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ASEAN : Phnom-Penh dans l’œil du cyclone

Il y a au moins deux séries de raisons pour lesquelles il est nécessaire de revenir sur les relations univoques entre le Cambodge et la Chine.

La première tient au fait que Pékin déploie dans le Royaume, économiquement affaibli par la baisse de ses exports de textiles, une stratégie pesante de projets de développement assortie de largesses financières utilisées par le gouvernement royal de manière opaque, qui déséquilibrent ce pays essentiellement agraire. L’activisme chinois favorise à la fois une croissance asymétrique sans harmonie sociale et le glissement du système politique vers une autocratie univoque dont les contrepoids, manipulés, corrompus, marginalisés ou éliminés, sont de plus en plus défaillants.

La deuxième renvoie à la proximité entre Pékin et Phnom-Penh, dont les performances à la présidence de l’ASEAN sont largement contestées non seulement par les Philippines et le Vietnam, mais, incidence très inhabituelle, par le Japon. La question de la proximité entre le Cambodge et la Chine est aujourd’hui au centre d’une controverse qui touche à la cohésion et à liberté d’action des pays d’Asie du Sud-est à l’égard de Pékin, aux questions de souveraineté en Mer de Chine, et, in fine, à la rivalité globale entre Pékin et Washington.

Celle-ci couve à l’ombre des différentes réunions de l’ASEAN dans le Royaume, dont la dernière aura lieu en novembre, exacerbée par l’absence de liberté de manœuvre du pays hôte, quoi qu’il en dise, inféodé à Pékin.

Dans ce contexte, et en amont de la réunion au sommet prévue à Phnom-Penh à la fin novembre, qui devrait accueillir les présidents américains et chinois, il reste six semaines à Pékin et Washington pour désamorcer les tensions, aujourd’hui crispées par les élections aux Etats-Unis et la transition chinoise, tandis que se multiplient les incidents de souveraineté avec le Japon, les Philippines et le Vietnam, sur fond de raidissement militariste des Etats-Unis.

Le poids de la Chine et la dérive politique du Cambodge

Le rouleau compresseur chinois, qui commence à inquiéter bon nombre de Cambodgiens débordés par les affaires chinoises, brûle les étapes d’une renaissance économique et sociale dont l’harmonie devrait reposer, dans une première phase, sur l’attention portée à l’agriculture et aux fermiers, colonne vertébrale de la société et de l’économie khmère.

Au lieu de quoi, le développement à l’emporte pièce laisse précisément sur le carreau une part importante de la population rurale, transformée en supplétifs sous payés des grands projets qui les dépassent, quand elle n’est pas jetée sans ménagement dans des camps provisoires, dont le spectacle misérable renvoie à de sinistres souvenirs, au gré des évictions, nombreuses dans ce pays sans cadastre, où le problème foncier, héritage du vide administratif installé par la folie khmère rouge, est loin d’être réglé.

Dominant ce paysage économique et social tendu, l’oligarchie khmère, sino-khmère, sino-vietnamienne ou apparentée à la Thaïlande, principale bénéficiaire de la manne chinoise, est enserrée dans un réseau très dense de connexions familiales, toutes liées au pouvoir, lui-même composé d’anciens Khmer Rouges, dont Pékin fut, dans les années noires des massacres, le principal soutien.

Le paysage politique est marqué par le clientélisme, la corruption, les pressions électorales et judiciaires, assorties de menaces directes, préludes aux emprisonnements plus ou moins longs par une justice aux ordres. Ces derniers dissuadent la plupart des oppositions contre les captations de terres qui se multiplient au profit des « projets de développement », directement ou indirectement connectés au pouvoir politique et à l’armée.

Alors que l’ambiance politique, envahie par les suspicions, les chantages et les menaces contre ceux qui font mine de s’opposer, fait peser une angoisse diffuse dans la population, encadrée, surveillée et soumise aux pressions administratives des bureaucrates jusque dans les coins les plus reculés du pays, il n’y a plus la moindre chance que la démocratie puisse s’exprimer normalement, ni au travers des institutions, dont aucune n’est indépendante de l’exécutif, ni par le truchement des élections, massivement détournées par le poids des intimidations, l’ampleur des achats de vote et la multiplication des irrégularités.

