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›› Chronique

La Chine et quelques uns de ses voisins

Les relations de la Chine avec ses voisins sont souvent marquées par l’intérêt bien compris du commerce et des opportunités partagées, avec, en fond de tableau, l’inconfort d’une cohabitation tendue par les rivalités stratégiques ou les querelles de frontières.

Ces dernières sont avivées par le souci de Pékin de protéger ses revendications maritimes à l’Est, et d’ouvrir le pays vers l’Asie Centrale, la Mer d’Arabie et le golfe du Bengale, qui sont autant d’accès plus directs aux hydrocarbures du Moyen Orient. Parfois, comme avec la Corée du Nord ou le Pakistan, les relations sont aussi enkystées dans les arcanes compliquées du jeu stratégique régional.

Privilégiant le temps long et la stabilité qui favorisent ses influences, Pékin craint, par-dessus tout, les secousses qui brouilleraient son jeu, notamment en Corée du Nord, au Pakistan, au Myanmar et en Asie Centrale (lire "Où en est le nouveau Grand Jeu en Asie Centrale ?" QC, 29 avril 2010).

Entre la Chine et l’Inde, les relations s’améliorent, mais restent marquées par la méfiance et une prudente réserve, qui se traduisent par d’assez maigres relations commerciales (60 milliards de dollars, contre plus de 350 milliards entre la Chine et les Etats-Unis). Les querelles de frontières non résolues de l’Arunachal Pradesh et du Cachemire pèsent toujours après le bref conflit de 1962. Mais il y a plus.

Les Indiens, dont le pays n’est jamais que le n°2 des grands pays émergents, derrière la Chine, éprouvent rancœur et amertume d’être une puissance nucléaire non reconnue, que les Chinois regardent souvent de haut. La plupart d’entre eux considèrent d’ailleurs l’Inde comme un pays retardé et chaotique.

Parfois, le ressentiment ou les reproches, avivés par ces susceptibilités nationalistes, s’expriment directement dans la presse ou sur le net. Alors, resurgissent en vrac les méfiances à propos de la connivence entre Pékin et Islamabad, celles sur la question des frontières près des hauteurs glacées de l’Himalaya et le long du Cachemire, objet des lourds ressentiments indiens, nourris des craintes d’une annexion rampante des territoires contestés par la Chine.

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L’opposition indienne joue de ces méfiances pour accuser le pouvoir de faiblesse. Récemment, sur le site « project syndicate », Jaswant Singh, nationaliste intransigeant, coutumier des déclarations polémiques, ancien ministre des AE, des finances et de la Défense de l’Inde, membre de l’opposition, dénonçait la présence de 10 000 soldats chinois à la frontière (Col de Khunjerab) et le long de la route de Karakorum, reliant le Xinjiang au Pakistan.

Pour autant, Pékin avait dépêché ces troupes au Cachemire (7000 hommes du génie et des transmissions) pour aider les populations sinistrées par les récentes catastrophes et réparer les infrastructures, dont une partie avait été construite par les ingénieurs chinois eux-mêmes, pour relier le Xinjiang au Pakistan et à la Mer d’Arabie.

Aujourd’hui, la Chine pourrait bien tirer partie de sa maîtrise dans les ponts et chaussées pour étendre et prolonger sa présence dans la zone, non seulement au Cachemire pakistanais toujours sinistré, mais également dans la partie sud, contrôlée par l’Inde. Le 15 septembre dernier, le ministre indien en charge des infrastructures routières, de passage à Pékin, créait en effet la surprise en annonçant que son pays accueillerait des investissements chinois pour l’extension et la réparation du réseau autoroutier en Inde, y compris dans la zone de Jammu, au Cachemire indien.

Cette offre, qui prend l’opposition indienne à contrepied, tranche brutalement avec les attitudes de méfiance qui s’exprimaient jusqu’à présent par de sévères restrictions de visas imposées par l’Inde aux compagnies chinoises. Elle ouvre à la Chine la possibilité d’augmenter son influence dans les zones contestées, où les inondations et les glissements de terrain ont gravement endommagé les infrastructures.

Au Cachemire pakistanais, la Chine, également inquiète des risques de dérapage du pays vers l’islamisme radical, dispose déjà d’un réseau de contacts avec les fonctionnaires d’Islamabad, tandis que ses sociétés de construction commencent à dynamiser l’économie locale par leurs contrats de sous-traitance.

Si la proposition de l’Inde était suivie d’effet, les compagnies chinoises de construction y développeraient les mêmes stratégies d’influence, auxquelles les populations locales et les fonctionnaires, en quête de travail, de contrats et d’argent frais, ne peuvent résister.

