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L’aventure africaine de la Chine

Que fait la Chine en Afrique ? Le site Question Chine avait traité le sujet en février 2007 dans un article intitulé « Le rêve céleste des Africains ». Un ouvrage bien documenté est paru au printemps dernier sur ce sujet. Il est truffé d’anecdotes pittoresques qui tentent de montrer le dessous des cartes et d’analyser le choc des situations, des cultures et des mentalités, au travers d’une foule d’exemples pris sur le vif, dessinant une image diverse et contrastée des engagements publics et privés de la Chine en Afrique. Dans cette aventure on croise des diplomates chinois et africains, des fonctionnaires reconvertis dans les affaires, des jeunes interprètes qui s’ennuient et avides de contacts, des fonctionnaires corrompus et nouveaux riches, et même un ancien légionnaire chinois, au parcours hésitant, finalement récupéré et sauvé par son oncle, investi dans le commerce de bois.

Le titre de l’ouvrage « la Chinafrique » (éditions Grasset mars 2008) écrit par deux journalistes émérites - Serge Michel (prix Albert Londres 2001, correspondant du Monde en Afrique de l’Ouest et Michel Beuret, jeune journaliste suisse spécialiste des relations Chine-Afrique) - renvoie aux tricotages compliqués et opaques de la « France-Afrique », où les connexions occultes avec les pouvoirs plus ou moins recommandables de nos anciennes colonies, avaient tissé des liens troubles que Paris essaye laborieusement de dénouer depuis le milieu des années 90. Dans ce domaine la Chine, spécialiste des réseaux occultes, n’est évidemment pas en reste.

Mais la thèse défendue par le livre est intéressante car elle prend le contrepied des critiques qui, depuis plusieurs années, accablent la stratégie et les méthodes chinoises, prédatrices et peu respectueuses des populations locales. Que la Chine avance en Afrique de manière très intéressée à tel point que les épicentres de ses investissements recouvrent presque parfaitement la carte des ressources en pétrole et en matières premières, nos auteurs le reconnaissent volontiers. Il notent également que les manières chinoises sont parfois brutales, marquées par des horaires inhumains, imposés aux ouvriers, qu’ils soient Chinois ou Africains, une grande opacité et une tendance maladive à se couper des populations locales.

Il n’empêche que l’engagement de la Chine, qui monte en puissance au moment même où la France décide d’abandonner ses positions qui se heurtent aux hostilités africaines, semble sonner la fin d’une époque. Aux engagements de plus en plus frileux et sous conditions de Paris, qui manque de moyens et semble saisi par le doute, Pékin substitue des investissements sans conditions, financiers et humains, non seulement dans le domaine du pétrole et des matières premières, mais également dans celui des infrastructures (routes, voies ferrées, barrages et centrales électriques). Au point que le travail à marche forcée des entreprises chinoises aux prix cassés et à la main d’œuvre pléthorique, projetable sans états d’âme d’un bout à l’autre du continent, paraît en mesure de modifier à brefs délais l’image d’une Afrique à la dérive, cloisonnée et coupée du monde.

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L’effet le plus positif est peut-être que les efforts chinois ont redonné au continent une valeur qui attire mécaniquement les plus grands. Les Etats-Unis, à qui ces évolutions n’ont pas échappé, ne sont-ils pas en train d’y installer un commandement stratégique ? La France elle-même, qui paraissait tourner le dos à son histoire, semble à nouveau hésiter et il n’est pas impossible qu’elle retarde son retrait.

Pourtant la fin du livre exprime quelques doutes sur la réussite de l’entreprise africaine de la Chine. Honnêtement les auteurs s’appliquent d’abord à relativiser les dimensions de l’engagement qui parait massif parce que nouveau et rapide, mais dont l’ampleur reste encore mesurée au regard des actions des pays occidentaux. Ensuite, ils constatent que l’action de Pékin commence à ressembler à celle des autres acteurs avec ses chantiers qui s’enlisent, ses cohortes de gardes de sécurité, ses scandales de corruption et, quoi qu’elle en dise, son mépris pour la population locale. A cela s’ajoute que, depuis quelques temps, les dirigeants africains, dont certains bénéficient de la manne pétrolière, deviennent plus gourmands et plus exigeants, d’autant que de nouveaux investisseurs (Brésil, Inde, Corée du Sud, Japon) se présentent là où, il y a seulement quelques années, la Chine était seule en lice.

Dans ce contexte le livre évoque l’hypothèse des sceptiques qui notent la fragilité des positions chinoises et soulignent qu’il suffirait pour provoquer le repli chinois d’une série d’incidents majeurs non liés entre eux (défection d’un allie tel que la Zambie ou l’Angola, une prise d’otages massive d’ouvriers chinois, un attentat meurtrier en Algérie, un désastre écologique ou encore la rupture d’un barrage chinois).

La fin de l’ouvrage renvoie les dirigeants du continent à leurs responsabilités : « La balle est dans le camp des Africains. Ils ont désormais les moyens de leurs ambitions : jamais un bailleur de fonds n’avait avancé des sommes pareilles sans conditions et sans tutelle. Seront-ils à la hauteur pour utiliser ces fonds pour développer leur pays plutôt que pour doubler la taille de leur parc immobilier en France ? A Pékin lorsque le Président Hu Jintao a annoncé les montants exorbitants qu’il s’apprêtait à mettre à la disposition de l’Afrique, un Africain auprès de nous a murmuré : « A présent il va falloir que nos chefs se montrent sages, très sages ».

 

 

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