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›› Economie

Où en est l’économie chinoise ?

Il est difficile d’échapper au pessimisme dans lequel baigne l’économie chinoise. Baisse radicale de la croissance, augmentation du chômage, fermeture d’usines, effondrement des exportations, forte chute de la production industrielle, atonie des carnets de commandes, dessinent une image catastrophique de la situation du pays, au point que certains évoquent le risque d’une crise « systémique ».

Dans « crise systémique » il y a « système ». Et en Chine il ne s’agit pas que du « système financier », comme à Wall Street, mais aussi du « système politique ». Puisque depuis des lustres les experts sinologues répètent qu’en dessous d’un taux de croissance estimé à 7%, la Chine entrerait en récession, les analyses qui spéculent sur une crise politique de grande ampleur ne manquent pas.

Et pourtant, c’est dans cette ambiance noire que le Premier Ministre Wen Jiabao a fermement réaffirmé la confiance des responsables chinois. Au point qu’à Davos il était le seul des grands dirigeants réunis au chevet de l’économie mondiale à apporter une note d’optimisme : « je peux vous donner une réponse définitive » a-t-il martelé, « nous redresserons la croissance au niveau de 8%, grâce à nos efforts et à notre travail ».

Quelle est la probabilité pour que les prévisions du Premier Ministre se réalisent ? Les avis sont partagés.

Quelques experts, s’appliquant à analyser les points forts qui permettraient à l’économie de rebondir, sont optimistes. D’autres, qui détaillent en contrepoint les fragilités du système, considèrent que les déclarations de Wen Jia Bao à Davos ne sont qu’un affichage politique et une sorte de méthode Coué.

Les premiers, qui ne nient pas que l’optimisme de Wen Jia Bao soit un peu forcé, car la crise, avec les risques politiques qui l’accompagnent, n’avait pas eu d’équivalent depuis 20 ans. Mais, disent-ils, l’espoir d’une reprise rapide n’est pas totalement infondé.

Selon eux, il repose d’abord sur la détermination du pouvoir, dont la réaction de relance et de colmatage serait d’une ampleur jamais vue auparavant (400 milliards d’euros soient 16% du PIB chinois répartis sur deux années).

Les grands travaux prévus, ainsi que les programmes de formation professionnelle à grande échelle - touchant déjà près de 3 millions de personnes -, mis en place pour les migrants avec des étudiants fraîchement diplômés comme professeurs, épongeront une partie de la masse des chômeurs nomades et des jeunes diplômés sans travail et diminueront les risques de dérapages sociaux.

Le marasme des campagnes pourrait également être atténué par la politique de délocalisation des entreprises vers le centre et l’ouest, commencée il y a dix ans (Xi Bu Da Kaifa). Selon Cai Fang, chercheur à l’Académie des Sciences Sociales, elle commence à porter ses fruits en matière de développement et d’emploi. Toujours pour atténuer les chocs sociaux, le volontarisme du pouvoir cible également les secteurs de la santé et les systèmes de retraite.

Ces investissements de l’Etat, appuyés par des volets sociaux et des mesures financières ayant pour objet de relancer le crédit et le secteur immobilier en panne devraient permettre à l’économie de garder la tête hors de l’eau. Au demeurant, disent les optimistes, des signes encourageants de reprise sont perceptibles : en décembre la production industrielle a légèrement remonté après la chute catastrophique de novembre, l’investissement se maintient grâce aux efforts de l’Etat, tandis que la consommation d’énergie est repartie à la hausse et que la chute de l’immobilier s’est ralentie. Enfin les prix qui menaçaient de baisser de manière dramatique se sont stabilisés, tandis que dans plusieurs secteurs stratégiques, tel que l’acier, les stocks tombés au plus bas, se reconstituent.

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Pour les pessimistes, en revanche, ces indices favorables ne sont que les effets conjoncturels de l’engagement de l’Etat. Le plan de relance induira peut-être une reprise perceptible dès le deuxième trimestre 2009, mais l’embellie sera éphémère. D’abord parce que l’effort financier n’est pas à la hauteur des affichages. Selon la Standard Chartered, les engagements réels de l’Etat se limiteraient à 1200 milliards de RMB, soit 136 milliards d’euros au lieu des 400 annoncés. Cette somme, répartie sur deux années, ne représente plus que 2% du PIB, bien loin des 16% annoncés.

Mais le mal est plus profond.

Il renvoie au mode de développement du pays, basé d’abord sur l’export vers des marchés qui resteront encore longtemps atones ; ensuite sur la croissance souvent anarchique de la production industrielle avec ses corollaires que sont les surcapacités et la qualité aléatoire des produits chinois ; tandis que les politiques de grands travaux, dont l’utilité n’est pas toujours évidente, se font au détriment des investissements sociaux. Ce dernier moteur traditionnel de la croissance chinoise, contestée par beaucoup d’experts, renvoie aux critiques de Zhou Tianyong, directeur du centre d’analyse politique de l’école centrale du parti, qui dénonce régulièrement les « priorités chaotiques des dépenses publiques ».

D’autres inquiétudes plus sourdes et rarement mises à jour taraudent les dirigeants. La progression des réserves de change inférieure à la somme des excédents commerciaux et des investissements directs extérieurs (IDE) nourrit la rumeur persistante d’importantes fuites de capitaux. Plus grave encore : en variation annuelle, la croissance du PIB affichée par le gouvernement chinois est de + 6,8% au cours du dernier trimestre (la croissance la plus faible depuis 20 ans). Mais en réalité beaucoup d’experts indiquent qu’au cours de cette période, la croissance, comparée aux mois précédents de 2008, était voisine de zéro. De quoi donner des sueurs froides au régime, dont la légitimité repose en grande partie sur ses performances économiques.

C’est peu dire que la Chine est secouée : à l’été 2008, le pouvoir s’inquiétait encore de la hausse de l’inflation et de la « surchauffe » et prenait des mesures monétaires répétées pour les contrôler. A l’automne, pris de court par l’ampleur de la crise, il changeait radicalement de cap et engageait une politique de relance, dont l’ampleur était, on l’a vu, moins vaste que prévue. Elle allait par la suite encore être amendée par l’injection de fonds en faveur du système de santé et des politiques d’aides aux plus démunis (7 milliards d’euros supplémentaires annoncés par Wen Jia Bao en décembre). Simultanément les experts chinois commençaient à pointer du doigt la vulnérabilité du mode de développement, basé sur les investissements et l’export, et handicapé par la faiblesse de la consommation intérieure.

Dès lors, les plus hautes instances du régime se sont mobilisées sans faiblir autour de l’objectif d’accroître la demande interne, deux fois plus faible qu’aux Etats-Unis ou en Europe. Seule alternative pour relancer durablement la croissance.

Lancé à l’automne 2008, la réforme agraire, dont le but est de réduire le nombre de ruraux, tout en augmentant le revenu des paysans grâce au remembrement des parcelles fait partie de cette stratégie. Elle est accompagnée par des aides aux migrants encouragés à créer leur propre entreprise. Il restera encore à créer partout les filets sociaux (système de santé et de retraite) seuls capables de créer la confiance et d’inciter les Chinois à dépenser plus qu’ils n’épargnent.

Il est clair que cette réforme du schéma de développement chinois prendra du temps. En attendant, le pouvoir espère que la relance par l’investissement, permettra un retour rapide de la croissance, tandis que les mesures en faveur de la santé et les aides sociales de toutes sortes éviteront les désordres sociaux.

 

 

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