Dans une zone en pleine effervescence, proche du bourbier afghan, l’enjeu et les défis sont de taille. S’il est vrai que son implication dans la zone conforte ses projets d’ouverture du grand Ouest chinois vers la Mer d’Arabie, Pékin devra rester à l’écart des violents troubles qui secouent la région. Depuis le 11 juin, en effet, 72 manifestants anti-indiens ont été abattus par les forces de police de New-Delhi dans la région de Srinagar, dans le sud Cachemire où New-Delhi voudrait impliquer les compagnies chinoises (AFP 13 septembre).

Elle devra aussi se défendre des accusations « d’annexion rampante » de ceux qui, en Inde et ailleurs, considèrent avec appréhension l’élargissement de l’influence chinoise dans la région.

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Avec Pyongyang, l’attitude de Pékin reste inflexiblement attachée à la préservation du Régime de Kim Jong Il ou de ses successeurs, en dépit des deux explosions nucléaires en 2006 et 2009, qui mirent le régime chinois en porte à faux et un terme au dialogue à 6 sur la dénucléarisation de la Corée du Nord.

Tout indique même que la position chinoise en faveur de la stabilité de son voisin s’est récemment durcie, créant à Séoul ressentiment et méfiance. Au cours de la deuxième moitié de 2009, après le deuxième test nucléaire, et alors même que Pékin s’était associé aux sanctions onusiennes, Kim Jong Il s’est rendu en Chine, juste avant la visite à Pyongyang du ministre de la défense Liang Guanglie, elle-même suivie, quatre mois plus tard, par celle du Premier Ministre Wen Jiabao.

Peu après, la Chine signait, par le biais d’une société de Dalian, un accord de leasing sur 10 ans des installations du port nord-coréen de Rajin. Enfin, lors du torpillage de la frégate sud-coréenne Cheonan, le 26 mars 2010, Pékin a clairement pris ses distances avec le rapport d’experts qui accusait Pyongyang.

Aujourd’hui, alors que de nombreux observateurs soulignent les risques liés à la transition, le Parti observe avec attention les prémisses politiques de la succession de Kim Jong Il qui devrait être assurée par son fils Kim Jong Oeun, récemment promu général en même temps que la propre sœur du « Cher dirigeant ». Cette situation conduira à une direction collégiale du Régime dont la première conséquence pourrait être la recrudescence des rivalités internes.

A Zhongnanhai, on est d’autant plus attentif aux évolutions en cours, qu’en cette période d’incertitude le Régime Nord-coréen est encore moins enclin aux concessions. Signe qu’à Pékin et Pyongyang on ne veut rien laisser au hasard, la chasse aux transfuges s’est considérablement durcie. Le journal Asahi Shimbun signale que l’appareil de sécurité chinois travaille étroitement avec la police secrète nord-coréenne, dont une centaine d’agents opèrent en Chine, en liaison avec la Police Armée pour traquer les fugitifs partout dans le pays.

Le resserrement des mailles du filet serait directement lié aux incertitudes de la transition. Les équipes de policiers sont déployées dans les régions du Yunnan, du Guangxi et dans la province de Canton sur la route du Vietnam du Laos ou de la Thaïlande, possibles destination des réfugiés. Le Shandong, destination privilégiée des investisseurs sud-coréens et patrie de nombreux Chinois d’origine coréenne, est également la cible des enquêteurs.

Bien qu’il n’existe que peu de statistiques officielles, on estime que plusieurs dizaines de milliers de Nord-coréens fuient leur pays chaque année et que près de 400 000 Coréens vivent clandestinement en Chine.

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Avec le Myanmar, c’est aussi le souci de la stabilité qui prévaut, assorti de ses intérêts bien compris liés au gaz birman, à l’accès au golfe du Bengale et à la construction du gazoduc et de l’oléoduc vers le Yunnan. (lire "Chine - Myanmar, le dilemme birman" QC, 5 septembre 2009).

C’est pourquoi, même si elle a aussi intérêt à l’amélioration de l’image du Régime birman, la Chine acceptera sans broncher les résultats des élections prévues le 7 novembre prochain, dont la plupart des analystes estiment qu’elles ne seront ni libres ni équitables.

Lors de la récente visite en Chine du chef de la junte Than Shwe, le porte parole du MAE chinois a en effet précisé : « La Chine espère que la communauté internationale apportera un soutien constructif aux élections au Myanmar et s’abstiendra de toute ingérence qui pourrait avoir un impact négatif sur les affaires intérieures du pays et sur la paix et la stabilité régionales ».

