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›› Chronique

Hong Kong : L’énigmatique Leung Chun-ying porté au pouvoir par Pékin

Le 25 mars, le Collège électoral de Hong Kong, composé de 1193 membres – milliardaires, membres de la communauté d’affaires, nombreuses associations professionnelles favorables à Pékin - a élu Leung Chun-Ying comme futur chef de l’exécutif hongkongais. Il prendra ses fonctions le 1er juillet prochain, en remplacement de Donald Tsang.

Ce dernier, ancien responsable des finances du temps de la règle britannique, était resté en place après la rétrocession en 1997. Après la démission d’Anson Chan en 2001, il lui avait succédé comme Secrétaire Général de l’Administration.

Enfin, il avait été nommé par Pékin à la tête de la R.A.S en 2005, suite à une crise aigüe, provoquée par le Parti Communiste Chinois qui tentait d’introduire dans la Loi fondamentale un article dit « anti-subversion » (Art 23), limitant les libertés. Une série de manifestations monstres en 2003 et 2004 avait contraint son prédécesseur, Tung Chee Hwa, à la démission.

Vues de Chine continentale, comme de Hong Kong, les élections dans la Région Administrative Spéciale sont un exercice sensible. Observées depuis le Continent elles constituent un test de la formule « un pays deux systèmes », qui poussée à ses limites politiques, recèle, par contagion, des risques pour le Parti lui-même.

Considérées depuis l’ancienne colonie britannique, elles rappellent chaque fois l’attente des Hong Kongais pour une vraie démocratie, où le Chef de l’exécutif et le Conseil législatif seraient élus au suffrage universel direct.

La situation en 2012 plus difficile qu’en 2007.

Cette fois, la campagne électorale, ponctuée de nombreux sondages d’opinion et d’attaques ad hominem, a fait peser encore plus lourdement les craintes de Pékin, où le Parti est traversé par des tensions politiques à propos de la nécessaire ouverture du Régime, à quoi s’ajoutent les attentes des résidents de la R.A.S, largement insatisfaits par les deux candidats en lice.

Tout cela baigne dans une baisse de la confiance des milieux d’affaires, tandis que l’enthousiasme prudent qui avait suivi la rétrocession, plutôt bien gérée par Pékin, fait peu à peu place à un scepticisme grandissant à l’égard du Parti Communiste Chinois.

En 2007, le paysage économique et politique était très encourageant, marqué par la confortable réélection de Donald Tsang avec plus de 81% des voix, qui coïncidait aussi, non seulement, avec une solide reprise économique (+ 6,9% en 2006), mais également avec le 10e anniversaire de la rétrocession célébré, le 1er juillet, en présence de Hu Jintao. Il n’en est plus de même en 2012.

Morosité économique.

Après la reprise spectaculaire de 2010, l’économie de Hong Kong, qui reste marquée par une forte consommation intérieure, des investissements directs extérieurs confortables et un taux de chômage plutôt faible, a commencé à fléchir à partir du 2e trimestre 2011, à la suite des chocs subis par les pays développés, ses principaux clients. Les perspectives pour 2012 prévoient un ralentissement de la croissance qui pourrait tomber en-dessous de 3 %.

A quoi s’ajoutent une inflation en augmentation rapide (6,4% en septembre 2011, contre 2,7% en 2010), et une très forte tension spéculative sur les prix immobiliers en hausse de près de 80% depuis 2009. La situation des logements est, au demeurant, une des causes les plus emblématiques de la grogne sociale, aggravée par l’élargissement de l’écart de revenus. Au total, la baisse de confiance se lit dans les faibles performances de la bourse où l’indice Hang Seng stagne à sa valeur de janvier 2007 et a perdu 30% de sa valeur par rapport à ses meilleures performances d’octobre 2010.

Une relation de défiance avec Pékin.

Enfin, la tâche du nouveau chef de l’exécutif sera encore compliquée par un accroissement du fossé psychologique et politique entre Hong Kong et le Continent, révélé par un sondage réalisé fin décembre par le département de l’opinion publique de l’Université de Hong Kong, que le représentant de la Chine dans la R.A.S a fortement critiqué. L’enquête, dont il faut cependant relativiser les résultats, forcément conjoncturels, montre que la proportion des personnes interrogées qui souhaitaient développer une identité plus Hong Kongaise que chinoise était en hausse.