Le contraste entre la réalité et les discours borgnes de la communauté internationale qui ne cessent de spéculer sur « les progrès du développement en cours », en édulcorant les symptômes des crises sociales et politiques qui montent, est au moins aussi frappant que celui qui touche à la vérité du régime en place dans le pays. Officiellement désigné comme une « monarchie parlementaire », le pays n’en a plus les apparences que dans les discours des caciques du régime et dans ceux des diplomates qui se coulent scrupuleusement dans les mensonges ambiants.

La réalité est qu’à la suite de constants abandons en échange de la mansuétude du Parti du Peuple, qui laisse toujours planer la menace d’un changement de régime, la famille régnante est, pieds et poings liés sous la coupe du pouvoir, dont les plus éminents représentants sont directement ou indirectement aux commandes du pays depuis plus de 40 ans. Une incidence inquiétante qui devrait, à elle seule, inciter à remettre en cause la réalité du système démocratique.

Dans ce paysage, où la démocratie parlementaire recule, la Chine, dont le système rejette absolument le multipartisme, l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, évolue comme un poisson dans l’eau. Son activisme économique et financier, outil de sa recherche clientéliste, véhicule aussi une influence politique qui déteint d’autant plus facilement sur le pouvoir cambodgien, héritier direct des Khmers Rouges et du Vietnam, que la culture démocratique de ce dernier est superficielle et fragile.

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A l’ombre des rivalités stratégiques entre Pékin, Hanoï et Washington


La connivence sino-khmère pèse sur l’ASEAN

Le 3 septembre, le premier ministre Hun Sen revenait d’un de ses nombreux voyages en Chine, avec, selon le ministère des finances cambodgien, un don direct à « utiliser comme bon lui semblera » de 150 Millions de RMB, soit 23,7 millions de $, à quoi s’ajoutait 80 Millions de $ de prêts et donations venant compléter les 420 millions de $ promis pour 7 projets déjà arrêtés. Enfin, au cours de son voyage en Chine, Hun Sen a pris contact avec le groupe Delong (Hebei) qui a promis d’investir plus de 2 Mds de $ dans la construction d’une aciérie dans le sud du pays.

L’investissement, colossal pour la dimension du Royaume, porterait le stock des investissements chinois connus à près de 11 Mds de $, en augmentation de 25% par rapport à 2011, confortant la Chine à sa place de premier investisseur dans le pays, loin devant la Corée du sud à 4 Mds de $. L’emprise des entreprises chinoises est protéiforme et touche plusieurs secteurs clé de l’économie tels que les infrastructures de transport, les barrages hydroélectriques, les télécom, les mines – fer et charbon -, l’agriculture et le tourisme.

Elle se traduit par l’octroi de concessions de terres, dont les entreprises chinoises sont parmi les plus gros bénéficiaires et dont la cession à un rythme qui s’accélère provoque d’incessants et douloureux conflits sociaux.

Représentant près de 60% de la superficie des terres arables du Cambodge, les concessions économiques sont contrôlées par des groupes khmers ou étrangers, le plus souvent liés à la Thaïlande, au Vietnam et à la Chine, auxquels se rajoutent quelques Européens, investis dans le sucre et l’hévéa, des Australiens, impliqués dans le secteur minier à hauteur de 700 000 hectares attribués à Southern Gold et Indochina Mining Ltd, des Malaisiens et des Sud-coréens.

Pour ajouter à la complexité qui bride la marge de manœuvre des politiques de Phnom-Penh, au Cambodge se joue aussi, en sous main, une rivalité stratégique à la visibilité asymétrique, entre la Chine de plus en plus voyante et le Vietnam discret, très mal aimé par les Cambodgiens, mais dont la présence au cours des 11 années d’occupation de 1979 à 1990 lui confère une influence politique d’autant plus déterminante que les caciques de l’actuel pouvoir politique à Phnom-Penh, échappés de justesse aux purges de leurs amis Khmers Rouges, lui doivent leur survie.

La compétition entre Hanoi et Pékin, homothétique de celle qui se joue en Mer de Chine, à l’ombre de Washington, est visible dans le Royaume et il n’est pas rare qu’une visite officielle chinoise soit suivie d’assez près par la mission d’un responsable vietnamien, tandis que le nombre de projets vietnamiens, il est vrai financièrement bien moins dotés que les Chinois, augmente rapidement.

Ayant doublé depuis 2009, le stock des investissements vietnamiens compte aujourd’hui pour plus de 2 Mds de $, en tête des pays de l’ASEAN. Leurs principales cibles sont dans l’agriculture, les plantations d’hévéa, les centrales thermiques, le sucre de palme, ainsi que les services financiers et bancaires.

