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›› Editorial

Le Parti sous tension

Alors que le Parti se prépare à un spectaculaire exercice d’auto promotion interne, à l’occasion du 60e anniversaire de la République Populaire, dans une ambiance sécuritaire plutôt crispée qui paralyse les grands axes de la capitale au fil des répétitions du défilé militaire, déployant un dispositif anti-terroriste inédit et incitant la population à rester chez elle le 1er octobre, le 4e plenum du Comité Central du 17e Congrès, qui s’est tenu du 15 au 18 septembre, a exhorté les membres du Parti Communiste Chinois (PCC) à redoubler d’efforts pour « faire face aux défis complexes et à long terme qui menacent la capacité du PCC à gouverner le pays, à poursuivre la politique de réformes vers une économie de marché, et à s’adapter à l’environnement international ».

Depuis le 17e Congrès, il y a deux ans, la haute direction du régime a accumulé les appels à la solidarité et à la vigilance, motivés par une extraordinaire succession de difficultés, dysfonctionnements, catastrophes et troubles internes, depuis les émeutes au Tibet et au Xinjiang, au tremblement de terre du Sichuan, en passant par le choc de la crise économique et la recrudescence des contestations sociales, sans oublier les effets pervers de la corruption, qui mobilisèrent les énergies et les ressources financières du pays. A ce stade, le Parti a assez bien contrôlé cet enchaînement catastrophique. Il émerge d’une période extrêmement troublée avec une image renforcée à l’extérieur par l’éclatante réussite des Jeux Olympiques et sa reprise économique dopée par l’efficacité du plan de relance, qui tranche avec le marasme des économies des pays développés.

Mais le message inquiet du 4e Plénum suggère qu’à l’intérieur, le Parti craint quelques retombées négatives, liées à la corruption, aux incertitudes de la reprise économique et à ses conséquences sociales, ainsi qu’aux controverses internes sur le traitement des tumultes ethniques et aux désaccords sur les modalités de la relance économique. Le tout sur fond de possibles rivalités factionnelles, dont les premiers effets apparaissent, alors que, pour la première fois dans l’histoire de la République Populaire, la succession du pouvoir, prévue en 2012, ne recevra pas l’onction magique d’un vétéran de la révolution.

La stratégie politique proposée ne varie que très peu. Elle exhorte à la solidarité, à l’effort et au redressement moral, et navigue à vue entre la nécessité de conserver fermement le pouvoir et l’obligation d’ouverture et de souplesse, destinées à éviter que controverses politiques et tensions sociales ne dérapent. La recette reste la « démocratie interne », version modernisée du « centralisme démocratique », cher à Lénine, et toujours en vigueur au Parti Communiste Chinois, « avec la démocratie comme base et le centralisme comme guide ».

En clair cela signifie que les débats à l’intérieur du système sont autorisés et que les membres du Parti peuvent exprimer différentes opinions et contester les documents internes. Mais, dans l’état actuel de la politique en Chine, et en dépit des analyses exagérément optimistes sur les « progrès de la démocratie », le but du débat est toujours de parvenir à un consensus autour d’une conclusion fixée à l’avance. Pour dire les choses autrement, la « démocratie au sein du PCC » n’est qu’un moyen, tandis que le but ultime reste l’unité du Parti et son maintien au pouvoir.

Sans remettre en question son mandat à la tête du pays, le Parti confirme donc - mais ce n’est pas une surprise - qu’il compte continuer à gouverner par consensus interne, tout en améliorant - ce sont les termes du communiqué final du Plénum - le « mécanisme dynamique et compétitif de sélection et de promotion des cadres, basé sur le mérite », capable de désigner des élites politiques « jeunes, révolutionnaires et à fort potentiel professionnel », processus politique de sélection des cadres articulé autour de la « démocratie à la base », sur laquelle le Parti compte beaucoup pour injecter du « sang neuf » dans ses ressources humaines.

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Pour lutter contre la corruption, une nouvelle fois identifiée comme un défi majeur, aucune solution originale n’est proposée, en dehors de l’auto discipline, des efforts de formation et d’éducation, et « du renforcement de la lutte par des moyens institutionnels nouveaux », sans préciser lesquels. On parle de l’obligation faite aux cadres de publier leur fortune. Mais rien n’est officiel et il est probable que la mise en œuvre de cette contrainte sera difficile. On peut donc craindre que le problème persiste de manière endémique, sapant insidieusement la légitimité du Parti.

