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›› Technologies - Energie

Les produits « high-tech » et la recherche en Chine

Il suffit de se promener à Zhongguancun au nord de Pékin dans le quartier de Haidian, pour s’apercevoir à quel point les Chinois sont attirés par les nouvelles technologies de l’information. Toutes les marques d’ordinateurs et de portables y foisonnent à côté des logiciels piratés vendus à moins de 5 euros sur les trottoirs qui entourent les grands immeubles bourrés de gadgets informatiques. On y trouve aussi plus d’une centaine d’instituts de recherche « High-tech », dont l’Académie des Sciences et l’université Qinghua.

Dans ce foisonnement qui abrite aussi une centaine de sociétés Internet et près de 4000 sociétés qui travaillent dans les technologies de l’information, il est cependant difficile d’identifier la véritable innovation chinoise des copies ou des technologies importées.

Un récent rapport de l’OCDE insiste sur les efforts des autorités chinoises pour rattraper le niveau de R&D des pays occidentaux. Ce rattrapage s’est effectué d’abord par l’absorption, parfois piratée par les biais des « Joint Venture » obligatoires, des technologies importées des sociétés étrangères qui, en Chine, représentent toujours 28% de la production industrielle, 60% des brevets déposés et la totalité des gains de productivité. Depuis une dizaine d’années ces transferts de hautes technologies sont facilités par l’installation des centres de R&D par des groupes étrangers (plus de 700 fin 2008) qui cherchent à réduire leur coûts.

Parallèlement le pays faisait des efforts pour augmenter les budgets de recherche, aujourd’hui classés au 8e rang mondial en pourcentage par rapport au PIB et au 4e rang en valeur absolue (avec 120 milliards de dollars, contre 300 aux Etats-Unis et 200 pour les pays l’UE). L’effort a également porté sur les personnels puisque depuis le début des années 2000, le pourcentage de spécialistes affectés à la R&D dans les universités, et les instituts de recherche des entreprises a été multiplié par 2, avec priorité aux secteurs de l’aéronautique, des logiciels et des circuits intégrés, de la biologie, de l’aérospatiale et des nouveaux matériaux.

Il reste que ces affichages quantitatifs traduisent mal l’état réel de la recherche, qui reste encore handicapée par de nombreux verrous. Plus de 50% des produits « high-tech » exportés par la Chine sont encore des assemblages d’éléments étrangers importés. Une fracture existe donc entre les meilleures entreprises chinoises et les entreprises high-tech occidentales, japonaises et coréennes.

En réalité la Chine n’a pas encore atteint le niveau du Japon des années 70, ni même celui de la Corée des années 90, quand ces deux pays commencèrent à secréter des « champions nationaux » capables d’affronter la compétition internationale avec un marché, une marque et un réseau de vente de qualité internationale.

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Il est vrai que quelques sociétés sont les champions de la recherche et développement (Il s’agit essentiellement d’entreprises du secteur des télécommunications comme Huawei Technologies, Datang Telecom - en coopération avec Siemens -, ou Zhongxing Télécom qui consacrent chacune 10% ou plus de leur CA à la R&D). Il est également vrai qu’en moins de 30 ans la Chine est passée d’une économie planifiée, axée sur l’industrie lourde et l’agriculture, à une économie plus ouverte, stimulée par l’information, le savoir et les qualifications. Ajoutons qu’en moyenne les 100 plus grosses sociétés chinoises consacrent 3% de leur CA à la R&D. Parmi elles, 37% opèrent dans l’industrie lourde - énergie, aciéries, mines et transformation des minéraux, chimie - et 12% dans les secteurs des télécommunications et de l’électronique.

Mais la réalité est que, malgré les slogans qui affichent la priorité du développement des hautes technologies, la grande majorité des entreprises chinoises ont, à quelques exceptions près (citées plus haut), beaucoup de difficultés à atteindre un réel niveau de sophistication technologique, principalement parce qu’elles manquent de ressources. Selon une étude chinoise, les PME sensées être les plus innovantes en Chine, c’est à dire celles installées dans les parcs high-tech ne dépenseraient en moyenne que 1,9% de leur CA en R&D, ce qui est bien inférieur à la norme de 5% fixée par le gouvernement chinois lui-même. Cette situation est encore aggravée par la férocité du dumping sur les prix, fond de tableau habituel du marché chinois. Dans ce contexte, beaucoup de sociétés n’ont pour survivre d’autre choix que de pratiquer la violation les droits de propriété intellectuelle ou de s’appuyer, au travers de coopérations ou JV, sur des technologies importées.
Les progrès ne sont donc pas à la hauteur de la mobilisation bureaucratique et financière consentie par l’Etat qui a bien conscience des lacunes. En 2002, la Chine ne représentait que 0,3 % du stock de brevets internationaux, très loin derrière les Etats-Unis (35,6 %) et le Japon (25,6 %). Plus encore, seuls 11% des brevets déposés en 2006 par des sociétés chinoises en Chine constituaient une réelle percée technologique, contre 74% pour les brevets déposés par les sociétés étrangères qui restent en moyenne propriétaires de plus de 40% des brevets.
Enfin la recherche chinoise est d’abord orientée vers les applications industrielles qui absorbent plus de 70% des budgets, contre moins de 6% à la recherche fondamentale. Comparés à ceux des pays industrialisés la part de la recherche (recherche fondamentale et recherche appliquée) était inférieure à 17% des budgets contre 50% en moyenne dans les pays de l’OCDE.
La réalité de la modernisation rapide de la Chine et de son développement high-tech est donc plus nuancée que ne le laissent entendre certains clichés de la presse occidentale ou les slogans des autorités chinoises. Sans nier les réels progrès déjà mentionnés, il faut souligner les difficultés dont la persistance constitue des handicaps que le Japon et la Corée, plus agiles et moins cloisonnés, n’ont pas connues : Il s’agit d’abord de la férocité des compétitions sur le marché chinois, qui tasse les prix et les revenus des sociétés, tirant vers le bas les ressources consacrées à la R&D. Plus encore, la dimension du marché chinois qui autorise la création de normes (notamment dans les télécommunications) pourrait paradoxalement constituer un autre handicap, puisque les normes pourraient, in fine, agir comme une barrière protectrice, créant un contexte encore moins stimulant pour l’innovation.

Pour améliorer la situation et faire sauter les verrous, l’Etat doit donc agir dans deux directions. D’abord poursuivre son effort qualitatif de rénovation de la recherche, dans les universités et dans les instituts et augmenter ses engagements financiers (il le fait déjà puisque plus de 88 milliards de dollars ont été dégagés pour la recherche pour les années 2006 - 2020). Ensuite assainir le marché encombré par une myriade de sociétés sans valeur ajoutée réelle, incapables d’innovation, mais dont les produits de qualité médiocre aux prix cassés plombent le marché et freinent le développement qualitatif de nombreux secteurs.

 

 

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