Placé sous la double influence rivale de la Chine et du Vietnam – mais Hanoi et Pékin sont eux-mêmes partagés entre leurs accès de fièvre nationaliste, qui les pousse aux affrontements et leur volonté de coopération -, Phnom-Penh devra encore éviter que s’exacerbe chez lui, lors des prochaines réunions au sommet de l’ASEAN en novembre, la rivalité stratégique de l’étage supérieur entre Pékin et Washington, à laquelle pourrait encore s’ajouter les tensions entre la Chine et le Japon.

Pour le pouvoir cambodgien, en première ligne au milieu de ces rivalités croisées, surveillé de près par les Etats-Unis qui critiquent son mauvais bilan sur les droits de l’homme et son penchant prochinois, de plus en plus prisonnier des investissements de Pékin, la partie sera d’autant moins simple que, lors du dernier sommet des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN, sa prestation, jugée partiale, fut sévèrement critiquée par Hanoi et Manille, engagés avec la Malaisie et Brunei dans une forte controverse de souveraineté avec Pékin à propos de la Mer de Chine.

L’accusation de partialité pro chinoise adressée au Cambodge aura probablement trouvé un nouveau fondement quand, le dimanche 2 septembre, Wen Jiabao remercia Hun Sen en visite en Chine, « pour le rôle important joué par Phnom-Penh dans le maintien des relations amicales entre la Chine et l’ASEAN ».

Le malaise de Phnom-Penh, qui s’est soldé par la relève en catastrophe de son ambassadeur aux Philippines, est d’autant plus palpable qu’aux critiques de Manille et de Hanoi, Tokyo vient d’ajouter les siennes. Le 5 septembre, initiative diplomatique rarissime, l’Ambassade du Japon à Phnom-Penh expliquait en effet que son pays avait été mécontent du Cambodge, à la fois du fait de son attitude sur les questions de la Mer de Chine et parce qu’il avait ignoré sa requête de mentionner le différend du Japon avec la Corée du Nord à propos des Japonais enlevés par les Nord-coréens entre 1977 et 1983.

Commentaire.

Dans ce contexte, tendu et compliqué, le bon déroulement du prochain sommet de l’ASEAN, présidé par Phnom-Penh dépendra fort peu de l’influence des responsables cambodgiens, dont la marge de manœuvre est faible, mais bien de la bonne volonté des acteurs majeurs que sont Pékin, Washington et Hanoi. Tokyo et Manille, en embuscade, à l’écoute de leur mentor américain, restant de potentiels fauteurs de trouble.

Quant aux autres pays de l’ASEAN, ils tenteront, avec le Secrétaire Général Surin Pitsuwan, tout à la fois d’abord de calmer les tensions sur les questions de souveraineté en Mer de Chine, à défaut de régler le problème, insoluble tant que Pékin refusera de tempérer ses revendications globales, ensuite de préserver la cohésion de l’association, tout en ménageant leurs relations tant avec Pékin qu’avec Washington.

Mais entre ces deux principaux acteurs, dont la rivalité pèse sur l’ASEAN et le Cambodge, l’heure est toujours à la crispation, malgré les bonnes paroles réciproques, où perce la volonté affichée d’apaiser la relation. Le 4 septembre, le porte parole du gouvernement chinois demandait à Washington de se tenir à l’écart des disputes territoriales, laissant entendre que les initiatives américaines, assez souvent marquées par des démonstrations de forces ou des manœuvres militaires avec le Vietnam ou les Philippines étaient porteuses de tensions.

Dans le même temps, en amont de la visite à Pékin de H. Clinton, le Global Times se laissait aller à publier un éditorial où il expliquait que « beaucoup de Chinois n’aimaient pas la Secrétaire d’Etat », accusée par l’auteur « d’avoir fait surgir entre les deux sociétés de nouvelles et profondes méfiances, qu’il sera difficile d’effacer », tandis que, dans un éditorial publié en première page, le Quotidien du Peuple suspectait Washington de vouloir tirer avantage des différends chinois avec le Japon à propos de Senkaku.

Washington joue une partie complexe, cherchant à la fois à préserver sa relation avec la Chine, importante pour le traitement des affaires syrienne, iranienne et nord-coréenne, tout en donnant l’impression, bien qu’il s’en défende, d’avoir pris fait et cause pour les Philippines et le Vietnam. S’il est vrai – dit Marck Valencia, l’expert américain de la Mer de Chine – « que la Maison Blanche ne considère pas officiellement que les revendications de l’ASEAN soient nécessairement justes », tout, dans les attitudes du pouvoir américain, laisse entendre que leurs arguments auraient plus de fondement que ceux de la Chine.

