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›› Technologies - Energie

Nucléaire, transferts de technologies et guerre commerciale

Construction d’un réacteur AP 1000 à Sanmen
par Westinghouse et la State Nuclear Power Technology Company 国 家 核 电

Pékin vient de communiquer de manière assez ambiguë sur l’état de son industrie nucléaire civile et ses capacités à l’export. Selon un article publié le 2 février par le China Daily, qui citait Gu Jun, Président de l’autorité nucléaire, « la Chine disposera dès cette année d’un réacteur nucléaire de la famille CAP 1400 développé de manière indépendante et exportable sur le marché mondial ».

Le journal ajoute, citant toujours Gu Jun , que « l’industrie nucléaire chinoise possède les droits de propriété du CAP 1400, ce qui rend l’exportation possible et qu’à cet effet une unité modèle sera construite d’ici la fin 2013 ».

Mais, dans le même temps, l’auteur précise que cette réalisation repose sur une coopération avec Westinghouse à partir des technologies de l’AP 1000, réacteur de 3e génération à l’efficacité énergétique supérieure à celle des modèles plus anciens, dont la première unité, construite à Sanmen Zhejiang, sera opérationnelle en 2014 et les 3 autres en 2016 (une autre à Sanmen et deux autres à Haiyang, au Shandong). En 2011 la société américaine a engagé des négociations pour la construction de 10 réacteurs supplémentaires.

Enfin, citant un chercheur, expert en énergie de l’université de Xiamen, le China Daily met en doute la réalité d’un transfert à 90% des technologies de l’AP 1000 à la Chine par Westinghouse et s’interroge sur les chances réelles du CAP 1400 qui n’a pas encore fait ses preuves en Chine.

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Transferts de technologies et compétition commerciale.

Selon un schéma ultra classique, la technologie de l’AP 1000 a été transférée à la Chine en échange de l’ouverture du marché chinois au profit de Westinghouse, dans le cadre d’accords conclus entre 2007 et 2011 entre la compagnie américaine et SNPTC (State Nuclear Power Technology Company 国 家 核 电), le maître d’œuvre de l’autorité nucléaire nationale.

Le China Daily précise que l’accord comporte à la fois une assistance technique et des contrats très précis pour 34 séries de technologies et tâches à transférer, divisées en 7 catégories faisant l’objet de 27 sous-licences, appliquées à 30 éléments séparés du réacteur.

Selon Gu Jun, président de l’autorité nucléaire nationale, 90% de la technologie de l’AP 1000 auraient déjà été « sinisées », dans un processus ayant impliqué, avec Westinghouse, plusieurs très gros contractants industriels, dont le Coréen Doosan Heavy Industries, le Japonais Mitsubishi, ainsi que les Chinois Huaneng, China 1rst Heavy Industry, Shanghai Electric Group Corporation et Harbin Power Equipement.

Un autre contrat séparé de 35 millions de $, comprenant l’installation à Baotou d’équipements américains, a été signé avec Baotou Nuclear Fuel Co, - 中核北方核燃料元件公司-, destiné à produire du combustible pour les AP 1000.

Plus étrange encore, contredisant l’affirmation d’indépendance, l’article explique que « Westinghouse maître d’œuvre de la chaîne de production gardera la main dans l’exploration commerciale », mais que « localement, sur certains marchés, comme l’Afrique du Sud, l’industrie nucléaire nationale chinoise espérait pouvoir prendre l’initiative et promouvoir le CAP 1400 pour son compte ».

Enfin et surtout, le China Daily doute lui-même du succès du CAP 1400, citant Lin Boqiang directeur du centre de recherche sur l’énergie à l’université de Xiamen : « alors que la demande globale reste faible, on ne voit pas pourquoi un client choisirait un équipement moins connu que l’AP 1000 ».

