Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

 Cliquez ici pour générer le PDF de cet article :

›› Chine - monde

Pékin et l’imbroglio du Moyen Orient. Priorité aux intérêts chinois

Alors que le pouvoir israélien sonne l’alarme, laissant planer une nouvelle fois l’imminence de la menace nucléaire iranienne, justifiant par avance une attaque préventive de Tsahal, Pékin, déjà échaudé par l’affaire Libyenne et l’agression contre ses ressortissants au Soudan, craint par-dessus tout une déstabilisation du Moyen Orient et de ses intérêts.

« Si le Détroit d’Ormuz était bloqué, et si un conflit éclatait dans le Golfe, la Chine serait la première à souffrir », expliquait récemment un chercheur de l’Institut des relations internationales, tandis que le Quotidien du Peuple incitait au calme et à la mesure, indiquant que Pékin ne se plierait pas aux pressions de L’UE et des Etats-Unis pour réduire ses achats de pétrole à Téhéran.

La Chine et la Russie opposées aux sanctions contre l’Iran et la Syrie.

La position de Pékin rejoignait celle de la Russie pour qui les sanctions de l’UE, prises le 23 janvier contre Téhéran étaient une grave erreur, qui, au lieu de pousser l’Iran à la coopération, l’inciterait à se raidir.

Moscou et Pékin se sont également retrouvés pour bloquer en octobre 2011 et janvier 2012 les résolutions des NU sur la Syrie. La décision des Chinois et des Russes apparaît en première analyse comme une initiative concertée pour sauver leur allié Bashar el Hassad, dont la famille est au pouvoir depuis 40 ans, aux commandes d’un pays situé au cœur d’une région instable, aujourd’hui lui-même menacé par la guerre civile.

Mais la question est bien plus complexe.

Les liens entre l’Iran et la Syrie n’ont pas échappé aux services de renseignement chinois et russes. Tous deux sont positionnés contre Israël, et tous deux sont l’objet de la méfiance des pays du Golfe, dans un contexte où Téhéran considère Damas comme la pièce maîtresse de son dispositif stratégique qui le relie aux groupes terroristes du Hamas et du Hezbollah, bras armés de la lutte contre Tel Aviv.

Les fidélités qui rattachent la Chine et la Russie à Bashar el Assad, à quoi s’ajoute la connivence entre Téhéran et Damas, assortie des risques d’enchaînement néfaste qui en découlent - y compris en cas d’isolement du dictateur syrien, que la Chine, la Russie et Téhéran commencent à envisager -, expliquent en partie l’attitude fermée de Moscou et Pékin qui craignent une déstabilisation grave de la région.

Celle-ci bouleverserait la zone, soit que la démocratisation espérée en Syrie, provoque en réalité un chaos, dont profiteraient les radicaux extrémistes sunnites, manipulés par l’Arabie Saoudite, pour qui l’Iran est une bête noire. Soit qu’une frappe militaire israélienne contre l’Iran déclenche des ripostes violentes des groupes terroristes, mais cependant sans garantie que le programme nucléaire iranien en soit durablement affecté. Le tout exacerbé par l’ancestrale rivalité entre Shiites et Sunnites, dont la Syrie serait le premier enjeu.

Dans cet imbroglio aux allures d’une très explosive boîte de Pandore, dont les dommages collatéraux portés par les discours sur la chute des régimes autoritaires fragilisent, de manière indirecte, leur stabilité interne, Pékin et Moscou accusent l’Europe et les Etats-Unis de jouer les apprentis sorciers.

Ils dénoncent aussi l’iniquité d’une situation où Téhéran est montré du doigt pour son programme nucléaire, alors qu’Israël s’est déjà doté de 200 têtes, sans la moindre réaction internationale. Enfin, ils estiment que les sanctions confortent l’Iran dans sa volonté de se doter de la bombe, au lieu de l’en dissuader.

++++

Risques de réactions en chaîne. La stratégie occidentale remise en cause.

Pékin et Moscou ont jusqu’à présent accepté l’opprobre des opinions publiques et des gouvernements occidentaux. A contre courant des pressions européennes et américaines, ils plaident la négociation avec la Syrie et l’Iran.

