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›› Economie

1er Trimestre 2013. Le temps des grands défis

S’il est un domaine où le pouvoir semble décidé à reprendre les réformes laissées en plan depuis 2008, pour cause de crise, c’est bien l’économie. C’est en tous cas ce qui ressort des discours de la 12e ANP et des premières mesures concrètes prises par le nouveau gouvernement.

Pour faire face aux défis financiers, techniques, sociaux et politiques de l’urbanisation massive en cours – au moins 300 millions de Chinois auront migré vers les villes d’ici 2025 -, afin d’abaisser le pouvoir des groupes publics et des banques et d’améliorer la productivité de l’industrie, le premier ministre s’est entouré d’une équipe toute entière formée par l’ancien premier ministre Zhu Rongji, qui fut le pourfendeur de l’étatisation et des gaspillages ainsi que le promoteur inconditionnel du marché.

Avec l’aide de Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque Centrale, reconduit à son poste et Lou Jiwei, nouveau ministre des finances, également formé à l’école de Zhu, il entend, sans freiner le développement, réformer le système financier accablé par l’accumulation des dettes des provinces, contenir l’inflation, mettre en place des outils plus performants de contrôle et de gestion du marché financier, avant de l’ouvrir à la concurrence extérieure, et favoriser la bascule progressive du moteur de la croissance vers la consommation intérieure.

La tâche est immense, d’autant que l’absence de réformes politiques favorise les intérêts retranchés dans la collusion entre les groupes publics et les banques d’État, à quoi s’ajoutent les difficultés sociales, financières et politiques du problème enkysté que représentent les 260 millions de migrants non intégrés, dans un contexte général où le pouvoir ne se met pas en mesure de réduire la corruption endémique de l’administration et où les dégâts provoqués à l’environnement, estimés à au moins 3 à 4% du PNB, soit 230 Mds $, par l’Académie de Planification de l’environnement, ne seront freinés qu’à la marge malgré les efforts pour promouvoir les énergies alternatives.

A l’extérieur, et en dépit de la publicité faite au voyage du Président Xi Jinping en Russie, en Afrique et à la rencontre des BRICS à Durban, le centre de gravité des intérêts économiques et commerciaux chinois reste concentré aux Etats-Unis, en Europe, en Asie du Sud-est et au Japon. S’il est vrai que les Investissements Directs chinois à l’étranger augmentent rapidement, leur montant ne représente encore que 5% des flux mondiaux, dont la majorité est toujours originaire d’Amérique du Nord, d’Europe et du Japon.

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CONTRÔLE MACRO ÉCONOMIQUE

La nouvelle équipe installée aux commandes économiques de la Chine, avec Ma Kai comme vice-premier ministre, Lou Jiwei aux finances et Zhou Xiaochuan maintenu à la Banque Centrale, tous trois émules de Zhu Rongji, principal artisan de l’abaissement du pouvoir des entreprises publiques et ardent pourfendeur des intérêts corporatistes, la direction chinoise exprime plusieurs objectifs majeurs.

Pour Li Keqiang, les priorités sont d’accompagner l’urbanisation massive de la Chine, reprenant la réforme laissée en plan par l’équipe précédente, en réduisant l’influence des grands groupes publics, obstacles aux réformes, en privilégiant l’initiative privée et en poursuivant la remise en ordre du système financier accablé par les dettes des provinces, sans oublier la nécessité de contrôler l’inflation, récemment repartie à la hausse.

« Si on souhaite améliorer la vie des populations, il est nécessaire que les budgets soient étroitement contrôlés », a rappelé le nouveau Premier Ministre qui, dans sa conférence de presse de clôture de la 12e ANP, a cité une douzaine de fois la nécessité des réformes. La force des défis se lit aussi dans l’urgence d’améliorer massivement la productivité d’une économie encore très gaspilleuse, dans un contexte où les obligations financières de l’État, qui devra engager plus de 6000 Mds de $ dans le chantier de l’urbanisation, s’alourdissent considérablement.

Selon un analyste proche de la Commission Nationale pour la Réforme et le Développement, un consensus existe dans l’appareil pour considérer que les réformes sont directement liées à la survie du Parti. Lou Jiwei, le nouveau ministre des finances et Xiao Gang, à la tête de la Commission de contrôle des opération boursières, sont sur la même longueur d’onde : « les banques chinoises paraissent solides, mais le marché du capital est erratique. Ouvrir les comptes de capitaux sans réformer le marché serait dangereux ».

Deux autres objectifs, lancinant arrière plan de la situation chinoise, s’ajoutent à ces priorités : la lutte contre la corruption et la bataille contre la pollution, dont le coût a été estimé à 3,5% du PNB ou 320 Mds de $, par l’Académie de la planification écologique, rattachée au ministère de l’environnement.

