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›› Technologies - Energie

Terres rares. La face cachée du monopole chinois

La Chine vient de provoquer une controverse en réduisant ses exportations de terres rares et en incitant ses deux plus grosses compagnies minières du secteur, Baotou Steel Rare Earth High-Tech Co et Jiangxi Copper Corp, à relever le prix des minerais.

Les terres rares sont un groupe de 17 éléments chimiques (entre autres Praseodymium, Rubidium, Lanthanum, Cerium, Neodynium, Europium), utilisés dans des secteurs sensibles tels que l’aéronautique et l’industrie d’armement (notamment les aimants) ainsi que la fabrication d’équipements modernes comme les radars, les pots catalytiques, les téléphones portables, les MP3, les batteries pour véhicules électriques, les panneaux solaires, les éoliennes etc.

Le 8 juillet la Chine qui produit 95% des terres rares utilisées dans le monde et dispose des plus grosses réserves connues (estimées à 60 millions de tonnes par les services statistiques du ministère des ressources naturelles) annonçait qu’elle réduisait ses exportations de 72%. Selon le Ministère du Commerce, pour la deuxième moitié de 2010, le total des exportations sera limité à 7800 tonnes, contre 28 000 tonnes au cours du 2e semestre 2009.

Ce n’est pas la première fois que la Chine fait pression sur le secteur des terres rares. En 2006, Pékin avait déjà instauré des quotas pour enrayer la baisse des prix. Cette fois, elle agit à la fois sur les volumes exportés et sur les prix. Le 7 août dernier, le China Daily titrait : « Baotou Steel Rare Earth High-Tech Co et Jiangxi Copper Corp négocient pour harmoniser les prix des terres rares à l’échelon national. L’initiative - diligentée par l’Etat, (NDLR) - augmentera le poids de la Chine sur le marché mondial d’une ressource de haute valeur ».

Lancée il y a 20 ans, l’exploitation intensive, à faible coût de revient et sans souci de l’environnement, des gisements situés en Mongolie Intérieure (Bayan Obo - 700 km au Nord-ouest de Pékin -) et au Sichuan (Mianning - 300 km au Sud-ouest de Chengdu -), qui représentent plus de la moitié des réserves globales connues, a permis à la Chine de se placer en situation de monopole sur le marché mondial.

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Les terres rares, un atout chinois

En 1992, Deng Xiaoping lançait un slogan qui allait mettre en branle l’énergie des scientifiques chinois autour du secteur des terres rares : « Au Moyen Orient le pétrole, à la Chine, les terres rares ». L’impulsion venait de Xu Guangxian - Docteur en chimie de l’université de Columbia (1951), revenu en Chine après le déclenchement de la guerre de Corée - également connu pour ses recherches sur le nucléaire militaire chinois.

Peu après l’ouverture, un premier élan, focalisé sur les hautes technologies, baptisé Plan 863, dont les objectifs étaient de « s’efforcer de réaliser des percées dans les domaines technologiques liés à l’économie et la sécurité nationales », comportait déjà, grâce à Xu Giangxian et d’autres, un volet consacré aux terres rares. L’effort fut poursuivi et amplifié à partir de mars 1997, avec le plan 973, à ce jour, un des plus vastes programmes de recherche chinois.

Tentatives pour contrôler la production globale

Dans une première phase, la Chine réussit à dominer le marché mondial des aimants, multipliant sa production par 10 entre 1997 et 2007. Mais ses ambitions ne s’arrêtèrent pas là, puisqu’en 2005, elle tenta, par le biais de l’acquisition du pétrolier américain UNOCAL, de contrôler la société Molycorp, propriétaire et exploitant du plus grand gisement américain de terres rares à Mountain Pass en Californie.

L’offre de 18,5 milliards de $, faite par le pétrolier chinois CNOOC, aurait conféré à la Chine un contrôle total sur les principaux gisements mondiaux connus. Elle fut rejetée par le gouvernement américain.