Faisant cela, ils prennent le risque d’apparaître les alliés cyniques d’un régime qui massacre sa population et d’en appuyer un autre, également autoritaire, dont les ambitions nucléaires avérées par l’AIEA, menacent, par contagion, de faire exploser le régime de non prolifération, déjà bien fragilisé par l’hypocrisie qu’il sous-tend. Mais ils n’en ont cure, car ils craignent que les pressions occidentales provoquent un emballement dangereux, menaçant directement leurs positions et leurs intérêts.

Sur l’affaire syrienne, répondant aux accusations américaines à l’ONU, Pékin, qui exprime de plus en plus sa méfiance à l’égard de l’Ouest, remet en cause la stratégie générale des Etats-Unis et de leurs alliés dans le monde arabe, laissant paraître la crainte que son appui à une résolution du Conseil de sécurité contre Damas, puisse conduire à une nouvelle intervention militaire.

Dans un article du Quotidien du Peuple du 6 février, signé du pseudonyme « Zhong Sheng, - La voix de la Chine », le Bureau Politique explique que « les interventions des forces occidentales en Lybie, en Afghanistan et en Irak ont démontré que la stratégie des « Regime change » était une erreur ». Il ajoute : « aujourd’hui la situation en Syrie est extrêmement complexe. Appuyer un parti contre l’autre éluderait le fond des choses et sèmerait les graines du désastre ».

Au-delà de l’affichage de stratégies contraires, les unes motivées par leurs préoccupations humanitaires, la crainte d’une course à l’atome militaire et la sécurité d’Israël, les autres privilégiant la stabilité régionale, la souveraineté nationale et le dialogue, on perçoit un extraordinaire enchevêtrement de non-dits.

Ces derniers vont des craintes internes de Pékin et Moscou dont les régimes redoutent la contagion démocratique, à la rivalité stratégique avec Washington, qui s’exprime aussi en Europe de l’Est, en Asie Centrale et en Mer de Chine ; en passant par le poids du lobby juif aux Etats-Unis, la méfiance des états arabes à l’égard de Téhéran et l’iniquité du traité de Non Prolifération (TNP), véritable appel à la prolifération.

Auxquels s’ajoutent les haines vivaces qui dépassent les frontières, opposant l’Iran shiite et ses alliés aux monarchies arabes sunnites. (Voir à ce sujet l’article de Foreign Affairs d’octobre 2011).

Ces dernières sont – et ce n’est pas la moindre des contradictions - tout à la fois soutenues par Washington et, elles aussi, préoccupées par les possibles ébranlements démocratiques, tandis que la mouvance salafiste extrême, qui se réclame aussi de la Sunna, diffuse une idéologie de lutte contre l’Occident.

++++

Pékin se démarque des Occidentaux et joue son jeu.

Anticipant que, dans un contexte aussi inextricable et confus, un conflit d’envergure résultat d’une fausse manœuvre, pourrait avoir une chaîne de conséquences qui déstabiliserait durablement ses approvisionnements en énergie, la Chine, revenue de ses hésitations Libyennes, où son abstention avait conduit l’OTAN à outrepasser le mandat des NU, retourne à son principe de neutralité, prônant la non intervention et la négociation.

Pesant les forces en présence, elle tisse ses réseaux avec tous les acteurs de la région, s’efforçant de conforter sa position de neutralité, pour protéger ses intérêts, quelle que soit l’évolution de la situation. Quand elle soutient la cause palestinienne contre Israël, elle s’applique aussi à ménager ses liens et à développer ses échanges avec Tel Aviv.

Refusant de condamner Bashar el Assad à l’ONU, elle l’invite cependant publiquement à stopper la répression violente ; et après avoir soutenu Téhéran, elle fait pression pour que l’Iran retourne à la table des négociations, tout en recalculant soigneusement ses dépendances pétrolières pour diversifier ses sources.

Il n’en reste pas moins que les héritiers de la Perse, sur l’ancienne route de la soie, constituent toujours un de ses plus gros fournisseurs d’hydrocarbures et un point d’ancrage de sa stratégie au Moyen Orient.

