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›› Technologies - Energie

Où en est le programme spatial chinois ?

La Chine met les bouchées doubles pour maîtriser les techniques de navigation dans l’espace et affirmer sa place au sein des grandes puissances spatiales. Après le succès de ses vols habités, dont le dernier avait comporté une sortie dans l’espace et suivant la mission du satellite Chang’e1, mis en orbite lunaire entre octobre 2007 et mars 2008, la Chine confirme, 40 ans après les missions américaines, son intention d’explorer, elle aussi, le satellite de la terre. La deuxième phase de l’exploration lunaire, prévue en 2012, comportera le lancement du satellite Chang’e2, dont la mission sera de poser sur la lune un véhicule d’exploration. La troisième phase enfin, planifiée pour 2017, devrait permettre de rapporter des échantillons de minéraux.

Ces projets vers la lune s’accompagnent de missions habitées qui préparent la mise en orbite d’une station spatiale chinoise indépendante. Les missions Shenzhou 1 à 5, première phase du projet, ont été conclues par le premier vol habité chinois en 2003. La deuxième phase (2003 - 2008) était centrée sur la sortie dans l’espace et les techniques de pilotage à distance d’un véhicule spatial, dont la réussite et la précision ont d’ailleurs éveillé la méfiance des stratèges américains, soupçonnant la mise au point d’une plate forme de tir anti satellites. La dernière phase enfin, sur laquelle la Chine a jusqu’à présent livré peu d’informations, devrait débuter en 2009, avec 3 missions initiales des véhicules habités du type Shenzhou (N° 8, 9 et 10) qui devraient mettre en orbite un laboratoire spatial, première phase de la station spatiale chinoise. Rappelons au passage que les véhicules Shenzhou sont également conçus pour s’arrimer à la station spatiale internationale, sous réserve qu’un accord politique soit conclu avec la Chine.

En communiquant sur ces projets, objets de la fierté nationale, mais que beaucoup d’observateurs rattachent à un effort de propagande nationaliste et que les spécialistes américains de la sécurité inscrivent dans un programme militaire, les autorités chinoises prennent soin de démontrer l’utilité parfois controversée de ces missions vers la lune, près d’un demi-siècle après les celles de la NASA. Ouyang Ziyang, le responsable scientifique du programme, souligne, dans un style qui mêle quelques données scientifiques à pas mal de propagande, qu’aujourd’hui « les missions spatiales ne s’inscrivent plus dans le cadre de la guerre froide, marquée par une compétition sur la puissance des lanceurs et la maîtrise militaire de l’espace, mais doivent contribuer au développement de la Terre ». C’est pourquoi, à terme, il « envisage une exploration géologique de la lune, à la recherche de combustible nucléaire tel que l’hélium-3, ou de ressources minières comme le titanium », utilisé dans l’aéronautique et l’espace.

Le volontarisme et l’efficacité qui s’expriment par le rythme des progrès accomplis en à peine une décennie, est impressionnant. En trente ans, la Chine a en effet déjà mis en orbite une centaine de satellites et ses lanceurs sont parmi les plus sûrs du marché. Depuis 1996, avec un budget spatial en augmentation rapide, aujourd’hui estimé à 2 milliards de dollars - soit 1/10e de celui de la NASA et équivalent à celui de la France ou du Japon - elle a réussi plus de 50 lancements successifs, sans le moindre incident, à un rythme qui la place en troisième position derrière la Russie et les Etats-Unis et bien avant l’Union Européenne. Le Département chinois de l’espace affirme que, d’ici 2050, la Chine sera en mesure de lancer des missions d’exploration systématique de plus en plus éloignées de la Terre, avec comme objectif la découverte de Mars.

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Mais les délais optimistes des officiels (2017) - notamment ceux avancés pour le très emblématique projet vers la lune - ne sont pas confirmés par les ingénieurs chinois eux-mêmes. Ces derniers indiquent que, compte tenu des problèmes techniques qui restent à résoudre, il ne faut pas espérer que la phase d’exploration par un véhicule télécommandé puisse débuter avant 2020, dans le meilleur des cas. L’un des problèmes à résoudre parmi d’autres sera celui de la propulsion. Le professeur Jiao Weixin de l’université de Pékin souligne que la fusée américaine Saturne V, lanceur d’Apollo 11, permettait une charge utile de 120 tonnes. Or la prochaine génération des lanceurs chinois Longue Marche 5, qui ne sera pas prête avant 2017, ne pourra emporter que 25 tonnes. « Ce qui signifie - ajoute le professeur Jiao - qu’après un demi-siècle, la charge utile de nos lanceurs équivaut à peine à celle des rechanges nécessaires aux missions d’Apollo ». Au retard dans le domaine de la puissance et de la charge utile des lanceurs, s’ajoutent ceux dans les domaines des communications et l’automatisation.