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Chine – Monde. Brèves

ASEAN : Forum économique de Siemreap.

Le 29 août, dans le cadre de la présidence cambodgienne de l’ASEAN, a eu lieu à Siemreap, « la capitale de temples d’Angkor », un sommet économique dont l’ambiance tranchait nettement avec les tensions des réunions politiques de Phnom-Penh.

Rappelant que la Chine était le 1er partenaire commercial de l’ASEAN, le ministre du commerce chinois Chen Deming a répété que les intentions chinoises étaient de préserver « de bonnes relations de voisinage, d’amitié et de coopération avec les pays de l’ASEAN ».

Malgré la baisse moyenne de la croissance de 7,6% à 4,7% entre 2010 et 2011, le commerce entre la Chine et l’ASEAN a atteint 200 Mds de $ au cours des 7 premiers mois de 2012.

Les chiffres cachent cependant des situations très inégales entre les pays qui craignent que l’invasion des produits chinois après les accords de libre échange de 2010 avec la Chine, n’asphyxient leurs entreprises et aggravent le chômage (comme les Philippines et dans une certaine mesure l’Indonésie) et d’autres pour qui l’ouverture du marché chinois constitue une opportunité pour leurs industries d’assemblage high-tech. (Thaïlande, Malaisie, Singapour).

A la fin 2011, Surin Pitsuwan, le Secrétaire Général de l’ASEAN expliquait que les accords avaient clairement été à l’avantage de la Chine, mais, rassurant, il soulignait aussi que globalement le déficit commercial des pays de l’ASEAN avec la Chine était en train de disparaître (entre 2008 et 2010 il est passé de 20 à 5 Mds de $).

Visite du Mindef chinois en Inde.

Largement documentée dans les médias chinois, la visite en Inde du général Liang Guanglie, qui était la première d’un ministre de la défense depuis 8 ans, a été jugée très positive par les autorités chinoises et la presse officielle.

A l’évidence la rencontre, qui a décidé de reprendre les exercices militaires entre les deux armées, avait pour but de réparer les dommages des acrimonies à l’œuvre entre les deux pays, autour des zones frontières contestées et, plus récemment, en Mer de Chine.

Le point d’orgue des querelles avait été atteint à l’automne 2011, quand la compagnie d’hydrocarbure indienne ONGC (Oil and Natural Gas Corporation), sous contrat avec le Vietnam, avait entrepris des forages dans une zone contestée par Hanoi et Pékin, à l’Ouest des Philippines et des Spratly, alors que le MAE chinois ne cessait de répéter ses mises en garde : « les compagnies pétrolières qui conduisent des explorations dans des eaux contrôlées par la Chine, sans l’accord de Pékin violent la souveraineté de la Chine ».

La vision positive de la rencontre est loin de rendre compte des contentieux encore vivaces entre les deux pays qui vont de profondes méfiances culturelles, aux querelles de frontières, à quoi s’ajoutent les jalousies de statut et d’image éprouvées par New Delhi, souvent agacée des arrogances chinoises qui voient l’Inde comme un pays chaotique.

Les inimitiés se nourrissent aussi de la question tibétaine, de la proximité stratégique entre Pékin et Islamabad, sans parler des récentes crispations chinoises après la décision américaine de considérer l’Inde comme un partenaire stratégique prioritaire, vue de Pékin comme une nouvelle tentative de la Maison Blanche et de New-Delhi de freiner la montée en puissance de la Chine.

Pour la petite histoire, une polémique a surgi en Inde, durant le voyage de Liang Guanglie après que ce dernier ait remis un pourboire aux pilotes de l’armée de l’air indienne qui l’avaient conduit de Mumbai à New-Delhi
Lire aussi : Tensions avec l’Inde. La version dure de la puissance douce.

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Chine – Japon, les tensions ne faiblissent pas.

En août les tensions maritimes se sont reportées de la Mer de Chine du Sud vers la Mer de Chine de l’Est, entre Tokyo, Pékin et Séoul, à propos de la souveraineté sur les ilots Tokdo (Takeshima pour le Japon) qui impliquent Tokyo et Séoul et des îlots Diaoyutai (Senkaku pour les Japonais) revendiqués par la Chine et le Japon, et objets de querelles incessantes ponctuées par de fortes bouffées de haine. Celles-ci couvent toujours sous les braises mal éteintes du souvenir des brutalités japonaises sur le territoire chinois entre 1933 et 1945.