Tel est le fond de tableau compliqué qui attend le nouveau Chef de l’exécutif, élu par un score de 61% des votes exprimés, très largement inférieur à la performance de Donald Tsang en 2007.

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Elu grâce à Pékin, Leung privilégie le social. Ses bases sont fragiles.

Leung Chun-ying (58 ans), qui reste une énigme politique, doit son élection à un tout récent revirement de Pékin.

Politiquement inquiète du poids excessif des hommes d’affaires dans la gestion de la R.A.S face au mécontentement de la rue et alarmée par l’impopularité de son candidat Henry Tang, affaibli par un scandale immobilier et une intrigue d’adultère, la Direction chinoise a en effet appuyé Leung, en dépit des préventions qu’elle éprouve à son égard.

Les grands hommes d’affaires de l’ancienne colonie britannique, initialement favorables à Tang ont obtempéré aux injonctions de Pékin, après que Liu Yandong, la seule femme du Bureau Politique, ait effectué un séjour de plusieurs jours à Shenzhen pour plaider devant l’establishment de Hong Kong la cause du nouveau candidat officiel.

Fils d’un policier de Hong Kong, Leung, issu d’un milieu modeste qui nie faire parti du Parti Communiste Chinois comme on l’accuse, a fait fortune dans le conseil immobilier, devenant un membre connu de l’establishment, où il a tenu les fonctions éminentes de Président du Board de la City University de Hong Kong et de Secrétaire Général de la Commission consultative pour la Loi Fondamentale, fonction à laquelle il avait été nommé par Pékin en 1997.

Leung a des relations étroites avec la Chine puisqu’il a conseillé les municipalités de Shanghai et Shenzhen sur les questions foncières, et qu’il fut consultant pour les questions économiques de la province du Hebei. Il est également membre du Comité Permanent de la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois, la deuxième assemblée chinoise, au rôle consultatif qui représente les partis non communistes.

Le nouveau gouverneur élu sans enthousiasme.

Son programme est fortement teinté de préoccupations sociales répondant directement aux soucis de la classe moyenne et des plus défavorisés, dont plusieurs heurtent de plein fouet les intérêts de la classe d’affaires et des magnats de l’immobilier. Cette réalité explique pourquoi l’homme inspire de la méfiance aux milieux d’affaires à la racine de sa performance moyenne lors du scrutin.

Leung entend en effet faire construire 75 000 logements à bas prix, instaurer l’éducation gratuite dans les classes primaires, subventionner les crèches et les maternelles, développer les Nouveaux Territoires en imposant la transparence sur les transactions foncières, favoriser le secteur des services pour compenser la délocalisation de l’industrie vers la Chine , règlementer les horaires de travail, augmenter massivement l’aide aux personnes âgées et réorganiser les hôpitaux publics.

Faiblement soutenu par les milieux d’affaires, Leung souffre aussi, dans l’électorat populaire et chez les démocrates, de son image très pro chinoise, et de son élection favorisée par la main de Pékin. Lors de l’annonce des résultats du vote, des centaines de manifestants ont protesté contre son élection, l’appelant à démissionner et réclamant l’institution du suffrage universel. En réponse, et au milieu des cris de protestation qui ne semblaient pas l’émouvoir, il a solennellement promis que l’état de droit, les libertés d’association et d’expression seraient protégés et que son gouvernement serait « propre et honnête ».

L’échéance de 2017 en ligne de mire.

Mais la question centrale posée par la formule « Un pays deux systèmes » n’est jamais bien loin. Répondant à un spectateur qui l’interrogeait sur l’instauration du suffrage universel en 2017, il a répondu : « tous ceux qui mériteront d’être candidats bénéficieront des meilleures opportunités pour se présenter » . Ajoutant, sans faire de promesses, que « la manière dont s’était déroulée l’élection de 2012 constituait une base pour le suffrage universel en 2017 » .

A Hong Kong l’objectif des tenants d’un système démocratique a toujours été l’adoption du suffrage universel pour l’élection du Conseil Législation (Legco) et du Chef de l’exécutif. En 2007, en réponse à une requête de Donald Tsang qui faisait valoir que la majorité des résidents de Hong Kong souhaitaient la mise en place du suffrage universel, le Comité Permanent de l’Assemblée Nationale Populaire (CPANP) refusa son application pour 2012, mais accepta de l’envisager en 2017 pour le Chef de l’exécutif et en 2020 pour le Legco.

