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›› Editorial

Chine-Occident. Tensions ou apaisement ?

La tension reste forte entre la Chine et les Etats-Unis, sous les yeux de l’Union Européenne, elle-même partagée entre la nécessité de ne pas compromettre le marché de ses entreprises et la tentation d’emboîter le pas des raidissements américains. Il est vrai que les relations entre la Chine et ses partenaires occidentaux ont toujours traversé des turbulences. Mais cette fois, les effets de la crise mondiale limitent la marge de compromis de l’administration américaine, tandis que les premières conséquences des querelles de pouvoir en amont du 18e Congrès on tendance à figer le discours chinois dans une rhétorique sans concession.

Récemment, les irritations réciproques se sont encore exacerbées. Alors que le Président afghan Karzaï était en Chine, Pékin ne s’est pas joint au concert occidental condamnant la corruption des élites afghanes, tandis que Wu Bangguo, n°2 du régime, soulignait qu’il ne voyait aucune critique à formuler contre Kabul.

La visite de Karzai à Pékin avait lieu peu après les diatribes du Président Iranien qui, lors de son passage très médiatisée dans la capitale afghane, s’était insurgé contre la présence des forces de l’OTAN, dont, disait-il, « la seule efficacité était de tuer des civils innocents ». Une attaque directe contre les stratégies du Pentagone qui, de son côté dénonce « les ambiguïtés » de la politique chinoise en Afghanistan et en Iran, que, selon la Maison Blanche et ses alliés, Pékin s’ingénie à protéger contre les sanctions de la communauté internationale.

Les crispations sino-américaines se sont aggravées quand 130 parlementaires, faisant cause commune avec le prix Nobel d’économie, Paul Krugman, ont accusé la Chine d’avoir été, entre 2001 et 2008, à l’origine de la destruction de 2,5 millions emplois aux Etats-Unis et du quasi triplement du déficit commercial (230 milliards de dollars). La Chine est aussi directement mise sur la sellette dans un rapport de l’Institut de politique économique, qui la taxe de manipuler sa monnaie et de construire son avantage commercial sur la destruction de son environnement et l’abandon social de plusieurs dizaines de millions de travailleurs sans couverture médicale ni retraite. Le 26 mars, un groupe de parlementaires démocrates demandaient une nouvelle fois au Président Obama de prendre des mesures de représailles commerciales contre la Chine.

Après avoir loué la stratégie de relance de Pékin et sa sortie de crise rapide, les Etats-Unis et nombre de pays occidentaux pointent aujourd’hui du doigt le revers du rétablissement chinois, dont ils notent qu’il était assorti de mesures protectionnistes dénoncées par la Chambre de Commerce Américaine à Pékin et par plusieurs diplomates occidentaux. Enfin, pour ne rien arranger, les crispations se développent dans un contexte envenimé par l’affaire Google, dont le semi retrait à Hong Kong porte un sérieux coup à l’image de la Chine, et le procès télécommandé par le pouvoir, et partiellement fermé au public, des trois agents de Rio Tinto, accusés d’avoir accepté des pots de vin et d’avoir dérobé des informations industrielles confidentielles.

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A cette avalanche de critiques, souvent très dures, la Chine riposte par des messages de fermeté ou de conciliation, selon les sujets. Sur la manipulation du Yuan, où elle s’est toujours montrée soucieuse de ne pas céder aux pressions, et sur l’affaire Google, qui renvoie au contrôle des flux d’informations, vital pour le pouvoir du Parti, elle se raidit, refusant, au moins en apparence, tout compromis.

Les répliques de Pékin soutiennent que, depuis juillet 2005, la monnaie chinoise s’est appréciée de 21% par rapport au Dollar. Ce mouvement à la hausse, précise le Premier Ministre Wen Jiabao, a continué même pendant la crise, puisque la monnaie chinoise a été réévaluée de plus de 14% entre juin 2008 et février 2009, alors que les exportations baissaient de 16% et que l’excédent commercial de la Chine était amputé de plus de 100 milliards de dollars. Une affirmation contestée par les Occidentaux, pour qui la réévaluation du Yuan a été stoppée en juillet 2008.

