furent souvent des rivaux : les projets de défense anti-missiles américains en Europe orientale et en Asie du Nord-Est et la militarisation unilatérale de l’espace par le Pentagone. « La création d’un système global de défense anti-missiles et son déploiement dans plusieurs régions du monde ne contribuent pas aux équilibres stratégiques et sont un obstacle à la lutte contre la prolifération nucléaire (...) La Chine et la Russie sont opposées à la militarisation de l’espace ». Cette déclaration marque peut-être un durcissement de la position chinoise qui, jusqu’à présent, avait laissé les Russes prendre la tête des controverses avec Washington sur la question de la défense anti-missiles.

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Le tout est sur fond d’accroissement des échanges commerciaux. Ceux-ci atteignent maintenant près de 50 milliards de $, certes très en dessous de la moyenne de 200 milliards d’échanges avec l’UE, le Japon ou les Etats-Unis, mais en augmentation de 500 % depuis 2000. La visite de Medvedev a notamment donné lieu à la signature d’un contrat d’un milliard de dollars pour la construction d’une usine d’enrichissement de combustible nucléaire.

C’est un fait qu’en ces temps de disette énergétique, dont profite la Russie, l’approvisionnement en pétrole et en gaz de la Chine constitue un puissant facteur de rapprochement obligé entre deux économies complémentaires. Quant au rapprochement stratégique sino-russe contre Washington, qui semble dessiner les prémisses d’un retour à une politique des blocs, il tire son origine non seulement de l’obsession américaine d’une stratégie efficace de prévention des risques missiles, vieille terreur de la guerre froide, mais également de l’opacité des projets de défense chinois et de la résurgence des ambitions russes qui résonnent de manière néfaste dans la mémoire collective de l’Europe orientale, toujours tentée par le parapluie américain.

Il faudra encore de longues années avant que la défense anti-missiles, succédané de la « guerre des étoiles », dont tous les problèmes techniques ne sont pas résolus, soit déployée en Asie du Nord-Est et en Europe. Autant dire que la controverse et les tensions autour de ce projet, qui divise les Européens et que Washington agite comme un chiffon rouge sous le nez de Pékin et de Moscou, ne sont pas prêtes de s’éteindre, à moins que les uns et les autres ne tournent le dos aux méfiances et acceptent de s’asseoir autour d’une table pour en parler.

 

 

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