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›› Politique intérieure

Le Parti est-il prêt pour une plus grande ouverture politique ?

Il y a un peu plus d’une semaine, deux personnalités du Parti ont, presque en même temps et sur un ton inhabituellement vif, appelé le Parti à plus d’ouverture politique. Un compte rendu détaillé en anglais de ces attaques contre l’inertie politique du Parti a été publié par le site Asia Times on line (Article de Wu Zhong, directeur de la publication de Asia Times Chine).

Le premier franc-tireur est le général Liu Yazhou, 57 ans, gendre de l’ancien président Li Xiannian, aujourd’hui commissaire politique de l’Université de la Défense Nationale, responsable de la formation des élites militaires. Connu pour son franc-parler, le général s’est exprimé dans les colonnes d’un hebdomadaire de Hong Kong appartenant à la chaîne de télévision Phoenix TV, proche de Pékin.

Sa critique a d’abord ciblé les dérives mercantiles de la société et la corruption, véritable talon d’Achille du système, qui, selon lui discrédite également la Chine à l’étranger, notamment en Afrique, où, dit-il, « le mode d’action des sociétés est de corrompre les élites, tandis que les Africains commencent à détester le entreprises et le gouvernement chinois ».

Après quoi, il a indiqué que, sans réformes démocratiques, la Chine ne pourrait pas continuer longtemps sa trajectoire de croissance : « un système politique qui empêche ses citoyens de respirer librement et d’exprimer leur créativité et qui ne parvient pas à porter au pouvoir ceux qui sont le mieux placés pour le représenter, est voué à l’échec ».

Le deuxième coup de semonce est venu de Hu Xingdou, professeur d’économie à l’Institut de Technologie de Pékin, lui aussi préoccupé par les risques de crise politique grave. Dans une lettre ouverte au Président de la République, publiée sur son blog, intitulée : « la route chinoise vers le désastre. Comment en sortir », il dénonce la mort de la justice sociale, et affirme que la seule voie possible consisterait à réformer le système politique « pour rendre aux citoyens leurs droits constitutionnels et leurs libertés ».

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La charge cible d’abord les gouvernements locaux qui, « au prétexte de maintenir la stabilité et leur pouvoir, ainsi que leurs intérêts bien compris, privilégient le mensonge, la brutalité et l’enfermement abusif pour faire taire les journalistes et ceux qui expriment des idées différentes ». Il ajoute : « Le recul de la justice est le plus grave échec de l’actuelle administration ». Les attaques du professeur Hu visent également la confusion qui règne entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, entre le Parti et l’Etat et entre les hommes d’affaires et les responsables politiques.

Les idées du général Liu et celles du professeur Hu ont été largement diffusées en Chine, parmi la classe politique et sur le net. Elles indiquent au moins qu’au sein du Parti les éléments les plus libéraux sont impatients de la lenteur des réformes politiques. La virulence de leurs attaques est motivée par leur conviction que, faute d’un ajustement politique pour équilibrer les bouleversements économiques en cours, le pays connaîtra de violents conflits sociaux dont l’ampleur pourrait détruire les acquis des dernières décennies.

Il est difficile de dire quels seront les effets de ces critiques sur le bureau politique et la pérennité du système de gouvernement de la Chine, ni même si elles ne procèdent pas seulement de rivalités de clans en amont du 18e Congrès. Le moins qu’on puisse dire est que le contrôle du Parti sur la société n’a pas faibli.

Il est vrai que les critiques adressées aux cadres locaux sont tolérées, parfois même encouragées ; le ton de certains journaux d’investigation est aujourd’hui bien plus libre ; la corruption est dénoncée et brutalement sanctionnée ; de même, la démocratie dans les villages est en progrès.

Hors de la sphère économique, les réformes concernent surtout le fonctionnement de l’administration, l’efficacité de la police et ses rapports avec la population qu’on s’applique à corriger, la formation d’une vaste légion de cadres fidèles au Parti, possédant un bon niveau d’éducation, ainsi qu’une solide expérience de terrain et, surtout, suffisamment dévoués pour que la machine ne se grippe pas. Les plus dures critiques considèrent qu’il ne s’agit là que « d’accommodements d’ordre tactique », propre à tout système aux ascendances léninistes, destinés à garantir la survie du Parti.

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Mais la justice dont on tente d’améliorer les procédures, reste aux ordres du pouvoir, l’Assemblée Nationale Populaire, dont la liberté de critiques s’améliore à la marge, n’est encore qu’une chambre d’enregistrement de décisions prises ailleurs, et son pouvoir de pression et de remise en cause des politiques publiques est faible, tandis que la sélection des élites se fait toujours par cooptations successives aux différentes strates de l’administration.