Il s’agissait de l’indication la plus claire jamais donnée par Pékin sur le calendrier possible de l’introduction dans la RAS d’élections directes. Mais à Hong Kong les partis démocratiques font remarquer que Pékin n’a pas clarifié les procédures de nomination des candidats.

(Lire aussi notre article « Hong-Kong, bilan et perspectives »)

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Notes de contexte.

Libertés fondamentales.

Ces dernières ont été le principal enjeu des crises politiques qui ont secoué l’ancienne colonie britannique depuis la rétrocession.

La première crise fut discrète et feutrée, mais se traduisit par la démission, en avril 2001, d’Anson Chan, la très respectée Secrétaire Générale de l’administration qui s’insurgeait contre les constantes interventions de Pékin pour limiter la liberté d’expression.

En avril 2000, elle fit un discours de 4 heures, pour souligner l’importance de la liberté de la presse, en réponse aux propositions de Wang Fengchao, directeur adjoint du bureau de liaison chinois à Hong Kong, de limiter la liberté d’expression par l’Article 23, visant à « protéger la Chine contre les actes de trahison et de subversion ».

L’échange marquait l’apogée d’une querelle commencée en 1999 lorsque la Radio Télévision de Hong Kong produisait une émission discutant librement des relations de la Chine avec Taïwan, une initiative défendue par Anson Chan, mais placée sous le feu des critiques officielles chinoises à Hong Kong et Pékin.

La deuxième crise fut violente et aboutit, deux années après son déclenchement, à la relève en 2005 par Pékin, du premier Chef de l’exécutif Tung Chee Hwa nommé en 1997. La controverse de 2003 avait elle aussi pour objet l’Article 23 sur la sécurité, inacceptable pour la majorité des Hong Kongais. Ces derniers descendirent en masse dans la rue pour dénoncer les menaces contre la liberté de presse et d’information.

Réforme électorale.

En novembre 2009, le gouvernement de Hong Kong a fait entériner une réforme qui portait le nombre d’électeurs du Collège électoral de 800 à 1200 ; et en 2010, après un dialogue avec Pékin, il a été décidé d’augmenter le nombre de membres du Legco de 60 à 70, en ajoutant un siège à chacune des 5 circonscriptions géographiques et 5 sièges aux représentants socio-économiques qui forment à eux deux la représentation législative de la R.A.S.

Cette réforme constituait un progrès démocratique à la marge et avait provoqué une scission au sein de l’opposition. Elle ne corrigeait en effet pas les dispositions permettant à Pékin de contrôler le système politique de la R.A.S par le biais d’un Collège électoral sous influence et du Conseil Législatif, composé en majeure partie de représentants de la communauté d’affaires, économique et commerciale, largement acquise aux visées politiques de Pékin.

Toutefois, mise en œuvre pour l’élection de Leung en 2012, elle a une valeur symbolique car elle témoigne de la volonté de l’élite politique de la R.A.S de promouvoir les réformes démocratiques. Stricto sensu, elle autorise l’administration à mettre en œuvre le suffrage universel en 2017 pour l’élection du Chef de l’exécutif, et en 2020 pour celle du Conseil Législatif.

Avec cette importante restriction que la Loi fondamentale, qui, en effet, envisage à terme la mise en place d’un système démocratique avec élections directes (Art 45 et 68), stipule cependant que la réforme que Pékin doit entériner, devra « être menée à la lumière de la situation réelle à Hong Kong, et d’une manière graduelle garantissant à la fois les progrès et l’ordre ». Enfin, la réforme requiert l’accord du Chef de l’exécutif et d’une majorité des 2/3 du Conseil Législatif.

L’opposition démocratique.

Les partisans de la démocratie sont divisés entre le Parti Démocratique et un groupe de radicaux (Ligue des socio-démocrates, Pouvoir du Peuple et Parti civique) qui donnent souvent de la voix dans les meetings, interrompant les discours, prenant la tête de manifestations bruyantes et parfois brutales.

Cette mouvance, qui a pris de l’ampleur à la faveur des manifestations de 2003 et 2004 contre la Loi anti subversion, a rejeté les réformes mises en œuvres en 2009 et 2010 et provoqué la division de l’opposition.

Les deux factions se sont cependant retrouvées pour rejeter les deux candidats dos à dos en amont du scrutin. Lors d’un simulacre d’élections organisé avant le vote par l’Université de Hong Kong 50% des 223 000 votes exprimés étaient des bulletins blancs.

 

 

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