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›› Société

Hausse des salaires et des coûts de production

Le gouvernement s’inquiète des écarts de niveau de vie et de la grogne de la main d’œuvre. Le 2 janvier dernier, 300 employés de l’usine Foxconn de Wuhan sont montés sur le toit d’un atelier et ont réclamé une hausse de salaires en menaçant de se suicider. Le maire de Wuhan, se souvenant qu’en 2010 14 ouvriers du même géant taïwanais s’étaient vraiment suicidés dans la province de Canton, est intervenu pour les dissuader.

Voilà deux ans que les conflits du travail se multiplient et que le pouvoir s’ingénie à les juguler en imposant des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail. Cette tendance est confirmée par le 12e plan qui stipule que le salaire minimum sera augmenté au minimum de 13% par an jusqu’en 2015.

Rattrapage des salaires. Les syndicats en première ligne.

Mais la mise en œuvre nationale n’est pas simple. Les disparités en fonction de la taille des entreprises et des régions sont considérables et vont de 1 à 7 entre celles où les salaires sont les plus élevés et les moins biens loties. Il arrive que dans certains secteurs comme celui des entreprises de la restauration de masse – c’est le cas des 450 000 employés du secteur à Wuhan - les salaires négociés soient 30% au dessus de la moyenne nationale.

Les principaux outils de ces ajustements seront les syndicats nationaux contrôlés par le Parti. Ces derniers seront chargés de négocier avec les patrons. Une fois le mouvement lancé il faudra encore que les plus bas salaires augmentent plus vite pour répondre au souci du pouvoir de rééquilibrer les revenus.

Depuis 2010 les salaires augmentent déjà sous la pression sociale et les injonctions du pouvoir via les syndicats. Mais, dans les grands centres urbains sujets à une immigration rurale rapide, l’apparition de ce qui commence à ressembler à des bidonvilles aux marges des mégalopoles, atteste le fossé des revenus, tandis que les différences continuent à se creuser entre les régions et entre villes et campagnes.

Le 2 décembre dernier, le China Daily publiait un article stigmatisant les écarts : les meilleurs salaires se trouvaient dans le secteur de la finance où les revenus des employés atteignaient 70 000 Rmb annuels (8500 €), pouvant parfois atteindre 40 000 € à Shanghai, alors que ceux du secteur agricole stagnaient à moins de 2000 €.

L’écart entre les régions n’était pas moins sensible : A Shanghai la moyenne était de 66 000 Rmb (8000 €), alors que dans la province du Heilongjiang elle n’était que de 28 000 Rmb (3300 €). Quant aux PDG des sociétés cotées en bourse, leurs salaires annuels moyens étaient de 660 000 Rmb (80 000 €).

Enfin, si on s’intéresse au salaire minimum, les écarts sont tout aussi sensibles : A Shenzhen, il est en moyenne de 1500 Rmb par mois (180 €), contre seulement 870 Rmb à Chongqing (104 €).

Le pouvoir accompagne cette poussée pour rehausser le salaire minimum par des incitations à mieux respecter les lois du travail. A cet égard, il fixe l’objectif de 90% des employés bénéficiant d’un contrat de travail en bonne et due forme (contre 65% entre 2005 et 2010), comportant l’obligation de respecter des horaires de travail, les congés maladie - maternité et une meilleure égalité hommes – femmes.

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Conséquences sur le tissu industriel et l’emploi.

Mais tout ce mouvement social ne va pas sans réticences ni difficultés. S’il est vrai que le poids des salaires dans le coût de production, surtout grevé par le prix de l’énergie, reste encore marginal, les associations de patrons font remarquer qu’une augmentation de 13% par an sur 4 ans aboutira à une surcharge salariale de 63%.

D’autant que même le salaire moyen des 150 millions de travailleurs migrants, variable d’ajustement de plus en plus rétive du marché du travail, sur la cote Est, objet de toutes les attentions politiques du pouvoir, a augmenté de 21% en 2011 pour atteindre 2049 Rmb (240€).