Mais cette fois, ce n’est pas la Chine qui est montrée du doigt pour son arrogance et ses revendications extravagantes, mais bien le Japon, stigmatisé à la fois par Pékin, Taïwan et la Corée du Sud. Ce front commun de l’Asie du Nord-est ciblant Tokyo qui revendique d’une part l’Ilot Tokdo, également convoité par Séoul, situé à équidistance presqu’exacte (100 nautiques) des côtes coréennes et du Japon, et d’autre part, l’Ile de Diaoyutai (Senkaku), également revendiqué par Pékin et Taipei (à 120 nautiques au Nord-est de Taïwan, et à 220 nautiques d’Okinawa), renvoie aux réminiscences néfastes des dérapages militaires japonais de la guerre.

Les échauffourées autour de ces deux îlots, ponctuées par des débarquements fortement médiatisés d’activistes brandissant des drapeaux chinois et coréens sur les îlots, ont atteint leur apogée lors de la capture par les forces d’autodéfense japonaises, mi-août, de 14 ressortissants chinois de Hong Kong, débarqués sur Diaoyutai, qui furent libérés le 17 août.

A Pékin, l’incident a fait resurgir la haine anti japonaise, assortie de manifestations face à l’Ambassade du Japon, qui répondaient aussi à la visite par 3 ministres du gouvernement de Noda au temple de Yasukuni, le 15 août dernier.

Les tensions sont encore montées d’un cran quand la presse japonaise a laissé entendre, le 5 septembre, que le gouvernement japonais pourrait, à la mi-septembre, approuver un projet d’achat par l’Etat pour 26,15 millions $ de 3 des Diaoyutai (Senkaku) qui, selon le journal, appartiendraient à un propriétaire terrien de la région de Saitama, au nord de Tokyo. Depuis la mi-août Pékin répète sa détermination à défendre les îlots par la force et critique la tendance des Etats-Unis à multiplier les exercices militaires dans la zone, qui « à l’évidence ciblent la Chine ».

Le 29 août dernier, une déclaration ambigüe de la porte parole du Département d’Etat, Victoria Nuland, ajoutait de l’huile sur le feu en affirmant à la fois que les Etats-Unis ne prenaient pas partie dans les querelles territoriales, mais que la zone des Senkaku se situait dans le scope de l’Article 5 du traité de défense avec Tokyo signé en 1960, stipulant que les Etats-Unis prêteraient main forte au Japon en cas d’agression contre son territoire.

En août, l’International Crisis Group a exprimé ses inquiétudes face à la dégradation des relations entre la Chine, le Japon et les Etats-Unis, soulignant la part dangereuse prise par les sentiments nationalistes dans la relation, notamment entre Pékin et Tokyo.
Lire aussi : Relations Chine-Japon. Les non-dits de l’irrationnel.

Angela Merkel, une nouvelle fois en Chine.

Du 31 août au 7 septembre, la chancelière a effectué sa deuxième visite en Chine en moins de 8 mois. La fréquence des échanges de haut niveau confirment que Berlin et Pékin ont des intérêts réciproques. Mais ces derniers ne sont peut-être pas toujours totalement convergents.

Si l’Allemagne cherche un marché pour ses produits high-tech, ses voitures haut de gamme et des investissements pour la reprise de quelques unes de ses sociétés en difficulté, la Chine vise les hautes technologies allemandes, et un relais d’influence pour désarmer les querelles commerciales avec l’UE (panneaux solaires) et peut-être obtenir par cette voie oblique la levée de l’embargo européen sur les ventes d’armes et la reconnaissance par l’UE de son statut d’économie de marché.

Au cours de la visite, les questions politiques et stratégiques – droits de l’homme, transparence, copyright, position de la Chine sur la Syrie – ont été mises en sourdine. La Chancelière, qui sait très bien que l’industrie solaire européenne est elle-même subventionnée, ce qui complique les visions manichéennes blâmant systématiquement la Chine pour dumping, a même adopté un ton de conciliation, laissant qu’elle n’appuierait pas la plainte à l’UE pour dumping de 20 pays européens qui accusent la Chine de subventionner ses panneaux solaires.

