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›› Société

Santé publique : Chen Zhu dénonce les blocages

Chen Zhu – 59 ans - est le ministre de la santé du gouvernement chinois. C’est aussi le seul ministre non affilié au Parti et, aujourd’hui, le plus haut responsable politique chinois formé en France, où, à l’Hôpital Saint-Louis, il a obtenu son Doctorat d’hématologie. Ancien Directeur de l’Institut d’hématologie de Shanghai, il est aussi membre de l’Académie des Sciences Sociales et Vice-président de l’Académie des Sciences. Comme son épouse, Chen Saijuan, spécialiste de biologie moléculaire, également formée à l’Hôpital Saint-Louis à Paris, il est connu pour ses travaux sur le cancer.

Ces derniers ont, entre autres, identifié le processus moléculaire des effets thérapeutiques d’une drogue traditionnelle chinoise pour le traitement de la leucémie. Le 6 mars dernier, il était à New-York pour recevoir le prix Szent-Györgyi – médecin hongrois, prix Nobel de médecine en 1937 - qui récompense les avancées significatives dans la recherche sur le cancer. En marge de la cérémonie, il s’est exprimé sur l’état de la réforme du système de santé publique, lancée en 2009, dotée de 125 Mds de $ sur trois années.

Progrès et obstacles.

De ses mises au point on retiendra que la réforme a d’abord mis en route une remise à niveau des hôpitaux et des centres de soins dans les 2800 districts, en commençant par des projets pilote dans 300 districts et qu’elle assure désormais une couverture minimum pour 95 % des ruraux. Ces derniers bénéficient d’une caisse maladie dont les ressources sont passées de 4 Mds de RMB en 2004 (480 Millions d’€) à 130 Mds en 2010 (15 Mds d’€). Dans les zones urbaines, l’assurance obligatoire, financée par des ponctions sur les salaires et par les entreprises couvre en théorie tous les salariés. A quoi s’ajoute un système d’assurance complémentaire privée.

A la ville comme à la campagne, la couverture publique est cependant minimum, puisque le schéma adopté vise d’abord à toucher la population la plus large possible. L’augmentation du niveau des remboursements n’étant envisagée que dans une phase ultérieure.

Globalement, l’amélioration du système se heurte aux deux obstacles majeurs que sont la faiblesse des investissements publics et la résistance des hôpitaux. (Lire également notre article)

La rentabilité de ces derniers est en effet mise à l’épreuve par la politique du ministre de réduire la sur-médication et le prix des analyses, causes de l’envolée des coûts qu’on cherche à réduire, alors qu’ils sont les principales sources de financement des hôpitaux et des salaires des personnels médicaux.

La réforme a bien mis en place un système de contrôles des coûts basé sur des protocoles de traitement à prix fixes en fonction des affections et établi une liste de 300 médicaments essentiels au prix fixé par l’état, mais il est aujourd’hui contourné par les hôpitaux et les médecins.

Ignorant les traitements à prix conventionnés, ces derniers continuent en effet à prescrire des médicaments bien plus chers, faisant supporter le surcoût par les patients. La tendance est d’autant plus préoccupante que les hôpitaux restent le cœur du système de santé publique, dans un contexte où la densité de centres de soins de proximité est encore très insuffisante.

A la mi-février, lors d’une conférence à Pékin, le ministre avait déjà appelé à améliorer la qualité des services et à mettre fin aux dérives commerciales, aggravées par la corruption.

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Le pouvoir a pris consciences des lacunes du financement public.

Voilà longtemps que Chen Zhu se bat pour une augmentation des fonds publics destinés à la santé afin de lutter contre les actuelles tendances qui font supporter les coûts aux assurances et aux patients eux-mêmes. (Lire notre article « Où va le système de santé chinois ? »

Aujourd’hui, selon le dernier rapport de la Banque Mondiale, China – 2030 (p. 97), les investissements chinois dans la santé sont globalement – publics et privés confondus - 6 fois inférieurs à ceux des pays de l’OCDE, tandis que moins du tiers des investissements du secteur sont le fait des pouvoirs publics.

Le ministre milite pour qu’en 2015, les contributions publiques s’élèvent à 33% et que la part supportée par les patients soit ramenée à 30% (contre plus de 70% actuellement). Depuis 2005 des progrès ont déjà été accomplis puisque la contribution publique annuelle par patient est passée de 60 à 200 RMB. Dans ce schéma, les investissements de santé – public et privé confondus – passeraient de 277 Mds de $ en 2011 à 590 Mds de $ en 2016.

Le 4 mars, un article du China Daily dévoilait les directions du nouveau plan à 5 ans : 1) Corriger les disparités villes-campagnes ; 2) Augmenter les ressources destinées à faire face au vieillissement de la population ; 3) Réajuster le fonctionnement des hôpitaux publics, aujourd’hui toujours organisés sur un modèle commercial avec obligation de profit, source de leur financement.

A côté des hôpitaux et centres de soins des districts, près de 30 000 hôpitaux et centres de soins seront rénovés ou nouvellement construits dans les cantons. La couverture médicale est cependant encore loin du compte puisqu’elle ne parvient pas à répondre à la demande croissante résultant de l’amélioration de la prise en charge, avec un fort déséquilibre en faveur des établissements publics.

Les quelques grands hôpitaux publics, au nombre de 20 000, qui constituent les 2/3 de l’offre de santé, accueillent en effet plus de 90% des patients. Une partie de la réforme de rééquilibrage consistera à inciter les médecins à exercer à la fois dans les hôpitaux publics et privés. Cette stratégie permettra également de résoudre partiellement la question des ressources des praticiens. Il restera à prendre garde que l’implication croissante du secteur privé comme source de financement ne favorise pas, à la longue, un système de santé à deux vitesses, source d’inégalités et de corruption.