Sur l’affaire Google, la réponse chinoise était clairement politique, et la décision de retrait du moteur de recherche américain jugée « erronée » par le Parti, qui, dans le même temps reléguait la controverse au rang de « cas commercial isolé ». Simultanément, Washington montait l’affaire en épingle. Dans la bouche de Mme Clinton, elle devenait en effet le symbole des différends politiques avec la Chine. En arrière plan, se profilait le vieux souci du Bureau Politique de maîtriser, quoi qu’il en coûte, y compris au prix de l’affaiblissement de son image extérieure, la stabilité sociale du pays, menacée par l’intrusion d’Internet.

Quant aux autres contentieux, ils étaient traités avec l’habituel pragmatisme, mêlant le ton conciliant et les efforts de pédagogie, vaguement teintés de cette classique mauvaise foi, qui sous tend les relations internationales et dont la Chine n’a pas l’apanage. Sur les mesures protectionnistes, bien réelles, durcies au printemps 2009, dont se plaignent les Occidentaux - complication des procédures d’enregistrement en Chine des produits étrangers, épidémies de mesures protectionnistes dans les provinces - Pékin répond que le système de certification, en vigueur depuis 2002, concerne aussi les produits chinois, et qu’il visait initialement à lutter contre les infractions aux standards de qualité.

Aujourd’hui, la règlementation touche plus d’une quarantaine de produits dont une vingtaine « high-tech » importés, souvent liés aux nouvelles technologies de l’information. Le durcissement a entraîné des protestations de plusieurs grands groupes américains, dont Microsoft, jusqu’à présent plutôt conciliant, en dépit des fréquentes atteintes au droit de propriété intellectuelle, dont il s’était accommodé jusqu’à présent.

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La Chine a entrepris de désamorcer les tensions, en amont de la visite officielle de Hu Jintao aux Etats-Unis prévue cette année. Mais elle s’y prend mal. Dans un article paru le 26 mars dans le Wall Street Journal, Zhong Shan, vice-ministre du commerce en visite de conciliation aux Etats-Unis, appelle à la trêve commerciale et promet une meilleure ouverture du marché chinois aux produits américains. Il appelle aussi à la rescousse le vieil argument des séductions chinoises sur les « stratégies gagnant-gagnant », peu susceptible d’apaiser les rancœurs des parlementaires américains, échauffés par leurs administrés.

Surtout le vice-ministre ne cède sur aucun des actuels sujets de friction (déficit commercial, réévaluation du Yuan, barrières non tarifaires), accuse les Etats-Unis de « containment » et réfute les chiffres du commerce extérieur, en proposant ceux des statistiques chinoises, qui diffèrent de ceux de l’US Census Bureau dans des proportions considérables. Pour Pékin, par exemple, les exportations américaines en Chine ont, en 2008, atteint 224,7 milliards de $, tandis que pour les Américains, elles se situent à moins de 70 milliards de $.

Dans le secteur de l’acier, crispé par une série de contentieux, le rameau d’olivier est venu de Rio Tinto, que le poids du marché chinois oblige à l’apaisement. En dépit du procès infligé à ses agents, le géant australien a en effet proposé à Chinalco des participations dans l’exploitation de deux de ses mines en Mongolie et en Guinée, avec, à la clé, un investissement chinois de près de 2 milliards de dollars.