La moisson d’affaires a été impressionnante, avec la commande par la Chine de 50 Airbus (2,8 Mds d’€) et l’accord chinois pour la construction par Volkswagen d’une usine à Tianjin grâce à un investissement de 230 millions d’€. A quoi s’ajoute un contrat avec Eurocopter de 10 millions d’€ dont la teneur n’a pas été dévoilée à la presse.

A. Merkel a aussi exhorté le Fonds souverain chinois à investir dans le fond de stabilisation européen, mais la réponse chinoise est comme à l’habitude restée évasive, les groupes chinois préférant, pour des raisons opérationnelles investir directement dans les entreprises allemandes high-tech en mal de cash.

Lire aussi : Chine – Allemagne – Europe. Le grand malentendu.

Pavé chinois dans la mare Nord-coréenne.

Alors qu’après le limogeage en juillet du chef des armées Ri Yong Ho, pourtant fidèle de Kim Jong Il et le mariage très médiatisé de Kim Jong Eun, les commentaires allaient bon train sur la possible ouverture du régime nord-coréen sur le mode chinois des années 80, le groupe chinois Liaoning Xiyang, engagé en Corée du Nord dans un projet d’exploitation conjointe de mines de fer, a fait sensation en accusant vertement Pyongyang d’avoir suspendu leur coopération sans préavis.

L’attitude chinoise est inhabituelle dans un contexte en général opaque où les informations bonnes ou mauvaises sur les relations entre Pékin et Pyongyang sont rares. La direction du groupe chinois a justifié la mise en ligne des critiques qui soulignaient les difficultés d’investir en Corée du Nord, en expliquant qu’elle souhaitait mettre en garde les investisseurs potentiels chinois de ne pas tenter l’aventure.

Situé au sud-ouest du pays, dans la province de Hwanghae-namdo, le projet avait été lancé en 2007, et était destiné à relever la qualité du minerai de fer pour une production annuelle envisagée de 500 000 tonnes. La part chinoise dans l’investissement était de 75%, soit 56 millions de $. Selon le PDG du groupe chinois, les Nord-coréens se sont retirés en refusant de payer les 30 millions de $ de compensation prévus en cas de rupture du contrat. « C’est une leçon. On ne nous y reprendra pas » a déclaré le n°2 du groupe chinois Wu Xisheng, au nom prédestiné, homonyme de « sacrifice ».

Réseau ferré chinois en Asie du Sud-est.

A la mi-août, le China Daily, mêlant la propagande à la vérité des faits, a publié un article assorti d’une carte montrant les projets de liaisons ferrées entre le Yunnan, le Myanmar, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour à l’Ouest et Kunming, Hanoi, Ho Chi Minh, Phnom-Penh à l’Est, avec un embranchement vers le Laos.

Faisant cela le Parti tente d’accréditer l’idée d’une large zone de développement commercial et touristique, connectée sous la houlette de la Chine, sur ses marches méridionales. En réalité, le schéma de connexions ferroviaires en Asie du Sud-est reprend des projets de l’époque coloniale concoctés par les Anglais à l’Ouest et les Français à l’Est. Il se rattache aussi aux projets du réseau Trans Asian Railway qui datent de 1960.

La partie Singapour – Bangkok est depuis longtemps opérationnelle. En Chine, en revanche, le projet, estimé à 700 millions de $ par le journal pour la partie chinoise - à l’évidence très largement insuffisant -financé par le ministère du rail et le gouvernement du Yunnan, lui-même intéressé par des ouvertures vers l’océan indien et la mer de Chine, en est encore à ses débuts. La branche vers le Laos, dont la construction devait démarrer en avril 2011 a été retardée. Sa mise en œuvre est maintenant prévue pour 2020.

En 2006, le projet de tronçon Kunming – Singapour, par Mandalay, Rangoon et Bangkok a été intégré à l’accord de planification international pour le réseau Trans-Asian Railways (TAR), signé par 17 pays d’Asie de l’Est et d’Asie Centrale, dont le but est de relier Singapour à la Turquie avec d’autres connexions possibles vers l’Europe et l’Afrique.

La réalisation du projet se heurte à d’importants problèmes techniques liés à l’écartement des voies et à la topographie très accidentée de la région. La seule partie du trajet Yuxi-Mengzi au Yunnan (141 km) comporte 35 tunnels et 61 ponts. Le tronçon Kunming - Haïphong (850 km) remplacera la vieille voie ferrée à voie étroite construite par les Français en 1910 sous l’impulsion de Paul Doumer gouverneur de l’Indochine, qui spéculait sur la richesse du sous-sol chinois.

 

 

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