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›› Politique intérieure

Dalai Lama. Echec des négociations avec Pékin. Quel espoir ?

Cette semaine, la 9e série de pourparlers du cycle commencé en 2002, entre les envoyés du Dalai Lama et le gouvernement chinois, s’est terminée dans l’impasse. On ne voit pas en effet comment les positions très éloignées les unes des autres pourraient se rejoindre. Le Dalaï Lama, réaffirmant qu’il ne milite pas pour l’indépendance du Tibet et, se référant à la Constitution chinoise, réclame l’autonomie réelle du « Grand Tibet » qui regrouperait tout ou partie des provinces limitrophes peuplées de Tibétains (Gansu, Qinghai, Yunnan, Sichuan).

Fermeture politique et efforts de développement.

Quand on se souvient que Liu Xiabao vient d’être condamné à 11 ans de prison parce qu’en plus de la démocratie, il suggérait la mise en place d’un Etat fédéral (cette référence était mentionnée dans les attendus du jugement), on comprendra que la Direction chinoise, dont la culture politique est très fortement centralisée, n’est pas prête à accepter l’autonomie d’une aussi vaste partie de la Chine.

C’est en tous cas ce qui ressort de la déclaration du Du Qinglin, Président de la Commission du Front Uni au Comité Central du Parti : « Il ne s’agit pas de dévoyer la Constitution. Les idées de « Grand Tibet » et de « large autonomie » sont contraires à la Constitution. Les négociations ne pourront reprendre que si le Dalai Lama les abandonnait complètement ».

La brutale clarté de la position chinoise s’accompagne cependant de la publication par le gouvernement d’un plan massif de développement du Tibet, qui, selon les responsables, devrait permettre de mettre le PNB par habitant de la province au niveau des autres régions rurales de la Chine, dès 2020. La Chine consentirait en même temps un effort inédit d’infrastructures, destinées à mieux intégrer la région au reste de la Chine. Le plan ne dit cependant rien de la question religieuse et culturelle, qui se trouve pourtant à la racine des problèmes.

Son annonce coïncide avec la nomination au poste de gouverneur de la province (n°2 après le Secrétaire Général du Parti) d’un ancien militaire de l’ethnie tibétaine - Padma Choling 58 ans - bien connu de Hu Jintao. Sa nomination peut confirmer le souci de vigilance sécuritaire et la détermination de Pékin de plus se laisser surprendre.

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Spéculations sur les intentions du Parti.

On peut s’interroger sur les véritables intentions du Bureau Politique dans les négociations. A ce sujet deux visions courent dans les cercles de spécialistes de la politique intérieure chinoise. La première est celle d’une fermeture à toute évolution possible, sans esprit de recul, même à la marge, non seulement du statut du Tibet, mais également des méthodes de développement qui font peu de cas des particularismes culturels et religieux.

Dans cette hypothèse, les négociations acceptées par Pékin et les références faites aux « particularités tibétaines » dans le plan de rattrapage, ne seraient qu’un simulacre destiné à gagner du temps et apaiser les critiques occidentales, comme ce fut le cas des pourparlers en amont des JO pour éviter que la polémique ne perturbe leur déroulement.

La menace, qui était réelle tant la question de la culture tibétaine résonne de manière positive dans l’imaginaire occidental, avait été déjouée. La stratégie du simulacre permettrait également d’engager des négociations sur le seul point qui intéresse vraiment le Régime : les conditions du retour au Tibet du Dalai Lama, dont les responsables mesurent, en dépit de leurs rhétoriques agressives, à la fois l’influence modératrice et la ferveur qu’il inspire sur le Plateau.

Une autre hypothèse, moins manichéenne, spécule sur l’existence au sein du Parti d’une mouvance plus ouverte, réclamant plus d’attention aux différences culturelles. Elle souligne que les grands projets économiques ne suffiront pas à apaiser les tensions.

Cette mouvance s’est exprimée à plusieurs reprises depuis les émeutes au Tibet de mars 2008. Le 30 juillet 2009, Wang Yang, le gouverneur du Guangdong, proche de Hu Jintao : « nous devons réajuster nos politiques à l’égard des minorités. Si nous ne le faisons pas, nous aurons des problèmes. »

Déjà en 2008, plusieurs intellectuels, dont Zhang Boshu, membre de l’Académie des Sciences Sociales, avaient pointé du doigt les erreurs commises au Tibet par le Parti, à qui ils demandaient des comptes.