Sur le marché, marqué par des compétions meurtrières entre entreprises chinoises dont les marges sont souvent très minces, les réformes induiront des baisses de qualité et des fermetures.

En novembre dernier, Stanley Lau, vice-président de la fédération des industriels de Hong Kong, qui représente 3000 entreprises opérant en Chine continentale, considérait qu’à brefs délais, 50 000 entreprises chinoises réduiront leurs effectifs ou feront faillite, suite à la hausse des coûts de production (due à la hausse des salaires et du coût des matières premières), à quoi s’ajoute la baisse de la demande pour les exportations chinoises sur le marché global.

Confronté aux épidémies de fermetures d’usines, le gouvernement est également préoccupé de maintenir le taux de chômage au plus bas pour d’évidentes raison de paix sociale. A cet égard, les statistiques du gouvernement sont floues. Alors qu’officiellement le taux des sans travail est stabilisé autour de 4%, en mars 2010, lors d’un forum de développement organisé par le Conseil des Affaires d’état, le Premier ministre révélait que le nombre de chômeurs atteignait 200 millions, ce qui porte la proportion des chômeurs à plus de 20%.

La raison de l’écart entre les statistiques publiques et la révélation de Wen est que les chiffres officiels ne tiennent compte que de la main d’œuvre dûment enregistrée, laissant de côté les migrants. A quoi s’ajoute la cohorte des jeunes diplômés aujourd’hui six fois plus nombreux qu’il y a dix ans, laissés sur le carreau précisément parce que le secteur productif ne leur offre pas d’emploi correspondant à leur qualification.

Enfin, l’impact des hausses de salaires sur la viabilité des entreprises renvoie à la nécessité de faire évoluer le schéma de développement du pays en abandonnant progressivement le bas de gamme pour hisser le secteur productif vers les produits plus sophistiqués et de plus haute qualité. L’exigence renvoie à la quête chinoise de technologies qui ne faiblira pas et sera source de controverses avec l’UE et les Etats-Unis.

Pour l’heure le Conseil des affaires d’état s’investit directement pour tenter de protéger les PME durement touchées par les restrictions de crédit et la hausse des salaires. A l’automne dernier, Wang Qishan a sévèrement critiqué la tendance des banques d’état à n’accorder des prêts qu’aux grandes entreprises et à négliger les PME. (Lire notre article)

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Les entreprises s’adaptent. L’environnement des affaires reste favorable.

La hausse des salaires a des conséquences sur la structure des investissements étrangers et les implantations en Chine. L’analyse générale des spécialistes qu’ils soient Japonais, Chinois, ou Occidentaux considère que l’ère des bas salaires en Chine touche à sa fin.

Cette évolution entraîne des ajustements déjà en cours avec l’augmentation de la part des industries textiles et de la chaussure au Vietnam, au Bengladesh et en Indonésie – en 2010 déjà, les exportations de chaussures indonésiennes avaient augmenté de plus de 40%, tandis que les exportations de textiles vietnamiens atteignaient 18 Mds de $ en 2011, en augmentation de près de 45 % par rapport à 2010.

A l’intérieur, les entreprises chinoises et taïwanaises migrent vers l’Ouest pour tirer profit des gisements rémanents de bas salaires. Le Groupe taïwanais Foxconn a déjà construit une usine à Chengdu et deux à Zhengzhou dans le Henan. Les emprises de Zhengzhou, où travaillent déjà plus de 50 000 ouvriers, sont impressionnantes.

Elles comprennent 80 hectares d’ateliers et 100 hectares de dortoirs et de zones de loisir pour les employés. Toutefois, de l’avis même du Président de Foxconn Terry Gou cette marge de manœuvre, s’appuyant sur les bas salaires du Centre et de l’Ouest chinois est, par la force des choses également appelée à se réduire.

Lui-même a déjà envisagé d’automatiser ses usines chinoises et s’est fixé une échéance de trois années pour le faire. Il est évident que cet ajustement n’ira pas sans difficultés avec les autorités locales qui comptent beaucoup sur Foxconn (1 million d’employés en Chine) pour contenir le chômage.