Rappelons aussi que les Etats-Unis ont déjà posé un véhicule télécommandé sur Mars en 2004 et 2008, et que la NASA envisage un retour sur la lune en 2018 pour y installer une station permanente qui serait opérationnelle en 2024. L’agence spatiale américaine est aujourd’hui la seule à maîtriser la circulation des humains dans l’espace proche de la terre, grâce la navette spatiale qui sera remplacée en 2010 par une version modernisée. Elle est aussi la seule à avoir lancé des missions d’exploration lointaine du système solaire et au-delà. Son avance dans les domaines des robots télécommandés et du pilotage à distance des engins spatiaux lui permettra de rester encore longtemps à la pointe de l’exploration ou de l’utilisation de l’espace à des fins scientifiques ou militaires.

La Chine, qui développe une coopération spatiale avec plusieurs pays (Russie, Brésil, Canada, UE - dont une participation au projet Galileo, très controversée par Washington -), observe ces progrès, non sans inquiétude. Notamment parce qu’elle anticipe que la NASA recherchera et atteindra très vite une suprématie militaire à partir de l’espace. Pour cette raison elle a, à plusieurs reprises, tenté d’entamer une coopération avec l’agence américaine. Mais le tir de missile du 11 janvier 2007, par lequel la Chine avait détruit un de ses vieux satellites météo avait été perçu par beaucoup à Washington comme une menace directe. L’incident avait initié des commentaires alarmistes et sans fondement sur « une prochaine guerre de l’espace avec la Chine » et la plupart des projets de coopération avec Pékin avaient été mis sous le boisseau. Rappelons cependant que le tir du missile chinois vers l’espace, qui n’avait rien d’un exploit technique, était probablement une réponse acrimonieuse de l’APL aux fins de non recevoir de la Maison Blanche, qui refusait la mise en place d’un moratoire sur l’espace militaire et avait rejeté, assez brutalement, les propositions chinoises de négociation pour l’interdiction des armes spatiales.

Outre Atlantique, les avis sur une coopération plus étroite avec la Chine sont en réalité assez partagés. Au Pentagone et au Congrès, les opposants à tout échange avec Pékin développent trois types d’arguments : les risques de transferts de technologies sensibles, dont les plus pessimistes, pour ne pas dire les plus excessifs, prédisent qu’ils conduiront, in fine, à un « Pearl Harbour spatial » ; la compromission morale avec un pays qui ne respecte pas les droits de l’homme et dont les dirigeants seraient légitimés par une coopération avec la première puissance militaire et spatiale de la planète ; et enfin l’absence d’avantages politiques et technologiques directs pour les Etats-Unis.

Les milieux scientifiques, qui reconnaissent le sérieux des progrès chinois, sont en revanche moins fermés et prônent un rapprochement avec Pékin, mettant en avant une série de raisons inverses, dont certaines sont d’ailleurs assez naïves. Ils affirment qu’une meilleure transparence pourrait lever les incertitudes qui entourent les programmes chinois et ouvrirait la voie à un accord salutaire sur l’espace militaire ; que le partage des charges autoriserait de substantielles économies d’échelle ; et enfin que la coopération directe et les transferts de technologies freineraient la R&D chinoise et augmenteraient la dépendance de Pékin envers les Etats-Unis, conférant à ces derniers de solides avantages technologiques ainsi qu’un levier d’influence ou de pression. Rien n’est moins sûr. Il n’y a en effet pas d’exemple que la Chine ait accepté de sacrifier son indépendance dans un domaine qu’elle considère comme stratégique. Il est en revanche plus probable que, quoiqu’il lui en coûte, en temps, en énergie et en budget, elle s’efforcerait d’assimiler les technologies transférées pour leur attribuer un « label » purement chinois.

En attendant, l’éventail des échanges possibles autorisés par le Pentagone est déjà assez large. Il va des mesures de confiance (avec notamment des échanges de données sur les débris spatiaux, les conditions météo, l’environnement et la navigation) à un dialogue politique sur l’espace avec adoption d’un « code de conduite ». Mais, compte tenu de l’état aléatoire des relations politiques, il semble hélas qu’il faudra attendre encore un peu pour le développement d’actions communes autour de la station internationale ou des missions d’exploration lunaire ou plus lointaines.

 

 

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