Hu Jintao, Wen Jiabao et les réformateurs

Plus encore, ces analyses avancent aussi qu’en 2002, Hu Jintao et Wen Jiabao, avait d’abord abordé la question tibétaine avec un à priori plus souple que certains de leurs pairs. A l’appui de cette thèse, on rappelle que les cercles rapprochés des deux hommes forts de la Chine avaient, par le passé, croisé ceux des réformateurs.

C’est en effet au milieu des années 80 que les positions de Pékin et de Lhassa se sont le plus rapprochées d’un accord sur l’autonomie. Cette ouverture s’exprimait sous l’égide de Hu Yaobang, secrétaire général du Parti, connu pour son ouverture d’esprit et sa clairvoyance, notamment sur la question tibétaine, dont Wen Jiabao, à l’époque âgé de 44 ans, était un proche collaborateur.

Le limogeage de Hu en 1987, et le drame de Tian An Men en 1989, déclenché par des rassemblements de jeunes honorant précisément la mémoire de Hu Yaobang, brutalement décédé, avaient brisé la dynamique.

Il n’est pas non plus inutile de rappeler que Hu Jintao a, dans sa jeunesse, directement bénéficié de l’appui de Hu Yaobang, dont les deux enfants étaient ses camarades à l’Ecole Centrale du Parti. Pour certains, le fait que le plan massif de développement (hôpitaux, écoles, infrastructures de transport, agriculture) ne concerne pas seulement l’actuelle province autonome, mais le « Grand Tibet », constitue une concession faite aux revendications des exilés.

De même, le fait qu’après la réunion de plusieurs centaines de hauts responsables, dont Hu Jintao et Wen, Jiabao, tenue à huis clos à Pékin du 18 au 20 janvier sur le développement du Tibet, le Parti se soit abstenu des habituelles invectives contre le Chef religieux tibétain, pourrait être un signe. Après les catastrophiques émeutes de mars 2008, le Bureau Politique, constatant l’échec des politiques antérieures, chercherait à explorer des voies nouvelles.

Ajoutons enfin que c’est le 18 novembre 2005, sous l’égide de Hu Jintao, qui fut également gouverneur du Tibet en 1989, où il instaura la loi martiale pour éviter la contagion des émeutes de Tian An Men, que le nom de Hu Yaobang, disparu en 1989, avait été à nouveau évoqué pour la première fois, lors d’une cérémonie commémorant le 90e anniversaire de sa naissance.

Aujourd’hui, le slogan lancé par le Parti pour accompagner le plan de développement de la région : « Développement selon les caractéristiques chinoises, mais en tenant compte des particularités du Tibet - Zhonguo Tese, Xizang Tedian - », résonne comme une référence aux idées du réformateur disparu il y a vingt ans.

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Le poids des radicalismes

Mais pour les plus pessimistes, la succession des réunions stériles depuis 2002 n’augure pas d’une évolution positive. Le durcissement actuel autour d’une politique de développement qui - en dépit des effets d’annonce - fait peu de place aux contrastes culturels et encore moins aux revendications du Dalai Lama, lui-même débordé par ses propres radicaux soucieux d’en découdre, laissent supposer que les partisans d’un compromis au sein de la Direction chinoise, se heurtent toujours à un double obstacle.

Le premier se dessine autour des radicaux du Parti, qui lient la question du Tibet à la sécurité nationale et à celle du PCC, et pour qui la moindre concession au Dalai Lama serait assimilée à une trahison. Leur voix est aujourd’hui encore très audible dans le paysage politique chinois. Le deuxième obstacle est constitué par les radicaux tibétains de Dharamsala, qui militent pour une action dure au Tibet, espérant que les désordres qui en suivront, induiront une évolution positive, dont leur mouvement pourrait finalement tirer profit.

Pour compléter ce dossier, Questionchine y ajoute l’appréciation, proposée par Lodi Gyari, Envoyé spécial du Dalai Lama pour cette série de pourparlers, de la manière dont se déroulent les négociations. Lodi Gyari réside à Washington, où il représente le Chef religieux tibétain en exil.

Datée du 10 décembre 2009, la déclaration réagit à une intervention publique de Zhu Weiqun, donnée au journal chinois Global Times (Huanqiu Shibao), dans laquelle le responsable chinois accusait le Dalai Lama de mentir quand il affirmait que la Direction chinoise savait, depuis les rencontres de février 2006, qu’il ne militait pas pour l’indépendance.

(Voir la déclaration de Lodi Gyari dans la rubrique « Lectures et opinions » du 4 février 2010).

 

 

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