L’objectif n’est pas de réformer le principe du rôle dirigeant du parti unique, mais d’améliorer l’aptitude collective du système à maintenir coûte que coûte la croissance, tout en s’adaptant avec le plus de souplesse possible, aux multiples « caractéristiques locales ».

Il est en effet urgent de répondre aux exigences croissantes de la société civile, notamment dans les domaines de la répartition des richesses, du confort de vie, du logement, de la santé, des retraites, de l’éducation et, dans une mesure, pour l’instant strictement contrôlée, de la liberté d’expression.

Le tout résumé par le concept de « développement scientifique », qui traduit l’effort de cohérence et de rationalité nécessaire pour résoudre ou contenir, le plus efficacement possible et sans menacer le Parti, toutes les contradictions de la société, avec comme idéal, l’objectif improbable de l’harmonie sociale.

Mais jamais l’entourage de Hu Jintao n’a évoqué clairement la probabilité d’une réforme politique de la portée de celle que réclament avec ardeur le Général Liu et le professeur Hu. Il n’est pas toujours pas question de remettre en cause la prééminence du Parti communiste, ni de séparer le Parti et L’Etat et encore moins de contester les décisions prises dans le secret du Comité permanent.

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EN BREF

Catastrophes climatiques

 

Après la sècheresse du printemps, le pays est aujourd’hui confronté à des inondations dévastatrices, dont l’ampleur, jamais vue depuis dix ans, a provoqué la rupture des digues de la rivière Bailu et des glissements de terrain en séries dans la région de Zhouqu (1300 km à l’ouest de Pékin, province du Gansu).

Dans cette zone, peuplée pour plus de la moitié de Tibétains et située dans la préfecture autonome du Gannan, au bord du plateau du Qinghai, 1117 personnes ont perdu la vie et plus de 600 autres ont disparu. Des associations chinoises de protection de l’environnement attribuent les catastrophes à la surexploitation des terres et à la déforestation.

Selon le Wall Street Journal, le 10 août, les communications internet qui polémiquaient sur ce thème ont été bloquées. Depuis le début de l’été, 28 provinces ont été touchées par les inondations, un million d’habitations ont été endommagées ou détruites et le gouvernement évalue les dommages à plus de 30 milliards de $.

Polémique autour de Wen Jiabao

Le quotidien japonais Asahi Shimbun rapporte que l’activiste des droits de l’homme Yu Jie a été placé sous surveillance en amont de la publication à Hong Kong d’un ouvrage sur le Premier Ministre : « Wen Jiabao, le meilleur comédien chinois ». Défendant le droit d’expression et de critiques, Yu Jie précise que la relation entre Wen Jiabao et Hu Jintao ressemble à celle entre Mao et Zhou Enlai. Il ajoute que, s’il est vrai que l’image de Wen Jiabao est positive, le Premier Ministre n’est en réalité pas différent des autres membres du Comité permanent.

Crispations militaires

Dans un article publié cette semaine par le Quotidien de l’armée, le Général Luo Yuan adopte un ton agressif pour revenir sur la controverse autour de manœuvres conjointes Séoul - Washington et sur les critiques américaines contre les revendications chinoises en Mer de Chine du Sud : « Les Etats-Unis repoussent les limites de leur zone d’intérêt stratégique jusqu’à nos portes : la Mer Jaune, la Mer de Chine du Sud (...)

Nous ne sommes les ennemis d’aucun pays, mais nous ne craignons pas ceux qui nous provoquent et ignorent nos intérêts vitaux ». Récemment le Pentagone avait tenu compte des critiques chinoises et annulé les manœuvres en Mer Jaune, pour les déplacer en Mer du Japon.

Porte-avions chinois

L’Asahi Shimbun rend compte de l’existence, confirmée par satellite, de deux terrains d’entraînement à l’appontage sur porte-avions, entièrement équipés, à Xingcheng, dans le Liaoning sur la côte Ouest du golfe de Bohai et à Xian. Bien que la construction de porte-avions chinois n’ait jamais été annoncée officiellement par la Chine, la Commission Militaire Centrale en a approuvé le principe en avril 2009.

Les appareils de l’APL destinés à l’aéronavale chinoise sont des Jian 15, copies de Sukhoi 33 russes, dont un exemplaire avait été acheté à l’Ukraine. Les actuelles controverses entre Washington et Pékin sur la souveraineté en Mer de Chine ne feront qu’accélérer la construction d’un premier porte-avions.

 

 

L’appareil fait l’impasse du 3e plénum. Décryptage

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