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Chine-Russie, inquiétudes autour d’un authentique partenariat stratégique

Du 23 au 25 janvier dernier, à Moscou, la Chine et la Russie ont tenu leur Conférence bilatérale annuelle sur les questions stratégiques et de sécurité. C’était la 5e édition du dialogue depuis 2005, année de sa création. La perspective historique depuis la fin des années 80 offre l’image d’une amélioration constante des relations sino-russes.

Ces dernières sont marquées par la normalisation historique de 1989, suivie par la création, en 1996, du Groupe de Shanghai (devenu en 2001 l’Organisation de Coopération de Shanghai - OCS -), dont la zone d’application est la région riche en hydrocarbures d’Asie Centrale, également traversée par des tensions politiques récurrentes, des courants islamistes radicaux et des trafics de drogue.

Le rapprochement s’est poursuivi en 2001 par la signature du très médiatisé traité d’amitié et de coopération et, enfin, en 2005, par l’établissement du partenariat stratégique. S’il est parfois galvaudé dans certaines relations internationales, le terme « stratégique » s’applique en revanche sans conteste à la relation sino-russe.

Déjà, le traité de 2001 couvrait un vaste champ de sujets d’importance cruciale, allant de la livraison de gaz et de pétrole à la Chine à la coopération des deux pays contre la menace terroriste en Asie Centrale, en passant par les ventes d’armes et les transferts de technologies à l’APL. Dans cet inventaire, les actions concertées pour lutter contre « la politique de puissance et l’hégémonisme américains » tenaient une place de choix.

Le volet « anti-américain » du rapprochement sino-russe avait été amplement exprimé par Jiang Zemin tout au long de son mandat. A partir de 1992, la rhétorique chinoise a retrouvé celle des Russes pour dénoncer les menées de l’OTAN - et de ses « opérations spéciales » - dans les Balkans et l’ancienne Europe de l’Est (bases militaires américaines en Roumanie et Bulgarie), en Ukraine, en Géorgie et sur les marches occidentales de l’ancienne URSS, puis en Asie Centrale.

Clairement, Pékin et Moscou estimaient conjointement, non sans raisons, que la stratégie américaine était de « repousser l’influence russe dans ses frontières historiques et de contenir la Chine » - « Roll back Russia and contain China ».

Connivence anti-américaine et manœuvres militaires

A ces motifs de connivence stratégique sino-russe, il convient encore d’ajouter la distance que Pékin et Moscou affichent régulièrement à l’égard des positions occidentales sur la question du nucléaire iranien et leur méfiance envers les projets de bouclier anti-missiles américains en Asie et en Europe. (Lire notre article).

Tel est le fond de tableau des manœuvres militaires sino-russes commencées dès 1999 (éléments de la Flotte russe du Pacifique et de la Flotte de l’Est chinoise) qui connurent une sorte d’apogée à partir de 2005 avec le premier exercice aéroterrestre international de grande ampleur jamais conduit par l’APL sur son propre sol. (Lire notre article).

Sous des prétextes divers et des noms ambigus, toutes les manœuvres qui suivirent avaient comme objectif de contrebalancer l’activisme militaire américain en Asie de l’Est, sur les marches de l’ancienne URSS et en Asie Centrale. D’autres exercices eurent en effet lieu par la suite chaque année, en mer du Japon, en Sibérie, en Mandchourie ou en Asie Centrale.

Simultanément les ventes d’armes russes à la Chine, commencées dès 1989 et accélérées par l’embargo occidental, fournissaient à l’APL les principaux équipements de sa modernisation rapide (Avions de combat - entre 550 et 600 avions de combat modernes SU 27 et SU 30 MKK - hélicoptères Kamov anti-sous-marins, missiles anti-aériens S-300, sous-marins Kilo, 4 destroyers Sovremenny équipés de missiles antinavires, achetés en 1997 et 2002 etc.).

Il reste que les situations ne sont pas univoques ou figées par l’idéologie comme durant la guerre froide. En dépit des méfiances décrites plus haut, Moscou, qui constate le poids grandissant de la Chine dans ses affaires, garde au feu ses relations avec l’Ouest et l’Union européenne vers qui sont dirigées 67% de ses exportations de gaz.

Parallèlement au dialogue stratégique avec la Chine, la Russie en conduit en effet d’autres avec l’OTAN et les États-Unis, sur la sécurité du continent européen et la défense antimissiles. Même s’ils sont heurtés et laborieux, ils n’en constituent pas moins un contrepoids au rapprochement avec Pékin et, au minimum, une marge de manœuvre pour Moscou.

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Les fragilités du partenariat stratégique

S’il est une relation déséquilibrée, c’est bien celle entre la Chine et la Russie. Leurs échanges commerciaux, même s’ils ont été multipliés par dix depuis 2001, restent modestes (entre 60 et 70 Mds de $). Quoiqu’en disent les communiqués officiels, ils sont en grande partie à sens unique, articulés autour de livraisons de gaz, de pétrole et d’équipements militaires - ces dernières étant souvent freinées par les réticences russes.

Et quand les échanges se diversifient, ils restent tout de même orientés autour du secteur de l’énergie.

Le poids des ressources primaires

En septembre 2010, la Chine a accordé un prêt de 6 Mds de $ en échange d’exportation de charbon vers la Chine pour une durée de 25 ans ; lors de sa dernière visite en Chine, fin septembre 2010, le Président Medvedev a promis que la Russie construirait 2 nouvelles centrales nucléaires dans la région de Shanghai, tandis que la Chine devrait construire un générateur de vapeur dans la région de Yaroslavl.