Toutefois, la hausse des salaires et des coûts de production n’a pas encore atteint un niveau tel qu’il décourage les investissements et les délocalisations en Chine. S’il est vrai que le delta de la Rivière des Perles n’offre plus cette main d’œuvre pléthorique et bon marché qui attiraient les délocalisations et l’outsourcing de la planète occidentale, il n’en reste pas moins que la Chine propose toujours un environnement incomparable et des ressources humaines nombreuses et de qualité.

Selon le rapport annuel de la Banque Mondiale qui fait le bilan de l’environnement des affaires dans 183 pays, la Chine est toujours bien placée en dépit des récentes hausses des salaires. S’il est vrai qu’elle est aujourd’hui plus chère que l’Inde et la plupart des pays de l’ASEAN - la Malaisie et la Thaïlande mises à part -, l’environnement des affaires y est cependant considéré comme administrativement plus facile.

Dans l’ASEAN, si l’on considère le rapport qualité de l’environnement et coûts des opérations, seuls le Vietnam (moins cher) et la Malaisie (pas plus cher et moins compliqué) sont mieux placés que la Chine. La Thaïlande est moins difficile, mais le coût des opérations y est plus élevé.

Contrairement aux idées reçues, le rapport montre que l’Inde, le Laos, le Cambodge, l’Indonésie, le Sri Lanka, le Bengladesh sont, bien que moins chers, moins bien lotis que la Chine sur le plan de l’environnement des affaires. Un autre facteur déterminant qui pousse les entreprises à rester en Chine est toujours et encore l’existence de son vaste marché intérieur.

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Brèves.

• Ecarts de revenus.

Selon le groupe Hurun (groupe d’éditions qui réalise des enquêtes sur les revenus) le nombre de milliardaires chinois est passé de 130 en 2009 à 271 en 2011 ce qui place la Chine en 2e position pour le nombre de milliardaires derrière les Etats-Unis (412). La plupart des fortunes rapides sont réalisées en bourse et dans l’immobilier.

La Chine compte également 60 000 personnes dont da fortune atteint 100 millions de Rmb (12 millions d’euros et 960 000 individus à 10 millions de Rmb ou 1,2 million d’euros. Dans le même temps, 150 millions de chinois vivent avec moins d’un dollar par jour et plus de 60% de sa population ne peut accéder à la propriété.

L’indice de Gini en Chine, qui rend compte des inégalités dans la distribution primaire des revenus, était de 0.449 en 2005 et avoisine à présent 0.5, sur le point de franchir ainsi une frontière dangereuse qui rapproche le pays du groupe des plus inégalitaires (Namibie : 0,74 ; Sierra Leone : 0,62 ; Haïti : 0,59 ; Afrique du Sud : 0,57. Les Etats-Unis sont stables à 0,40 ; la France à 0,33 ; l’Allemagne à 0,27 ; le champion de l’égalitarisme étant le Danemark à 0,25).

• Immigration.

Selon le China Daily du 1er novembre 2011, sur les 50% des Chinois ayant un patrimoine supérieur à 14 millions de yuans qui envisagent d’émigrer à l’étranger, 14% d’entre eux sont déjà partis. Pour 50% des personnes interrogées, la raison principale de leur départ est l’éducation des enfants.

Le même phénomène se développe chez les intellectuels et les artistes, cinéastes/romanciers/peintres d’avant garde, qui demandent de plus en plus des visas pour quitter la Chine. Il est possible que l’augmentation des contrôles et des restrictions de liberté jouent un rôle dans ces départs.

• Contrats de travail

(source Ambassade de France). La proportion de travailleurs chinois ayant signé un contrat de travail avec leur employeur est en augmentation depuis la promulgation de la loi sur le contrat de travail en 2008. Plus de 97% des travailleurs dans les « grandes entreprises » ont signé un contrat de travail avec leur employeur à la fin de l’année 2010.

Ces grandes entreprises sont définies comme toutes entreprises industrielles dont les recettes sont supérieures à 2 millions de yuans ou toutes entreprises commerciales dont les recettes sont supérieures à 5 millions de yuans.