A quoi Lin ajoute, toujours cité par le China Daily, contredisant Gu Jun : « s’il est vrai que la Chine détient les droits de propriété du CAP 1400, cédés en échange de l’ouverture du marché aux AP 1000, il n’est pas impossible que les Etats-Unis contrôlent toujours le cœur des technologies de l’AP 1000 et de l’AP 1400 ». En tout état de cause, conclut l’article, il faudra d’abord construire une dizaine de réacteurs AP 1400 en Chine avant que cet équipement soit crédible à l’international.

Alors que la crainte des captations technologiques chinoises ne faiblit pas, sur fond de rivalités commerciales entre l’offre française et américaine, certains, en France, relèvent que l’allusion du China Daily à l’Afrique du Sud - qui fut il y a quelques mois l’objet d’un sévère contentieux franco-chinois - suggère clairement une stratégie de pressions exercées sur l’industrie nucléaire française.

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TECHNOLOGIES – BREVES (1)

Espace

Depuis le 18e Congrès, le Parti a plusieurs fois confirmé ses plans à court et moyen terme de conquête de l’espace. D’ici juin 2013 l’industrie spatiale chinoise lancera Shenzhou 10, vaisseau habité de 3 spationautes, dont la mission sera un nouvel arrimage à la station spatiale chinoise en cours de montage et dont l’achèvement est prévu en 2020.

La seconde moitié de l’année verrait l’alunissage d’un engin d’exploration chinois télécommandé. Même si le rythme a baissé, les progrès restent rapides. En moins de 10 ans, la CASC a progressé du premier vol habité (2003) à l’amarrage dans l’espace d’un module avec un embryon de station spatiale (2012), en passant par une sortie dans l’espace réussie (2008).

Mais les progrès rapides soulèvent des inquiétudes aux Etats-Unis qui craignent de perdre leur monopole. Dans un rapport au Congrès de la Commission pour le suivi des questions de sécurité dans la relation Chine – Etats-Unis, en date de mai 2011, on pouvait lire en introduction une déclaration alarmiste qui spéculait sur « les aspects inquiétants des progrès chinois ».

Ces derniers pointaient du doigt « les capacités antisatellites de la Chine, le caractère provoquant des manœuvres à distance de satellites, le mauvais contrôle des débris après la destruction en vol d’un vieux satellite en 2007, à proximité de la station spatiale internationale, au point que les occupants américains et russe durent se réfugier dans une capsule de protection ».

Il continuait en dénonçant l’opacité du programme chinois contrôlé par l’APL et mettait en garde l’administration américaine contre une coopération spatiale déjà considérée par le rapport comme « allant trop loin ». (The implications of china’s militaryand civil space program).

Le programme spatial chinois a peut-être des arrières pensées militaires. Du fait de son opacité, il alimente des rumeurs, notamment autour des armes antisatellites et des armes Laser. (Lire notre article L’espace, lieu de toutes les méfiances). Mais il n’est pas le seul. Les Etats-Unis sont également animés par la volonté de contrôler sans partage la sécurité de l’espace. Lire Guerre de l’espace et poker menteur).

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TECHNOLOGIES – BREVES (2)

Gros porteur militaire

Début janvier, quelques jours après que des photos de l’appareil prises à Xian aient circulé sur Internet, le ministère de la défense chinois a confirmé le développement par AVIC d’un cargo militaire baptisé Y-20.

Il s’agit d’un avion de transport militaire de 45 à 50 m d’envergure, équipé de 4 turbopropulseurs, dont l’allure générale fait penser au C.17 américain. A ce sujet, la presse spécialisée rappelle qu’en 2010 Greg Chung, citoyen américain d’origine chinoise, employé par Boeing en Californie avait été condamné à 15 ans de prison pour avoir transmis à AVIC des secrets de fabrication du C.17.

Comme toujours une incertitude subsiste sur le type de moteurs qui équipera l’avion. La majorité des experts parient sur le D-30 russe qui équipe le Tupolev 154M, version modifiée du moteur du MIG-31. D’autres pointent les progrès des WS-18 et WS-20 développés par la Chine ou encore une variante militaire du CJ-1000 qui devrait équiper le C919 de Comac, plus puissant, dit-on, que le Pratt & Whitney du C-17 américain ou que le modèle proposé par CFM International.