Alors qu’à l’ONU, Li Baodong, l’ambassadeur de Chine critiquait l’extension des colonies israéliennes et appuyait fermement l’idée d’un état palestinien indépendant dans les limites des frontières de 1967, les échanges de vœux entre Tel Aviv et Pékin, en janvier dernier, à l’occasion du 20e anniversaire des relations diplomatiques, signalèrent un approfondissement des liens entre les deux pays, qui confortèrent l’actuel premier ministre Netanyahu, considéré comme un dangereux va t-en guerre par beaucoup d’intellectuels occidentaux.

Joignant le geste aux discours emphatiques, Netanyahu et son ministre des transports Yisrael Katz, venu en visite en Chine en septembre 2011, après celle d’Ehud Barak en juin, mettaient sur la table deux projets d’envergure, que la Direction chinoise considère avec attention.

Le premier concernait les infrastructures de liquéfaction et de transport de gaz liées à l’exploitation des réserves d’hydrocarbures du Bassin du Levant en Méditerranée orientale, revendiqué par la Turquie, la Grèce, le Liban et Chypre. Le second portait sur la construction d’une voie ferrée à grande vitesse entre Eilat et Haïfa, passant par le désert du Negev et connectant la Méditerranée au golfe d’Aqaba.

Quand le Premier Ministre Wen Jiabao s’est rendu dans la péninsule arabique en janvier dernier –, il avait en tête que les importations chinoises de pétrole approchaient les 270 millions de tonnes annuellement (elles étaient de 65 millions de tonnes en 2000), dont près de 30% viennent d’Arabie Saoudite et 11% d’Iran.

Le périple à Ryad et aux Emirats aura permis de renforcer les liens avec les pays arabes par la signature de contrats d’infrastructures (raffinerie à Yanbu sur la Mer Rouge avec la participation minoritaire de Sinopec - 37,5% - aux côtés d’Aramco - 62,5% - , pipeline à Abou Dhabi pour contourner le détroit d’Ormuz).

A quoi s’ajoutent les arrangements financiers et de crédit autorisant l’utilisation de la monnaie chinoise. Une initiative qui prélude au développement du commerce bilatéral et, peut-être, à un accroissement des engagements financiers des pétroliers chinois dans la péninsule arabique. La manœuvre, motivée par la dépendance croissante de la Chine aux hydrocarbures, clé de sa croissance, s’inscrit aussi dans une vaste tactique de marchandage qui, mettant à profit la crise actuelle, joue de la concurrence entre l’Iran shiite et l’Arabie sunnite.

++++

La force des liens avec l’Iran et la primauté des intérêts chinois.

Mais les liens avec l’Iran restent étroits, en dépit des pressions occidentales. Ils semblent même se renforcer à la faveur des crises avec les Etats-Unis et l’Europe. En 2004, quand Washington tentait déjà de porter le dossier de l’Iran nucléaire au Conseil de Sécurité, Sinopec obtenait les droits d’exploitation conjointe du champ de Yadavaran - 13 Mds de barils de pétrole et 80 Mds de m3 de gaz - le plus gros contrat jamais octroyé par un pays de l’OPEP.

En 2008, au moment où le Conseil de sécurité accentuait encore ses sanctions contre l’Iran, Téhéran et Pékin signaient un accord de 3,3 Mds de $ pour la production de gaz liquide dans le sud du pays, suivi de contrats pour la construction de raffineries à hauteur de 8 Mds de $.

Aujourd’hui, l’Iran, 3e fournisseur de la Chine, est aussi, avec la Russie et l’Irak, l’un des seuls pays pouvant être reliés à l’Empire du Milieu par voie terrestre, évitant les risques du transport par mer. Déjà, un gazoduc par l’Asie Centrale et le Turkménistan, inauguré en 2009, relie le Xinjiang à l’est de l’Iran.

Dans ces conditions, il est peu probable que Pékin cède ouvertement aux pressions occidentales destinées à faire plier Téhéran. La Chine ne sera pas la seule dans ce cas, puisque l’Inde, la Corée et le Japon ont également indiqué qu’ils ne cesseraient pas leurs achats de brut iranien.

Mais le souci de se démarquer des pressions européennes et américaines n’exclut pas une ou plusieurs manœuvres tactiques, dont Pékin a le secret, à la fois pour protéger ses intérêts et éviter de se laisser enfermer dans un dérapage jusqu’au-boutiste de Téhéran.