Il en découle que la part des travailleurs couverts par une assurance sociale est elle aussi en augmentation. Ainsi entre 2007 et 2010 le nombre de travailleurs urbains qui cotisent pour leur retraite a augmenté de 27.7% tandis que ceux couverts par une assurance maladie a augmenté de 31.7%. (Xinhua, 24 octobre 2010).

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• Démographie.

Selon les statistiques du gouvernement, publiées par le China Daily en novembre, la politique de planning familiale chinoise a empêché plus de 400 millions de naissances. Sociologues et démographes s’accordent sur l’efficacité de cette politique dans la réduction de la pauvreté en Chine.

Cependant, ils soulignent qu’elle est aussi à l’origine indirecte du déficit de femmes, dont la pénurie dans certaines régions rurales engendre des trafics. Elle entraînera également le vieillissement rapide de la population et la réduction de la population active. Actuellement les plus de 60 ans représentent 13% de la population. Ce taux atteindra 33% en 2050. En France, les plus de 60 ans représentent aujourd’hui déjà 22,6%.

• Usage de la drogue.

Dans les villes chinoises les calicots rouges portant des slogans qui expriment toujours un souci du pouvoir, fleurissent aujourd’hui sur la nécessité de mieux éduquer la jeunesse aux valeurs chinoises. Les autorités s’inquiètent en effet de nouveaux phénomènes indiquant une insatisfaction ou un vide comme, par exemple ; l’augmentation de la consommation de drogues chez les adolescents.

Selon la Commission Nationale de Contrôle des Narcotiques 1,78 millions d’adolescents font usage de produits stupéfiants ce qui représente un doublement par rapport aux chiffres de 2009. Du fait de la présence plus faible de leurs parents, les enfants de travailleurs migrants sont les plus vulnérables à ce phénomène. L’usage des drogues de synthèse comme les méthamphétamines et l’ecstasy semble devenir de plus en plus populaire.

• Restriction des émissions de TV étrangères.

La commission de contrôle des médias vient d’interdire les émissions étrangères durant les heures de grande écoute entre 19 heures et 22 heures et limite les temps d’émissions des programmes étrangers à 25%. Le total des épisodes de séries étrangères est limité au maximum à 50. Les chaînes de radio et de TV pourront demander des autorisations de diffuser des programmes étrangers 2 fois par an.

Cette décision s’inscrit dans une vaste campagne de remise en ordre des programmes radio-TV déclenchée depuis plusieurs mois contre « l’excès d’émissions de variétés de qualité médiocre ». Elle faisait suite à une décision de la commission des Affaires légales du Conseil des Affaires d’état de censurer les films « aux contenus socialement dangereux », comme les films d’horreur ou ceux contenant des incitations aux jeux d’argent, à l’usage de drogues et à la violence.

En janvier le magazine du parti Qiushi – quête de vérité – avait publié un discours du Président Hu Jintao, dénonçant les influences occidentales et leurs tentatives de créer des divisions en Chine par le truchement de la culture. « Il est clair que les forces hostiles internationales intensifient leurs complots stratégiques pour occidentaliser et diviser la Chine ». Déjà la Chine n’autorise que la diffusion de 20 films étrangers par an.

• Test nominatifs du virus HIV.

Selon Xinhua des responsables du Guangxi, province qui détient le record de séropositifs en Chine, font campagne pour l’instauration de tests nominatifs et l’obligation faite aux séropositifs d’informer leurs conjoints.

La proposition de loi, qui sera examinée par l’assemblée populaire locale, a déclenché un débat sur les conséquences d’une telle mesure qui, disent les opposants, éloignera les populations à risque des contrôles. Elle stigmatisera les séropositifs, déjà ostracisés.

Une partie des autorités centrales appuient la proposition, déjà mise en œuvre dans la capitale, où le nombre de tests a chuté depuis la promulgation de la loi. On estime que le nombre de porteurs du virus du SIDA est de 750 000, alors que les statistiques officielles n’en comptent que 429 000, en augmentation de 60 000 par rapport à 2010, (soit une hausse de 16%).

 

 

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