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La voix de la Chine dans le monde. Le difficile exercice de l’objectivité

La Chine réfléchit à la création d’une Chaîne de télévision de portée mondiale qui pourrait émettre en anglais 24h/24. Depuis plusieurs mois les grands médias chinois tels que Xinhua, CCTV et le Quotidien du Peuple enchaînent les réunions avec des consultants étrangers. Plus de 4 milliards d’euros auraient été débloqués pour ce projet. Dès son arrivée au pouvoir en 2002, le Président Hu Jintao avait lancé une stratégie visant à « mieux faire entendre la voix de la Chine dans le monde ». Depuis cette époque, les organes d’information ont renforcé leurs moyens à l’étranger (le nombre de bureaux de Xinhua dans le monde devrait rapidement passer de 100 à 186). Ils ont aussi amélioré leurs capacités linguistiques et mis en place des équipes de fonctionnaires capables de diffuser rapidement la position officielle de la Chine.

Reprenant une dépêche de Xinhua, plusieurs commentaires de presse ont évoqué l’idée que la Chine envisageait de créer « une Al-Jazeera de l’Asie ». Il reste que la chaîne que Xinhua évoque comme modèle, créée en 1996 et Basée à Doha, est connue pour être l’un des seuls vecteurs d’information politiquement indépendant du Moyen Orient. En réalité il est peu probable que, dans le domaine de l’objectivité de l’info, une chaîne de télévision d’état chinoise puisse, devenir - comme c’est le cas d’Al-Jazeera - un concurrent crédible des grands médias occidentaux tels que CNN ou la BBC, que les responsables chinois semblent vouloir prendre comme modèle.

En revanche, l’ampleur des moyen engagés (30 fois plus que ce qu’avait investi l’émir du Qatar pour créer Al-Jazeera) montre la détermination du pouvoir chinois de faire entendre sa voix. Mais tout indique que le modèle ne serait pas Al-Jazeera, ou la BBC, mais plutôt « la voix de l’Amérique ». Mais sait-on jamais, la quête chinoise de reconnaissance internationale conduira peut-être la version anglaise de la chaîne à prendre quelques distances avec la censure qui ligote toujours fermement les grands médias chinois.

CCTV 9, la plus grande chaîne chinoise en Anglais à ce jour, inaugurée en 2000, qui tente timidement de copier CNN (un bulletin d’information toutes les 30 minutes et des contrats de pub qui commencent à envahir les programmes) a élargi son audience en Asie aux Etats-Unis et en Europe, dans les communautés de Chinois expatriés. Elle s’essaye progressivement au difficile exercice de l’objectivité. Des débats aux sujets controversés sont régulièrement diffusés sur la situation des campagnes chinoises, le système politique, le multipartisme, la démocratie, les droits de l’homme, le droit de propriété etc.

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A plusieurs reprises des chercheurs chinois de l’Académie des Sciences Sociales ont vertement critiqué les politiques publiques. Mais globalement la voix du Parti reste toujours la plus forte, tandis que les étrangers - experts, techniciens, politologues - invités par la chaîne se risquent rarement à des critiques directes. Enfin, il coulera encore beaucoup d’eau sous les ponts avant que la chaîne puisse diffuser des reportages équilibrés sur les sujets sensibles tels que la question taïwanaise ou celle du Tibet.

La position de CCTV9 à l’égard de l’information objective a été exposée à plusieurs reprises par Jiang Heping (46 ans), membre du parti, diplômé de l’université de journalisme de Shanghai, titulaire d’un master de journalisme de l’université de Cardiff et responsable de l’information de la chaîne. En 2004, il disait notamment : « la mission de la chaîne est d’exposer la perspective chinoise sur les affaires du monde et de briser le monopole occidental sur l’information.

Le point de vue de la Chine sur les affaires du monde est clairement différent de celui exprimé par CNN et la BBC. Nous faisons par ailleurs de gros efforts pour réduire les poids de la propagande, équilibrer nos analyses et être objectifs. Mais il est clair que notre vision des affaires internes de la Chine est bien moins négative que celle des médias occidentaux. S’il est vrai que notre approche professionnelle est occidentale, les informations relayant les activités anti-parti resteront en revanche taboues ».

On ne peut cependant pas dire que rien ne bouge. CCTV 9 a, par exemple, rendu compte « qu’un incident avait perturbé le discours de Wen Jiabao à Cambridge », le 2 février dernier, ce qui aurait été impossible il y a seulement quelques années. Quelques jours plus tard les médias chinois ont même diffusé une vidéo montrant que Wen Jiabao est resté de marbre face à « un lancer de chaussure » qui le visait, avant de faire la morale au trublion. Encore une entorse aux tabous qui, jusqu’à présent, protégeaient l’image des dirigeants chinois, apportant une manière de démenti aux propos de Jiang Heping. Il est vrai qu’il ne s’agit pas là d’une « activité anti-parti ».

 

 

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