Tout en mesurant aussi les risques d’une prolifération nucléaire dans la région capable de déclencher une contagion à d’autres acteurs, la Chine renâcle cependant à céder aux pressions directes de Bruxelles et Washington. En revanche, elle pourrait participer à une résolution des Nations Unies pour faire pression sur Téhéran, comme elle l’a déjà fait à plusieurs reprises.

Mais sur le fond sa position ne changera pas. Elle continuera d’affirmer que les sanctions, qu’elle s’ingénie d’ailleurs à édulcorer, ne peuvent pas être un but en soi, qu’elles sont de nature à aggraver les tensions, et que sans la volonté d’apaisement d’Israël et des Occidentaux, la question iranienne ne peut que s’aggraver.

Enfin, comme il n’y a pas de petits profits, et que d’une pierre on peut toujours faire deux coups, Pékin vient de saisir l’occasion des tensions entre Téhéran et l’Occident pour faire pression sur l’Iran dans une négociation sur les prix du brut, en panne depuis plusieurs mois. C’est pourquoi, la Chine vient de décider de réduire de moitié ses importations iraniennes dès le mois de mars 2012, en amont d’une nouvelle réunion avec les responsables iraniens de la Compagnie Nationale des Pétroles.

Si cet exercice de grand équilibre réussissait, la Chine, qui protège d’abord et avant tout ses intérêts, se tenant à distance des Occidentaux, ménageant à la fois Téhéran, Damas et les pays arabes, Israël et les Palestiniens, aura aussi montré comment les risques de prolifération pouvaient, à l’occasion, servir à faire baisser les prix du brut, dont elle est de plus en plus gourmande.

Toutefois, ayant pris le risque d’apparaître aux côtés d’un régime qui, pour rester au pouvoir, massacre sa population, le Parti devra veiller à ce que son image intérieure, élément essentiel de sa légitimité, dont l’importance n’est pas moindre que celle de ses approvisionnements en hydrocarbures, ne soit pas trop malmenée par l’effervescence du net et la grogne des intellectuels dissidents.

++++

Brèves.

• Connivence Iran – Syrie.

En février 2010, lors d’une visite officielle de M Ahmadinejad en Syrie, à laquelle participait le chef du Hezbollah, H. Nasrallah, les présidents syrien et iranien auraient évoqué l’urgence de lutte contre le terrorisme israélien (source BBC).

Le 10 mai 2011, Ahmadinejad appuyait la répression en Syrie : « le gouvernement et le peuple syrien ont atteint un niveau de maturité politique qui leur permet de résoudre eux-mêmes leurs problèmes, sans le secours d’une intervention extérieure. »

Le 17 mai, un groupe d’opposition iranien déclarait que l’Iran avait déployé une équipe de 65 hommes et 4 avions cargo chargés d’armement pour soutenir Damas. Le 5 août 2011, Ankara confirmait que les douanes turques avaient saisi un camion contenant des armes iraniennes destinées à la Syrie.

Toutefois, le 8 septembre 2011, après avoir longtemps soutenu Damas, Ahmadinejad a amorcé un virage stratégique, faisant clairement pression sur Bashar El Assad pour qu’il mette fin aux violences contre son peuple, proposant même l’entremise « des pays de la région pour la mise en œuvre de réformes ».

La chute du dictateur syrien affaiblirait considérablement l’Iran à majorité shiite, détruisant son canal de contact vers le Hezbollah et le Hamas et une de ses entrées emblématiques dans le monde arabe, où, il y a encore peu, Assad était considéré comme un héros. Elle ouvrirait la voie à un renforcement de l’influence de l’Arabie Saoudite et de la Turquie, principaux rivaux de Téhéran.

• Rapport de l’AEIA sur l’Iran.

Daté du 8 novembre 2011, le rapport, publié sous le timbre du Directeur Général, le Japonais Amano, accusé par certains d’être plus inféodé à Washington que son prédécesseur El Baradei, conclut avec certitude que l’Iran développe des technologies liées à la construction d’engins nucléaires militaires et à leur mise en place sur des vecteurs balistiques.