L’économie reste un souci puisque le Parti indique que la « reprise est fragile » et que ses fondements sont « déséquilibrés et instables ». Les efforts à venir porteront sur les économies d’énergie, la lutte contre la pollution, le rééquilibrage du développement entre les villes et les campagnes et entre les régions, et sur l’amélioration du niveau de vie des individus. Disant cela, la direction du régime remet à l’honneur les principaux objectifs du 17e Congrès, que la succession de crises traversées par la Chine avaient relégué au second plan. L’avenir dira si le pouvoir saura réduire ses coûts de fonctionnement exorbitants et résister à ses tendances - qui soulèvent nombre de critiques internes -, à privilégier l’aide aux grands groupes publics et à dédier une part importante de ses ressources aux grands travaux d’infrastructure, au détriment des investissements sociaux.

Une attention particulière sera accordée au traitement des crises menaçant la stabilité sociale. L’observation depuis plusieurs années des réactions de la force publique aux mouvements de foule protestataires indique une approche plus souple de la part de la police, de la Police Armée Populaire (PAP) et des juges, ayant reçu une formation spéciale. Mais les critiques qui fleurissent, y compris au sein du Parti, reprochent à la direction du régime d’accorder une priorité absolue à la stabilité politique et sociale, qui tue dans l’œuf toute spontanéité de la société civile et menace de provoquer une « dégénérescence du corps social ».

Quant aux troubles ethniques, on annonce qu’ils seront gérés par la « répression sans faiblesse des mouvements séparatistes », accompagnée de « vastes campagnes destinée à promouvoir le développement économique et social des minorités ». L’absence de références aux différences culturelles et à la nécessité de s’y ajuster, laisse augurer que les crises récurrentes pourraient continuer à secouer le pays. Sans compter que cette politique, sous estimant le poids des particularités locales, rencontre de fortes oppositions internes de la part de nombre d’intellectuel, y compris au sein du Parti.

L’issue sans surprises du Plénum a été émaillée de commentaires par nombre d’observateurs sur les prémisses d’une lutte de pouvoir, dont le premier indice serait la non nomination du Vice-président Xi Jinping à la Vice-présidence de la Commission Militaire Centrale (CMC). Si les arrières du successeur désigné en 2007 avaient été aussi solides que ceux de Hu Jintao, arrivé au pouvoir en 2002 par la grâce de l’onction de Deng Xiao Ping, mais nommé à la Vice-présidence de la CMC dès 1999, il aurait du - disent certains experts - accéder au poste de n°2 de la CMC cette année.

Les plus prudents soulignent cependant que le Parti n’ayant jamais réussi - ou jamais voulu - instituer un mécanisme constitutionnel de désignation des élites au sommet, cet indice pourrait bien être vide de sens. Rien n’indique en effet que Xi Jinping ne sera pas nommé dans les mois qui viennent ou même l’année prochaine. Il reste que pour la plupart des observateurs, le retard par rapport au processus observé lors de l’accession au pouvoir de Hu Jintao, suggère des rivalités internes, qui, pour certains, s’apparentent à un « processus démocratique ».

La réalité est peut-être moins sereine. En l’absence de l’adoubement d’un « héritier » par un vétéran révolutionnaire jouant le rôle d’arbitre suprême, la compétition devient mécaniquement plus âpre. Il est probable qu’elle ne fera que gagner en brutalité au cours des trois années qui séparent le pays du 18e Congrès. Ces développements rappellent que le pouvoir en Chine n’est pas un bloc monolithique et que les décisions sont souvent le produit des luttes internes, dont les effets ne percent que rarement la surface opaque du système.

Même si leur ampleur et leur férocité se sont beaucoup atténuées au fil de l’histoire, les rivalités politiques existent toujours, tout particulièrement lors des périodes de succession. Celles qui accompagneront l’accession au pouvoir suprême de la 5e génération de dirigeants communistes, qui s’étaient déjà manifestées de manière feutrée à l’occasion du 17e Congrès, viennent peut-être de gagner en intensité.

 

 

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