En 2009, une autre tentative fut bloquée, cette fois, par les autorités australiennes qui repoussèrent l’offre d’un minéralier chinois de prendre le contrôle, en rachetant ses dettes pour la somme de 252 millions de $, de la compagnie australienne Lynas, exploitant le gisement de terres rares de Mount Weld, au Sud-ouest de l’Australie. Une société chinoise du Jiangsu a cependant réussi à racheter 25% des parts d’Arafura Resources Ltd., un autre exploitant de terres rares australien.

Hausse des prix, désordres et trafics

A ce jour, l’obsession de la Chine de prendre le contrôle des gisements de terres rares de la planète, alors qu’elle dispose de la majorité des réserves mondiales, oblige à s’interroger sur ses intentions réelles. A l’intérieur cette fièvre a provoqué d’importants effets pervers. Le secteur y est en effet en proie à la lèpre des trafics et à une frénésie d’exploitations illégales, provoquant de graves atteintes à l’environnement.

Selon China Business News, la hausse du prix des terres rares a entraîné une explosion des trafics, au point qu’en 2008, 20 000 tonnes auraient été exportées illégalement, ce qui représentait 18% du marché mondial et près de 60% des exportations officielles de la Chine. Le désordre, qui s’affranchit des règles de sécurité sanitaire et des principes élémentaires de protection de l’environnement, entraîne également de graves conséquences écologiques.

Graves pollutions....

Le processus d’extraction des terres rares est en effet compliqué, long et polluant. Les techniques traditionnelles de raffinage utilisent des produits chimiques à base d’acides et d’ammonium toxiques, dont la décharge par les mines dans les rivières n’avait jamais été règlementée. Plus encore, selon une note de Xu Guangxian, rédigée en 2005, l’extraction du thorium dans la région de Baotou a entraîné la contamination radiologique du Fleuve Jaune.

« A baotou, où près de 150 millions de personnes dépendent du fleuve pour leur approvisionnement en eau, tous les poissons sont morts (...) ; Des personnes âgées de 30 ans qui travaillaient près des mines sont mortes d’un cancer, probablement provoqué par une contamination radiologique ».

...et alarmes publiques

Depuis un an, le Conseil d’Etat a réagi. En 2009 il a en effet établi une règlementation spéciale pour contrôler les effluents des carrières de terres rares, en espérant que les contraintes imposées élimineront les exploitations vétustes et illégales, tout en incitant les autres à réduire la pollution. Cependant, tout porte à croire que les vieilles désinvoltures à l’égard de l’environnement seront difficiles à éliminer.

Quant aux trafics et à la surexploitation, également dénoncés par Xu - ce dernier estime qu’au rythme actuel, la Chine aura épuisé ses réserves dans 35 ans -, la solution passe par une très difficile restructuration du secteur et un accroissement drastique des contrôles.

Ailleurs, où on avait laissé se construire le monopole chinois sans trop réagir, essentiellement parce que les coûts de production des mines de Mongolie Intérieure étaient inférieurs de plus de 50% à ceux des exploitations américaines ou australiennes, on commence à organiser la riposte. Celle-ci sera facilitée par la montée des prix provoquée par les récentes mesures chinoises et l’utilisation croissante des terres rares dans l’industrie high-tech.

Réactions des concurrents

Aux Etats-Unis, Molycorp Minerals a lancé une offre publique de 478 millions de $ pour redémarrer le site de Mountain Pass et sa mine du désert de Mojave, fermés il y a huit ans. En Australie le minéralier Lynas modernise ses installations à Mount Weld. Au Japon, l’une des plus grandes bases industrielles au monde utilisant des terres rares, on bouge également. Des contacts ont été noués avec le Vietnam et des négociations sont en cours avec l’Australie.