Mais la principale nouvelle des relations bilatérales reste la mise en service, le 2 janvier dernier, du premier oléoduc reliant l’est de la Sibérie au Nord-est de la Chine, dont la capacité annuelle est de 15 millions de tonnes. Le coût du projet s’élève à 25 Mds de $ en partie financé par des prêts chinois.

En revanche les deux pays ne sont pas tombés d’accord sur le prix du gaz acheminé par un gazoduc aujourd’hui en construction, qui doit relier l’ouest de la Sibérie au Xinjiang par les Monts Altaï (capacité : 30Mds de m3 annuels, coût total du projet 16 Mds de $).

La puissance financière et démographique chinoise

Quant aux perspectives d’exportations de produits manufacturés russes vers la Chine, elles sont handicapées par la vétusté de l’appareil industriel et se heurtent à la compétitivité chinoise, tandis que les dettes des grands conglomérats d’état, résultats des nationalisations de la période Putin, constituent une fragilité face à la puissance financière chinoise aux aguets.

Déjà le fonds souverain chinois a manifesté son intention de racheter tout ou partie des 10 Mds d’actions mises sur la marché pour le programme de privatisation décidé l’année dernière par le ministre des finances Alexei Kudrin.

En Russie, de nombreux experts mettent depuis longtemps en garde contre le déséquilibre démographique entre la Sibérie et la Mandchourie limitrophe (seulement 8 millions de Russes vivent entre le lac Baïkal et le Pacifique, contre 200 millions de Chinois dans le Nord-est), tandis que la connivence sino-russe en Asie Centrale est déjà menacée par les luttes d’influence et la concurrence pour l’exploitation des ressources énergétiques.

Soucieuse de diversifier des sources d’approvisionnement, la Chine y développe un réseau de plus en plus dense de voies ferrées et de gazoducs.

Enfin, s’il est vrai que les deux pays partagent un fort sentiment de méfiance envers les États-Unis, force est de constater que Washington reste, pour Moscou comme pour Pékin, le point focal de leurs relations stratégiques.

Un tiers des réponses du Vice-ministre des Affaires étrangères Dai Binguo à des journalistes chinois et russes, qui l’interrogeaient sur le contenu du dialogue stratégique sino-russe du mois de janvier, portaient sur les relations de Moscou et de Pékin avec la Maison Blanche.

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En bref.

Données Chiffrées Chine , Russie.

Superficie : Chine : 9,6 Millions de km2 ; Russie : 17 millions de km2
Population : Chine : 1,341 Md ; Russie : 142 Millions.
PNB : Chine : 5000 Mds de $ ; Russie 1200 Mds de $
PNB / hab (PPA) : Chine : 6500 $ ; Russie : 19 000 $.
Exports : Chine : 1500 Mds de $ (n°1 mondial) ; Russie : 376 Mds de $ (13e rang mondial)
Croissance : Chine : 10% ; Russie : 3,8%
Développement humain : Chine : 0,663 (89e rang) ; Russie : 0,719 (65e rang).

Chine - Inde. Lors du dernier voyage de Wen Jiabao en Inde, en décembre 2010, l’ambiance politique en marge des contrats d’affaires n’était pas bonne. La Chine s’est jusqu’à présent abstenue d’appuyer les efforts de New Delhi pour un siège de membre permanent et n’a pas condamné les incursions terroristes en Inde depuis le territoire pakistanais. Elle n’a pas non plus répondu aux craintes indiennes sur la présence chinoise au Cachemire occupé par le Pakistan. New Delhi a, pour sa part, refusé de sacrifier à l’exercice obligé de la « reconnaissance d’une seule Chine », auquel Pékin accorde une importance capitale.

Ces tensions sous jacentes se manifestent en ce moment de manière inattendue au travers des craintes des services secrets de New-Delhi d’une infiltration des réfugiés tibétains par des agents chinois.

Les suspicions se cristallisent autour de la personnalité de Ogyen Trinley Dorje, réincarnation du 17e Karmapa, troisième dans l’ordre hiérarchique du Bouddhisme lamaïque, réfugié en Inde en 2000 à l’âge de 14 ans, après que la police indienne aurait découvert dans son entourage d’importantes sommes d’argent en monnaie chinoise. Le journal conservateur The Tribune, publiait récemment un éditorial au titre provocateur : « Moine ou complot chinois ? ».

La controverse fragilise la position du Dalai Lama et de son groupe en Inde sur fond de menaces sécuritaires et de crispations antichinoises. Ces dernières s’alimentent des accusations de manœuvres de Pékin pour annexer les territoires contestés et de plusieurs affaires d’intrusions de hackers chinois dans les ordinateurs du gouvernement Indien.
Les Tibétains réfugiés en Inde soutiennent le 17e Karmapa, qui pourrait prendre la tête des exilés après la mort du Dalai Lama. Beaucoup anticipent que la disparition de ce dernier pourrait provoquer un éclatement du mouvement tibétain en exil, que certains songent à radicaliser, tournant le dos à la ligne non violente du Dalai Lama.

Péninsule coréenne : Alors que les deux Corée ont, sous la pression de Washington et de Pékin, repris contact à un niveau subalterne, l’agence de renseignement sud-coréenne fait état de la présence en Corée du Nord d’éléments des forces spéciales chinoises. L’information a été démentie par la Chine. L’hypothèse du retour de ce type d’unité de l’APL en Corée du Nord, d’où elles étaient absentes depuis 1994, entraîne des spéculations sur des risques d’instabilité dus à la transition. Dans ce contexte les forces spéciales chinoises auraient pour mission de protéger les ressortissants et les intérêts chinois dans la région de Rason sur la façade Est du pays qui borde la mer du Japon, où sont concentrés une partie des affaires et des investissements chinois.

 

 

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