Mais au Myanmar, le jeu chinois, qui tente à la fois de préserver ses liens avec les milices locales et de gagner les faveurs du gouvernement central, n’est pas simple. Dans les zones limitrophes du Yunnan, les autorités locales chinoises sont parties prenantes au commerce transfrontalier et aux trafics, en liaison avec les groupes ethniques birmans, jadis soutenus par Mao, et eux-mêmes en conflit larvé avec les autorités centrales.

Depuis les échauffourées sur sa frontière, il y a un an, Pékin s’est investi pour créer les conditions d’un dialogue entre Naypyidaw et les groupes rebelles des zones frontières, tout en persuadant le gouvernement central de stopper ses offensives militaires. Au cours des 18 derniers mois, trois membres du Comité Permanent du Bureau Politique ont effectué le voyage à Naypyidaw pour renforcer les liens politiques et signer des contrats pour la construction de barrages et l’exploitation minière, faisant de la Chine le plus gros investisseur au Myanmar.

Les compagnies chinoises ont en effet augmenté de manière notable leurs investissements dans le secteur hydroélectrique et minier. Ces derniers viennent s’ajouter à plusieurs dizaines de projets déjà en cours dans ces deux secteurs depuis la fin des années 90.

Début juin, lors de son voyage au Myanmar, Wen Jiabao a, avec son homologue birman, présidé à la signature d’un accord pour un investissement de la société d’état NORINCO, principal fabricant et exportateur d’équipements militaires conventionnels chinois, en vue de participer à l’exploitation d’une mine de cuivre à Monywa, dans le riche centre minier du pays. La Chine était déjà présente sur le site de Monywa par le biais de la société China Nonferrous Metal Mining.Co.

C’est le 2e investissement d’envergure dans le secteur minier de NORINCO, déjà impliqué, dans un projet d’extraction de nickel dans l’état de Chin qui borde le golfe du Bengale, au travers de sa filiale Wanbao Mining. Co, associée à une compagnie minière listée à Hong Kong, mais propriété de la Zhijing Mining, appartenant, elle aussi, à l’Etat chinois. Selon le site internet de NORINCO, Wanbao est aussi impliquée dans un projet d’usine chimique avec China Tianchen Engineering Co., grâce à un prêt préférentiel accordé par la Chine au gouvernement birman.

Le 18 août dernier, Taiyuan Iron and Steel Group, 1er producteur mondial d’acier et la compagnie China Nonferrous Metal Mining se sont associés pour développer une mine de nickel dans la région de Tatkon, 50 km au Nord de la capitale. Cet investissement s’ajoute aux 800 millions de $ déjà engagés par la compagnie pour l’exploitation d’une autre mine de nickel à Tagaungtaung, dans le Nord du pays, à 150 km de la frontière chinoise, et dont les opérations d’extraction devraient commencer en 2011.

Il reste que la manœuvre de la junte, qui envisageait de transformer les milices rebelles en garde-frontières contrôlées par l’armée a échoué, tandis que l’influence de Pékin dans le pays se heurte à quelques raidissements de la population de plus en plus hostile à l’exploitation des ressources naturelles, dont l’impact sur l’environnement et la vie des ruraux soulève des protestations. Selon International Crisis Group, certains observateurs lient l’attentat d’avril 2010 contre le projet de centrale hydraulique de Myitsone, dans l’état de Kachin, à des groupes dissidents mécontents de la présence chinoise.

Il est aussi avéré que certains groupes rebelles considèrent que les grands projets chinois dans les zones frontières, notamment dans l’état de Kachin, riche en ressources minières, sont un appui direct à la politique de mise au pas des milices par le gouvernement central.

Enfin, l’investissement chinois dans la mine de Monywa, piloté par le fabricant d’armes NORINCO, principal fournisseur d’équipements militaires au Pakistan et au Myanmar, ajoute à une récente controverse internationale, déclenchée par l’ONG Earth Rights International qui implique la société canadienne Ivanohe Mining.

Cette dernière liée, entre autres, au secteur minier et de l’énergie chinois, jusqu’à présent principal opérateur de la mine de Monywa, est accusée de faciliter le détournement, au profit de la junte, des bénéfices miniers vers une banque black-listée par le gouvernement américain basée à Singapour et dont les ramifications renvoient, entre autres, à une banque de Chinois d’outre mer.

La polémique qui enfle depuis quelques mois, se développe au milieu d’insistantes rumeurs venant, entre autres, des milieux du renseignement américains, sur les risques d’une possible « nucléarisation » du Myanmar. Cette crainte est aujourd’hui relayée publiquement par le Congrès des Etats-Unis qui souligne les liens de la junte avec la Corée du Nord.

 

 

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