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›› Chine - monde

« La Chine est mécontente ! »

C’est du moins ce qu’affirment dans un récent ouvrage («  Unhappy China - the great time, great vision and our challenges  ») cinq intellectuels qui se réclament de « la Chine d’en bas ». Ils pensent que l’heure est venue pour la RPC d’affirmer sa puissance et de diriger le monde car elle en a les capacités et surtout tel est son destin.
Après « La Chine qui dit non » dans les années 90, qui affirmait entre autres que la RPC devait donner la priorité à la défense de ses intérêts nationaux et qu’elle devait s’émanciper de l’influence étrangère, les intellectuels nationalistes vont plus loin en évoquant aujourd’hui la suprématie mondiale de la Chine. L’un des auteurs de « La Chine qui dit non », Zhang Xiaobo, a d’ailleurs dirigé la rédaction et la publication de « Unhappy China »

Les auteurs estiment que la Chine bénéficie d’une économie et d’une puissance qui lui permettent désormais d’afficher clairement ses ambitions de leadership d’un monde dont les références et modèles occidentaux connaissent une faillite retentissante reflétée par la crise financière actuelle. Celle-ci constitue donc un signal pour de nouvelles puissances au premier rang desquelles la Chine. Dans l’esprit, on n’est pas très éloigné de la notion de rupture du Mandat céleste sensée annoncer, dans la tradition historique chinoise, un nouvel empereur.

En contradiction avec la stratégie des 24 caractères de Deng Xiaoping qui recommandait à la Chine de garder un profil bas et de se développer dans la discrétion, les auteurs analysent les rapports compliqués qu’entretient la Chine avec l’Occident. Les auteurs estiment que les dirigeants chinois sont outrageusement fascinés et aveuglément influencés par l’Ouest au point de perdre confiance dans les capacités de la Chine.
Dans une approche marquée par l’héritage du légisme, ils prônent une diplomatie forte fondée sur des « récompenses » et des « châtiments ». Dans ce cadre, la France devrait être sanctionnée durement et servir d’exemple afin de dissuader toute velléité de contrarier Pékin sur des sujets ayant trait à la sécurité nationale et à la souveraineté.

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Traduit dans huit langues lors de sa publication le 12 mars dernier, «  Unhappy China » ne semble cependant pas passionner les foules. Un grand nombre de « bloggers » et autres « journalistes citoyens » de l’internet ont réagi négativement en estimant notamment que le livre est arrogant, qu’il ne propose rien de constructif et qu’il constitue avant tout une démarche publicitaire à but lucratif. Plusieurs sondages indiqueraient que selon l’opinion publique chinoise «  Unhappy China  » brandit le spectre d’un nationalisme chinois radical qui nuit à l’image internationale du pays.
On peut légitimement s’étonner d’une telle retenue et de ces réactions modérées de la part d’une communauté « internet » habituellement prompte à s’enflammer au nom du nationalisme chinois.

On peut tout aussi légitimement se demander si ce n’est pas le gouvernement qui en sous main contrôle et canalise ces réactions afin de minimiser l’impact de l’ouvrage.
De fait les recommandations des auteurs ne sont pas en phase avec les positions officielles du gouvernement chinois. L’heure est pour Pékin plus à la mise en œuvre d’un pouvoir attractif et d’un soft power qu’à la démonstration de puissance et l’expression d’un nationalisme d’un autre age susceptible de renforcer la thèse de la menace chinoise. On se souvient qu’au début des années 2000, le concept « d’ascension pacifique de la Chine », développé par Zheng Bijian, un proche de Hu Jintao à l’Ecole Centrale du Parti avait été considéré comme trop offensif et rapidement remplacé par le « développement pacifique ».

Pour autant, cela ne veut pas dire que les autorités de Pékin rejettent en bloc les idées avancées par les cinq intellectuels. Si tel était le cas, ce livre, qui par ailleurs montre qu’il existe un réel debat entre divers courants sur les lignes politiques à suivre par le gouvernement, aurait il été autorisé ?
En réalité, les ambitions à terme du pouvoir chinois ne sont sans doute pas très éloignées des propositions, certes un peu brutales des auteurs. La réaction chinoise vis-à-vis de la France en décembre dernier et la façon dont la Chine s’est imposée lors du G-20 indiquent clairement que la stratégie actuelle consiste bel et bien à s’imposer peu à peu, mais avec prudence, sur la scène internationale en attendant l’heure d’une offensive plus générale et au grand jour.
Cette heure ne viendra que lorsque Pékin estimera avoir réglé ses problèmes intérieurs, en particulier la question de la stabilité sociale sur fond de crise économique et celle plus sensible encore de la gestion des minorités en lutte avec le pouvoir central. Pour Pékin, ces deux éléments conditionnent la sécurité nationale qui reste une priorité absolue avant de revendiquer « officiellement » une quelconque suprématie mondiale.

 

 

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