D’autres pistes de financement très controversées sont à l’étude ou peut-être déjà décidées, mais que le ministre n’a pas évoquées, probablement parce que, résultats de choix politiques entre plusieurs options rivales, il n’a aucune prise sur elles. Il s’agit des projets de transfert d’une partie du fardeau de l’assurance maladie aux autorités locales, portant, en corollaire, des risques importants du creusement des déficits des budgets locaux et l’accroissement mécanique des inégalités entre les provinces, contraire à l’idéal de solidarité nationale.

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Brèves.

• Aide aux PME en difficulté. A la mi-février, le gouvernement préoccupé des risques de chômage liés au recul du privé dans l’économie et aux difficultés des petites entreprises – conséquences du resserrement du crédit et de la baisse de la demande en Europe et aux Etats-Unis -, a décidé la création d’un fond de 2,5 Mds de $ destiné l’aide aux PME. Il a également promis des réductions de taxes et des aides à l’investissement.

C’est le premier geste concret pour corriger les déséquilibres nés de la crise, cumulés avec les conséquences sur le crédit de la lutte contre l’inflation.

• Plan emploi. Le 8 février le Conseil des Affaires d’état a rendu public un plan, déjà évoqué en décembre, destiné à créer 45 millions d’emplois pendant la période 2011 – 2015. Le but est de maintenir le taux de chômage au-dessous de 5%.

Selon les statistiques officielles, de 2006 à 2010, 57 millions d’emplois ont été créés et 45 millions de personnes ont changé d’emploi, conséquence du grand mouvement d’exode rural en cours. Dans ce contexte, le pouvoir anticipe que la période jusqu’à 2015 sera marquée par de nouvelles tensions sur l’emploi.

Une partie des tensions est également liée aux difficultés des entreprises confrontées à la hausse des salaires et des coûts de production qui réduisent les marges et obligent à licencier. Les mesures envisagées visent à rehausser la qualité de la main d’œuvre pour l’adapter aux exigences de hausse qualitative de la production.
Il n’est cependant pas certain qu’elles suffisent à contenir le chômage, d’autant que les chiffres officiels qui ne prennent en compte qu’une partie de la population, sont sous-évalués.

Alors que dans certains secteurs la main d’œuvre commence à manquer, dans les zones urbaines et pour certaines catégories - comme les jeunes diplômés -, le taux de chômage est supérieur à 10%. En marge de l’ANP, Yin Weimin, ministre des ressources humaines, expliquait que la pression sur l’emploi serait forte en 2012 dans les villes avec 25 millions demandeurs d’emploi supplémentaires, dont 50% seront des jeunes diplômés.

Dans ce contexte, la formation des 158 millions de travailleurs migrants, gisement de main d’œuvre de moins en moins adaptée à la montée en gamme de la production chinoise, est un objectif prioritaire

• Les migrants restent chez eux. Selon Lin Jiang professeur de sociologie à l’université Sun Yat-sen de Canton, après les fêtes du nouvel an, plus de 25% des migrants, soit 7 millions, ne sont pas retournés au travail pour l’ensemble de la province de Canton. Dans la région de Dongguan, cette proportion dépasse 30%. Les PME du textile de la chaussure et de l’électronique sont les plus touchées avec, parfois, 50% des ouvriers absents dans le textile.

Le phénomène touche les travailleurs en col blanc et les ouvriers qui, du fait de l’augmentation du coût de la vie sur la côte Est et à Canton, se sont repliés vers les zones urbaines moins chères de l’intérieur. Le phénomène a enclenché une double réaction : 1) développement de l’automation des usines et 2) déménagement des usines vers le centre et l’ouest.

• Accoucher à Hong-Kong. Le nombre des Chinoises qui font le voyage à HK pour donner naissance à leur progéniture dans la Région Autonome Spéciale afin de lui faire bénéficier du droit de résidence est en forte augmentation. De 700 en 2000, il est passé à 34 000 en 2011 et représente près de 40% du total des naissances de HK. Selon le National Business Daily de Shanghai cette migration des femmes enceintes génère un chiffre d’affaires de 476 millions de $.

Les hôpitaux publics n’accueillant plus les patientes venant de l’autre côté de la frontière, les 5 cliniques privées de HK ont pris la relève avec des tarifs allant de 14 000 $ pour un accouchement simple à 16 000 $ pour une césarienne. L’offre commerciale comprend également un hébergement pour deux semaines au tarif de 500 $. Comme la fuite des capitaux et le départ à l’étranger d’une partie des plus riches ce phénomène n’exprime pas une grande confiance dans l’avenir.

• L’architecture chinoise à l’honneur. Le 27 février dernier, Wang Shu (49 ans), né au Xinjiang et diplômé d’architecture de l’université de Tongji à Shanghai, a reçu le prix Pritzker. Son œuvre prend ses distances avec la grandiloquence et l’extravagance. Elle tente une synthèse entre la modernité et la tradition chinoise, incorporant des styles, des matériaux, des volumes et des couleurs originaux, qui donnent à ses réalisations une dimension humaine et intemporelle.

Récemment, plusieurs architectes chinois ont exprimé leur amertume de voir à quel point les architectes étrangers avaient tiré profit du goût de leurs compatriotes pour l’extravagance, donnant aux villes chinoises un aspect à la fois éblouissant et débridé, mais qui aurait été refusé dans leurs pays d’origine, parce que les concepts s’affranchissaient de la planification urbaine, du souci budgétaire et des exigences d’un développement harmonieux et durable.

Wang Shu est aujourd’hui Directeur de l’école des Beaux Arts à Pékin et connu pour être « le plus culturel » des architectes chinois.

 

 

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