Enfin, le dernier signe, assurément le plus à même d’apaiser les tensions avec Washington, sinon avec les hommes d’affaires et les parlementaires, est l’évolution discrète et encore très fragile de la position de Pékin sur la question iranienne. Ce glissement se lit en filigrane dans la presse chinoise. On y découvre les hésitations et les évolutions du régime, préoccupé de ses liens avec Téhéran, soucieux de stigmatiser l’interventionnisme de Washington et l’inflexibilité d’Israël, transgresseur avéré du TNP, mais jamais condamné. Au total, on y discerne également des indices qui traduisent la volonté de ne pas se laisser piéger par Téhéran, et le souci de ne pas trop creuser le fossé avec Washington.

Officiellement la posture de la Chine reste inchangée : « les sanctions sont contre productives ; seule la négociation permettra de résoudre le contentieux ». Une position fermement appuyée par le Quotidien du Peuple qui, fin février, attaquait de front les Etats-Unis et Israël dans un article signé Wang Nan, ancien correspondant du Quotidien au Pakistan. Sa conclusion : « sans la volonté d’apaisement de l’Occident et d’Israël, la question iranienne ne peut que s’aggraver ».

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Le Huanqiu Shibao - Global Times - est plus nuancé et, depuis peu, ses papiers évoluent vers plus d’ambiguïté. Il y a deux mois, on y défendait clairement la ligne officielle de l’opposition aux sanctions : « isoler la Chine est une manœuvre superficielle. Les pays occidentaux doivent comprendre le refus chinois des sanctions ». Mais, par la suite, les analyses ont été moins tranchées.

Le 19 mars on lisait par exemple cette conclusion de Ni Feng, chercheur à l’Académie des Sciences Sociales : « sur la question iranienne, la Chine a ses intérêts particuliers et ses principes. Mais elle ne défendra pas aveuglément l’Iran. Elle ne renoncera pas non plus à son point de vue. La Chine, dont la position est un devenue un enjeu, est aujourd’hui placée sous une forte pression internationale. Au point que la question devient un test pour la sagesse de la diplomatie chinoise ».

L’analyse, toute en demie teinte, marque une évolution, mais ne dévoile toujours rien des intentions chinoises. Elle fait cependant suite à plusieurs autres articles bien moins prudents. Le 20 février dernier le journal publiait les lignes suivantes, signées de Yin Gong, connu pour défendre le rapprochement avec Israël : « nous comprenons la quête de l’Iran pour une dissuasion nucléaire. La dissuasion chinoise est née sous la pression et dans l’adversité. Mais les temps ont changé. Pékin et Téhéran ont tous deux signé le TNP qu’ils doivent respecter. ». L’article était intitulé : « Si l’Iran ne fait pas de concessions, la situation ne peut que se terminer en tragédie ».

Il est vrai que ces évolutions dans les commentaires de la presse chinoise sont apparues après le remplacement à la tête de l’AIEA de l’Egyptien El Baradei, en froid avec Washington, par le Japonais Yukiya Amano, plus proche de la Maison Blanche. Dès février dernier, ce dernier jetait un pavé dans la mare nucléaire en affirmant « qu’il existait des doutes sur les activités passées ou présentes de l’Iran, liées à la possibilité de développement d’une arme nucléaire ».

De là à imaginer que, lors d’un prochain vote à l’ONU pour des sanctions contre l’Iran, Pékin placée sous les pressions conjointes de l’UE, des Etats-Unis et de l’AEIA, s’abstiendra, il n’y a qu’un pas. Il faudrait cependant qu’au sein du Bureau Politique et de la Commission Militaire Centrale naisse un consensus pour oublier, pendant un temps au moins- mais ce ne serait pas la première fois -, les ventes d’armes à Taiwan et la rencontre entre Obama et le Dalai Lama. Sait-on jamais.

Encore, est-il peu probable que cette concession chinoise puisse avoir un effet sur les querelles commerciales engluées dans l’impatience de hommes d’affaires américains, à la recherche d’un bouc émissaire et la rigidité du Parti, où les principaux prétendants à la succession, empêtrés dans le carcan des postures nationalistes, n’ont eux aussi qu’une marge de manœuvre limitée.

 

 

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