L’appareil, qui n’a pas commencé ses tests a une capacité d’emport de 60 tonnes – contre 77 tonnes pour le C-17 et 40 tonnes pour l’IL 76 -. Son rayon d’action est de 4000 km. Quand il équipera l’APL il confèrera à la Chine une allonge stratégique lui permettant d’intervenir sur tout le territoire chinois et dans tout le théâtre des îlots contestés des mers de Chine du Sud et de l’Est. Mais dans sa communication, le ministère de la défense chinois n’a évoqué aucune mission de défense, se contentant de rappeler l’efficacité de l’Y 20 pour les missions humanitaires.

Test antimissile.

La presse officielle a fait état d’un nouveau test antimissile effectué le 27 janvier par la 2e artillerie sur le territoire chinois, sans préciser le lieu. Compte tenu de la complexité de l’exercice qui consiste à stopper un missile de croisière ou balistique entrant à très grande vitesse, ce qu’aucun pays, y compris les Etats-Unis, ne maîtrise vraiment à 100%, les déclarations chinoises sur ce type de test ont une signification politique.

Elles répondent en général à une vente d’équipements américains à Taïwan ou à une crispation de la relation avec les Etats-Unis. Le dernier test en date avait eu lieu en janvier 2010 pour protester contre la livraison à l’Île de systèmes antimissiles PAC 3. Cette fois, elle est encore une fois une réponse à la modernisation de la défense de l’Île (radars - PAC 3).

Les Américains développent aussi une capacité antibalistique au profit de Taïwan et pour se protéger d’un tir de missile nord-coréen contre leurs troupes sur le théâtre du nord-est asiatique. A l’occasion elle pourrait aussi servir contre une attaque missile chinoise.

Mais, compte tenu des lacunes du système, la capacité antimissile n’est pas dissuasive. Elle peut même conduire l’adversaire à améliorer son arsenal balistique ou les performances de ses missiles de croisière. C’est en tous cas ce qui se produit dans la zone, où on assiste à une constante modernisation des arsenaux de missiles et des dispositifs anti missiles de la Chine, de la Corée du nord et du Sud, de Taïwan, des Etats-Unis, du Japon et de l’Inde.

Attaque de hackers contre le New-York Times.

Selon le New-York Times, le système informatique du journal aurait subi des attaques de « hackers » chinois au cours des 4 derniers mois. Des données et des mots de passe auraient été piratés par le truchement de logiciels espions introduits dans le réseau interne du journal. Les mots de passe ainsi obtenus autorisèrent l’accès à 53 ordinateurs personnels.

L’une des cibles était le journaliste David Barboza, auteur de l’article qui avait dévoilé la fortune de Wen Jiabao. La même mésaventure est arrivée à Bloomberg qui avait rendu publics les éléments des affaires de la famille de Xi Jinping. Lire http://www.questionchine.net/wen-yeye-l-ami-du-peuple-entre-corruption-et-guerre-des-clans

Le 5 février Xinhua a réagi à ses accusations. Zhou Shijian, professeur au Centre des relations sino-américaines de Qinghua, rappelait que la localisation des hackers restait un exercice difficile et que la Chine avait elle-même été victime de plus de 12 000 attaques en 2012, dont plus de 1000 contre des sites gouvernementaux. Et même si l’origine des attaques était identifiée en Chine, elles pouvaient être le fait de particuliers.

Quant à Liu Deliang, directeur de l’institut d’études pour la réglementation du cyber trafic, il accusait les Etats-Unis de chercher des excuses pour déclencher une « guerre pour la sécurité d’internet », et augmenter les barrières commerciales ou pour imposer des sanctions ». Selon lui un nouvel avatar de la volonté hégémonique de Washington.

 

 

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