Il reste que les délais nécessaires à la rénovation des anciennes exploitations et à leur mise en conformité avec les nouvelles règles écologiques ou à l’ouverture de nouvelles mines, pourraient retarder les réactions. Les perspectives du secteur, sans être dramatiques, seront peut-être tendues à moyen terme.

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EN BREF

Consommation d’énergie

A la fin juillet, l’Agence Internationale pour l’Energie annonçait que la Chine était devenue le premier consommateur mondial d’énergie devant les Etats-Unis. Une information rejetée par Pékin qui redoute aussi d’être montré du doigt comme le plus grand émetteur mondial de dioxyde de carbone.

En janvier dernier, le Conseil d’Etat affirmait qu’à la fin de l’année 2010, la Chine aurait réduit son intensité énergétique (consommation par point de PNB) de 20% - calculés à partir de 2005 -. Il n’est pas certain qu’elle réussira à atteindre ce but. Le mois dernier, la Banque de Chine a émis une directive demandant aux banques de cesser de financer les industries trop consommatrices en énergie.

Une vaste restructuration industrielle est en cours visant à éliminer les compagnies à trop fortes intensité énergétique. Le 8 août dernier, le Conseil d’Etat ordonnait la fermeture, pour la fin septembre de 2000 usines trop polluantes ou trop gourmandes en énergie, dans 18 secteurs, dont des cimenteries, des aciéries, des papeteries, des fonderies, et des teintureries.

Aéronautique. Chine - Etats-Unis

A la suite d’une JV signée à la mi-juillet avec AVIC et la Compagnie Commerciale chinoise d’Aéronautique (COMAC), créée en 2008 pour se démarquer de l’aéronautique militaire, General Electric fournira les équipements d’avionique du C919, concurrent de l’A 320 et du Boeing 737, dont le premier vol est prévu en 2014 et la mise en service en 2016. Par ailleurs, les systèmes hydrauliques, les systèmes de navigation et de communication, les roues et les freins seront fournis pas les sociétés américaines Eaton Corp, Rockwell Collins et Honeywell.

Comme l’ARJ 21, également construit en faisant appel à une quarantaine de fournisseurs américains ou européens, et dont le prototype a commencé ses tests et la certification aux Etats-Unis, le C919 s’inscrit dans les 16 priorités définies par le plan à long terme pour le développement des sciences et des technologies (2006 - 2020).

Supercalculateur chinois

Le 31 mai, on apprenait, lors de la Conférence Internationale sur les supercalculateurs de Hambourg, que la Chine avait mis au point un calculateur capable de réaliser 1000 trillions d’opérations par seconde. Cette performance lui permettait de prendre la 2e place du classement mondial des calculateurs, remis à jour tous les six mois. Le calculateur, dénommé Xingyun (Nébuleuse), équipé de microprocesseurs américains Intel et Nvidia, basé au centre de calculs de Shenzhen, arrive juste derrière le calculateur américain Cray Jaguar basé à Oak Ridge.

Les experts estiment que, d’ici la fin de l’année, les Chinois auront mis au point un calculateur entièrement équipé de puces chinoises, dont les performances lui permettraient de ravir la 1e place aux Américains. Avec 9% des capacités mondiales, la Chine arrive en 2e position, mais loin derrière les Etats-Unis qui cumulent 55% des capacités mondiales. Le champ d’application du calcul intensif va de l’aéronautique à la défense en passant par la climatologie, les prévisions sismiques, la prospection pétrolière, l’imagerie médicale, la prévention des risques, la finance etc.

Satellites météo

Le 8 août dernier, Yang Jun Directeur du Centre National de Satellites météo, annonçait qu’au cours des 10 prochaines années, la Chine lancerait 14 satellites météo. A partir de 2015, la série des satellites Feng Yun 3B sera remplacée par la série FY-4, dotée de meilleures capacités d’imagerie et de réaction en temps réel, lui permettant de mieux prévoir les catastrophes naturelles.

 

 

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