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›› Lectures et opinions

La Chine va changer de moteur

Aujourd’hui les nuages s’accumulent au-dessus de l’économie chinoise. Ce qu’il faut comprendre c’est que toute la stratégie de puissance et de pouvoir du pays s’est bâtie sur une démarche mercantiliste nécessitant l’accumulation d’excédents commerciaux colossaux. Pourtant, un à un, les voyants virent au rouge.

Les prix des matières premières s’envolent, l’inflation, notamment alimentaire, dérape, la compétitivité s’érode et les bulles, en particulière immobilière, s’accumulent, contraignant les autorités à intervenir pour tenter de refroidir l’économie.

En façade, pourtant, la vitrine est alléchante. L’an passé, la croissance du PIB a atteint les 10% après un ralentissement presque imperceptible en 2009. Et pour cette année, malgré les remous internationaux et les catastrophes environnantes, nous continuons d’attendre une croissance de l’ordre de 9,5%. Cette progression à haute vitesse est liée bien entendu à la bonne tenue de l’investissement, mais aussi du commerce extérieur.

L’an passé, la Chine a même délogé les Etats-Unis de sa première place mondiale pour le volume de production manufacturière. Bien entendu, les modes de production sont radicalement différents. Pour une production manufacturière comparable, il faut 8 fois plus d’employés en Chine qu’aux Etats-Unis.

La valeur ajoutée de la production est également radicalement différente. Pour un Iphone « Assembled in China », dont le coût est estimé à 189 dollars, seuls 6,5 dollars reviennent in fine à la Chine. Une misère.

Ce positionnement sur une industrie d’entrée de gamme et très intensive en main d’œuvre, a porté un temps la croissance chinoise. Elle l’a même propulsé très haut. Mais ce positionnement sectoriel semble aujourd’hui avoir fait long feu. Les autorités chinoises auront pourtant tout fait pour que le yuan reste sous-évalué.

Hors de question de voir s’éroder par ce biais la compétitivité des produits Made in China, au risque de s’attirer les foudres de ses « partenaires » commerciaux, Washington en tête. Le retour de bâton à été cinglant.

Avec ses programmes d’assouplissement quantitatifs, autrement dit en faisant tourner massivement la planche à billets, la réserve fédérale américaine a réussi le coup parfait en écornant sérieusement la compétitivité chinoise.

Le déferlement de liquidités dans l’économie internationale s’est en effet rapidement traduit par un dérapage des cours des grandes matières premières. Immédiatement la Chine a été confrontée à une hausse de ses coûts de production et des prix des produits alimentaires, qui constituent une part déterminante du panier de la ménagère.

L’effet a été immédiat : de 3% à la mi-2010, l’inflation officielle est aujourd’hui passée à 4,9%, soit 1 point de plus que l’objectif officiel. Le risque, dans ces circonstances est de mécontenter une population déjà soucieuse de son pouvoir d’achat.

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Doit-on dès lors s’étonner que l’Etat chinois ait dépensé plus l’année dernière pour assurer sa sécurité intérieure que pour sa défense extérieure ? Les autorités ont également dû accorder des hausses de salaires minimum de l’ordre de 20% dans la plupart des provinces. Cette hausse du coût du travail, l’un des avantages comparatifs majeurs de la Chine, constitue tout autant une atteinte à la compétitivité qu’une appréciation nominale du yuan.

Bien sûr, ce n’est pas pour autant que l’industrie américaine ou européenne peuvent désormais rivaliser avec les coûts chinois. Mais cela peut avoir un impact en termes de sourcing. Dans un secteur comme l’habillement, certains groupes occidentaux commencent à s’approvisionner au Vietnam, au Maghreb ou encore en Europe de l’Est sur fond de renchérissement conjoint des cours du coton et du pétrole.

Des coûts qui dérapent, le prix du transport international qui va forcément continuer de s’accroître, tout indique que la Chine devra changer quelque chose à son modèle économique.

La stratégie mercantiliste fondamentale reste la même : engranger les excédents commerciaux. Mais le positionnement sectoriel doit obligatoirement évoluer pour s’adapter aux contraintes du marché international. Cette nouvelle tactique passe par une montée en gamme de la production chinoise vers des biens d’équipement à plus forte valeur ajoutée, à l’image de l’Allemagne ou du Japon.

Et la Chine a bien d’autres atouts à faire valoir en ce qu’elle peut compter sur l’incroyable envergure et dynamisme de son marché intérieur. C’est plus facile d’être compétitif à l’export quand son marché domestique est déjà immense et permet de réaliser des économies d’échelle.

Et puis, comment ne pas prendre en compte l’appui considérable des autorités chinoises qui mettront tout en œuvre pour s’assurer de la réussite de leurs nouveaux géants ? Prenons un exemple : celui de l’industrie ferroviaire.

En France on connaît notre champion national, Alstom. On redoute son concurrent allemand, Siemens ou le challenger canadien, Bombardier. Mais que sait-on du Chinois CSR ? Sait-on qu’il a bénéficié de transferts de technologies massifs, qu’il a des accords avec l’Américain GE ? Sait-on que son chiffre d’affaires a plus que doublé au cours des 5 dernières années ? Sait-on enfin que le marché du rail à haute vitesse, à très fort contenu technologique, bénéficie du soutien sans failles de Pékin ? Déjà la Chine compte 4 200 kilomètres de ligne à haute vitesse, soit deux fois plus que la France, pionnière du genre.

D’ici 15 ans, il est déjà acté que ce chiffre aura été multiplié par trois. Cette expérience, cette envergure, permettent déjà à CSR de se porter candidate à des appels d’offre à l’international, comme ce fut le cas avec GE en Californie et en Floride. Aujourd’hui, le pari du ferroviaire est en passe d’être relevé dans l’Empire du Milieu.

Et rien n’indique que cela ne va pas être encore le cas dans l’aéronautique, où les groupes locaux commencent à s’affirmer et souhaitent se poser en concurrents sérieux d’Airbus et de Boeing.

C’est sans doute aujourd’hui à un basculement que nous sommes en train d’assister. Non pas tant de la stratégie fondamentale de la Chine. L’économie sera dynamisée pendant quelques années encore par l’investissement et le commerce extérieur. Mais nous sommes arrivés à la fin d’une période où l’industrie chinoise était sous-traitante de grands donneurs d’ordre occidentaux et se positionnait essentiellement sur l’entrée de gamme.

Désormais, pour poursuivre sa stratégie mercantiliste, la Chine se doit de modifier sa tactique. Place désormais à un positionnement sectoriel, plus haut de gamme, le seul à même de contourner le triple handicap de la hausse des coûts salariaux, des matières premières et du transport. Et c’est un défi de plus qui est lancé aux économies occidentale et japonaise pour résister à cette nouvelle concurrence.

La vidéo de cette intervention peut être visionnée sur le site de XERFI.

 

 

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