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›› Chronique

Kangbashi. Dommage collatéral de la crise immobilière

Les Ordos c’est déjà la steppe de Mongolie intérieure avec ses vastes étendues battues par les vents où même les montagnes ne parviennent pas à cloisonner l’espace.

Une ville fantôme ultra moderne.

C’est dans cette région ouverte aux vents nomades, à 600 km à vol d’oiseau à l’ouest de Pékin, que la bureaucratie locale a érigé une ville extraordinaire, aux larges avenues désertes richement éclairées, parsemée de monuments, dont le style navigue entre le néo-mongol inspiré de Gengis Khan, mâtiné de réminiscences staliniennes et les essais architecturaux d’avant-garde qui renvoient tantôt aux influences de la steppe comme ces murs ocres de l’opéra aux sommets crénelés, décorés de motifs géométriques entrecroisés, ou au modernisme le plus insolite, comme le musée en forme de calebasse et la bibliothèque, dont deux bâtiments sur trois penchent comme la tour de Pise.

Le site, baptisé Kangbashi qui fait administrativement partie de la ville d’Ordos, située à 35 km, fut érigé par les fonctionnaires à partir des vastes revenus du charbon – le PNB par habitant de la région y est supérieur à 20 000 $, soit trois fois celui du reste du pays - . Dans leur esprit la nouvelle ville devait être un symbole du futur de la Chine postmoderne, après la relocalisation des bâtiments administratifs autour de trois réservoirs d’eau, dans le contexte général de l’avancée inexorable du désert.

En six ans, 17 Mds de RMB (2 Mds d’€) d’argent public ont été engloutis dans cette aventure urbaine et architecturale extravagante qui offre toutes les catégories de logement, de la villa de luxe dans des résidences fermées protégées par des caméras et des vigiles, aux ensembles bétonnés pour clients moins fortunés. Le tout parsemé de bâtiments administratifs aux allures de vaisseau spatial, de librairies, de théâtres, et de quelques tours ultra modernes qui semblent directement importées de Dubai.

Mais, en 2010 la ville devint mondialement célèbre, non pas à cause de sa modernité arrogante, mais par le truchement d’un reportage de Times Magazine qui la décrivait comme une « ville fantôme, où les balayeurs de rues étaient plus nombreux que les passants ». Conçue pour accueillir 1 million d’habitants, elle n’en comptait que 28 000.

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Une alarme inquiétante pour le marché immobilier.

Les raisons de l’échec sont multiples. Elles vont du manque de services médicaux et d’hôpitaux, au déficit d’écoles en passant par la mauvaise connexion internet, l’absence du câble TV ou la rareté des distractions culturelles. Surtout, le projet s’est enlisé dans ses propres sables mouvants de la spéculation immobilière qui fit monter les prix à une vitesse vertigineuse au rythme de 50% par an. Comme le dit un témoin, ouvrier du bâtiment venu du Shandong, « Il n’y a personne. La ville ressemble à une vaste publicité immobilière. »

Aujourd’hui, au vent froid de la steppe s’ajoute celui de l’inquiétude face à la chute des prix immobiliers et de l’angoisse, pour les cadres locaux responsables du projet, d’être désignés comme des fonctionnaires corrompus ayant dilapidé l’argent public. Selon les agences immobilières, les prix ont baissé de 60%, tandis qu’ailleurs on se demande si la secousse n’annonce pas des craquements plus graves, pouvant déclencher des mouvements de panique.

Le Premier Ministre a promis de tenir fermement la barre des prix immobiliers, malgré le récent relâchement du contrôle monétaire. Mais à Ordos, les prix sont déjà tombés au-dessous de la cote d’alerte en quelques mois. Presque partout en Chine l’immobilier ralentit ou baisse, avec une accélération importante à Pékin, Shanghai, Canton et Shenzhen.

Avec un schéma politico-économique qui lie le dynamisme du marché immobilier aux revenus des provinces et des municipalités, dont beaucoup sont endettées, Pékin craint désormais une contagion vers les banques qui, lors de la crise, avaient protégé les budgets des administrations provinciales de la faillite.