Le document, qui tente d’évacuer les doutes concernant sa crédibilité, mise en cause par quelques observateurs qui rappellent les tromperies américaines sur les armes de destructions massives irakiennes en 2003, prend la peine de préciser, dans un paragraphe spécial dédié à la « crédibilité du rapport », que les recherches sont basées sur une quinzaine de sources différentes, la plupart venant des « états membres ».

Le Directeur, indique que le rapport se réfère à plus de 1000 pages de documents d’origine iranienne obtenus par des fuites. Ils montrent l’existence d’activités de R&D et de tests, qui, tous, pourraient concourir à la fabrication d’une arme nucléaire.

Un passage du rapport mentionne en particulier l’existence en Iran de plans pour la production de détonateurs spéciaux utilisés pour la mise à feu d’une arme nucléaire ; un autre fait état d’indices, cependant non confirmés lors des inspections, suggérant l’existence d’un système de simulation. Il indique également des recherches sur l’installation d’une charge nucléaire sur la tête d’un missile.

++++

• Les « apprentis sorciers ». Le « Grand Jeu » entre Ryad, Téhéran et Washington.

Cette brève est une reprise d’un article du Guardian parue en novembre 2011 et signé d’Alastair Crooke, diplomate britannique, issu des services secrets. De 1997 à 2003, il fut le conseiller de Javier Solana, Haut Représentant de la politique européenne de sécurité et de défense.

Selon une source proche de la mouvance conservatrice américaine et de Dick Cheney, le roi d’Arabie estimerait que « rien n’affaiblirait plus l’Iran que la perte de la Syrie ». Les principaux critiques de l’entrisme des Américains au MO, suivis par les Européens, considèrent que c’est dans ce contexte de connivence entre Ryad et Washington que se développe un nouveau « Grand Jeu » au Moyen Orient, destiné à affaiblir l’Iran, par le truchement de l’effondrement du régime syrien.

Le schéma fonctionnerait de la manière suivante. Il est destiné à précipiter la chute de B. el Assad : 1.- créer un « Conseil de Transition », qui serait le seul représentant du peuple syrien, sans tenir compte de la diversité des sensibilités. 2.- appuyer les insurgés par des livraisons d’armes à partir des états voisins. 3.- imposer des sanctions qui toucheront la classe moyenne. 4.- lancer une campagne médiatique pour critiquer toutes les tentatives de réformes du gouvernement syrien et créer une division entre l’armée et l’élite du pays.

Les Européens, les Américains et certains états du Golfe sont tentés de considérer le « Grand Jeu syrien » comme la continuation de l’affaire libyenne, à qui certains attribuent, à tort, un rôle positif dans l’évolution du monde arabe vers un schéma culturel décalqué de l’Occident. Avec la différence qu’en termes stratégiques la Syrie est bien plus importante que la Libye.

Par ailleurs, les éléments radicaux utilisés en Syrie pour déposer Assad, par le truchement de contacts troubles en Arabie Saoudite, sont tout sauf des ferments d’un système démocratique. Au point qu’il est possible d’établir un parallèle entre l’utilisation des islamistes par les Etats-Unis dans les années 1980 pour affaiblir l’Union Soviétique en Afghanistan. Cette stratégie avait à l’époque des répercussions positives en politique intérieure américaine.

L’opposition syrienne – où les exilés sont favorables à une intervention militaire, au contraire de ceux restés en Syrie qui, redoutant une guerre civile, n’en veulent pas - est extrêmement fragmentée. Mettant à profit ces dissensions, les Saoudiens réactivent leurs réseaux du Djihad sunnite contre l’Iran shiite. Avec tous les risques d’emballements incontrôlables liés à ce type de manipulations. Mais les responsables politiques occidentaux n’en ont cure, dès lors que le discours humanitaire s’insinue dans leurs campagnes d’autopromotion à des fins de politique intérieure.

 

 

Au-delà de la reprise des contacts militaires, la lourde rivalité sino-américaine en Asie-Pacifique

[20 avril 2024] • Jean-Paul Yacine

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

[28 mars 2024] • Jean-Paul Yacine

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

[22 février 2024] • La rédaction

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

[9 janvier 2024] • Jean-Paul Yacine

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements

[4 janvier 2024] • Jean-Paul Yacine