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En bref.

• Perspectives macro-économique 2012.

Selon une enquête diligentée par Xinhua et China Daily, auprès de plusieurs économistes chinois, l’année 2012 sera marquée par un ralentissement de la croissance estimée à 8,5% ; les prix immobiliers pourraient continuer à baisser avec quelques faillites de sociétés immobilières qui avaient trop misé sur la spéculation. Mais les projets de logements sociaux – 10 millions d’unités à construire d’ici la fin 2012 - contribueront à maintenir l’activité du secteur de la construction. Le recul de l’inflation redonnera de nouvelles marges au gouvernement.

La crise européenne induira une baisse des exportations et un rééquilibrage de la balance commerciale. Dans l’immédiat, un déficit est cependant improbable, même s’il faut l’envisager à moyen terme.

La monnaie chinoise continuera à s’apprécier et pourrait se négocier à 6,25 pour 1 $ à la fin de l’année pour atteindre 6 $ fin 2012. Cependant les fuites de capitaux enregistrées ces derniers mois traduisent une baisse de la confiance des investisseurs due à l’accumulation des dettes des provinces. L’évasion de capitaux induira un ralentissement de la hausse de la monnaie chinoise et, si les problèmes financiers ne sont pas réglés, une inversion de la tendance.

Le desserrement des contrôles monétaires et la baisse des prix des matières premières redonneront un peu d’air à la bourse chinoise, améliorant la circulation des capitaux. Mais la volatilité des cours exprime un déficit de confiance des investisseurs qui est une tendance profonde. Il est probable que l’apaisement du au relâchement des contrôles ne durera pas. Les profits des groupes industriels resteront faibles.

S’il est vrai que le flot des investissements venant des Etats-Unis et d’Europe a baissé en 2011, le marché chinois restera cependant attractif. Toutefois, si la Chine veut attirer les investissements étrangers dans les services, elle devra réduire les obstacles qui handicapent le secteur.

20% des gouvernements locaux ont enregistré des dettes dépassant 100%. Des faillites sont à craindre, même si dans certains cas le gouvernement central viendra à la rescousse. Une réaction en chaîne affectant les banques ne peut être exclue.

• Chasse aux fuyards.

Pékin a décidé de faire la chasse aux entrepreneurs privés ruinés et partis avec ou sans la caisse, laissant salaires, factures et dettes impayés. La mesure indique que le gouvernement se préoccupe de l’ampleur des pertes. La liste des patrons de PME non autorisés à quitter le pays a été communiquée à la police des frontières.

• Bonus de fin d’année.

Pour tenir ses promesses d’une augmentation des salaires de 7% en moyenne en 2011, le gouvernement presse les entreprises d’état de verser dès novembre, au lieu de février, les bonus de la fête du printemps, qui varient entre 10 et 50% du salaire annuel -.

L’avancement des gratifications est surveillé par les municipalités qui rendent compte à la Commission de Supervision des Actifs de l’Etat.

• Relèvement du « minimum pauvreté.

Xinhua vient d’annoncer le relèvement du revenu minimum des ruraux à 2300 RMB annuels (260 €). Cette barre fixe la limite de revenus en-dessous de laquelle les paysans sont éligibles pour des secours publics. La nouvelle limite est en hausse de 92% par rapport à la précédente qui date de 2009. Elle permettra à un nombre plus important de familles de recevoir des aides.

Le processus d’attribution des aides est long et complexe. Il passe par une enquête du district vérifiée par les autorités de la province, assortie par un contrôle de l’éligibilité par un conseil de village. Après acceptation officielle par chaque candidat de son « statut de pauvre », la liste est publiée dans les villages.

C’est ensuite le comité de lutte contre la pauvreté du district qui gère les aides. Celles-ci peuvent aller de l’attribution directe de secours fournis par la province à l’aide à la création d’activités agricoles en passant par des prêts sans intérêt.

 

 

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