Mais ces deux combats tiennent du mythe du Sisyphe, handicapés par la non indépendance de la justice et la priorité absolue toujours accordée à la croissance, principal adjuvant de la légitimité du Parti. Cette réalité fonde les conclusions d’un rapport publié en février par la Deutsche Bank qui estime que l’environnement chinois se dégradera encore au moins pendant les 10 ans qui viennent.

Les chiffres et les décisions des trois premiers mois de 2013 donnent une image contrastée de la reprise économique fragile avec un rebond de la production, mais des ventes de détail encore faibles, à quoi s’ajoutent la réapparition des risques de bulle immobilière et la reprise de l’inflation.

Dans le même temps, le lobby des provinces a tenté de contourner les mesures de contrôle du crédit aux gouvernements locaux, mis en place par Commission de régulation bancaire, qui comporte un mécanisme d’alerte des financements irréguliers, la stigmatisation des dépenses excessives – dans la droite ligne des actions de Zhu Rongji entre 1998 et mars 2003 -, et l’obligation pour les provinces de rendre public en temps réel leur niveau d’endettement.

Cette situation, où les intérêts locaux et corporatistes résistent au mesures de rigueur financière, renvoie à la contradiction entre la nécessité énoncée par la Banque Centrale de juguler le crédit et de mettre de l’ordre les marchés financiers et la relance par l’investissement voulue par de nombreux acteurs locaux et principal stimulant du pouvoir des grands groupes et des banques publiques.

Alors que les chiffres publiés en mars révélaient une accélération de l’inflation par rapport aux 2 premiers mois de 2012 avec + 2% en janvier et + 3,2% en février, le 5 février 2013, le Conseil des Affaires d’Etat faisait connaître un projet de taxation des groupes publics et promettait de mettre en place une taxe à la propriété, assortie d’un impôt sur les transactions immobilières, sans cependant préciser dans quels délais.

Pour compenser les mesures de contrôle de la masse monétaire, des incitations fiscales, boursières et financières ont été mises en place pour faciliter l’importation (baisse des taxes sur 780 produits, dont le lait en poudre pour enfants, les machines outils pour l’industrie automobile et les produits du caoutchouc), pour transférer au moins 30% des profits annuels aux actionnaires, une première en Chine, accompagnée par la réduction des taxes sur des dividendes perçus, tandis que, pour favoriser la liquidité du marché, la Banque de Chine lançait près de 150 Mds de $ de prêts-emprunts - échange des titres contre un emprunt, en général, à court terme -.

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FINANCES

Nombre d’analystes pointent du doigt les risques du système financier chinois, principale raison du maintien à son poste de Zhou Xiaochuan gouverneur de la Banque Centrale. Le problème est connu. Il tient aux garanties offertes par les banques chinoises aux gouvernements locaux et aux grands groupes publics, dans un contexte où la disponibilité des garanties bancaires sont elles-mêmes aléatoires, puisqu’elles reposent en partie sur des actifs immobiliers non disponibles immédiatement en cas de crise et dont la valeur chuterait si elles étaient mises sur le marché.

La valeur totale des dettes des gouvernements locaux qui comptent pour 46,7% des dettes totales de la Chine, est estimée à 1700 Mds de $, avec seulement une infime proportion d’administrations locales ayant un budget équilibré. Au cours des derniers mois les autorités bancaires chinoises ont constaté une augmentation rapide des prêts accordés par les structures de financement locales dont beaucoup remboursent les investisseurs en spéculant sur des placements à risques ou à la structure mal connue.

Dans sa livraison de janvier 2013 du Bulletin Économique de Chine, la Mission Economique et Financière de l’Ambassade de France cite Xiao Gang, ancien gouverneur de la Banque de Chine, devenu Président de la Commission de régulation boursière qui compare le système à une « chaîne de Ponzi », occultant l’ampleur des dettes non recouvrables, dont la toxicité pourrait créer une réaction en chaîne en cas de défaut d’une banque locale.

Le 28 mars, un article en ligne du magazine Caixin, reconnaissait le chemin parcouru par les grandes banques publiques chinoises, entrées sur le marché avec succès et classées au sommet des banques mondiales par la taille de leurs actifs et l’ampleur de leurs profits. Il ajoute que la Banque Centrale progresse lentement vers des mécanismes de l’économie de marché, où le coût du capital ne dépend pas de la bureaucratie, mais est lié au taux d’intérêts et au taux de change.

Pour autant, toujours selon Caixin, beaucoup reste à faire alors que les résistances au changement et à l’ouverture restent très fortes. Libérer les banques du contrôle politique qui détient encore 80% de leurs actions ; légiférer sur les faillites des institutions financières ; règlementer la Banque de Développement qui fonctionne sans cadre légal ; mieux codifier le fonctionnement des structures de défaisance comme Huijin, dont les opérations de rachat de dettes toxiques restent opaques ; libéraliser les taux d’intérêts ; ouvrir le secteur financier aux capitaux privés, y compris étrangers.

Dans ce contexte, les autorités chinoises entendent aussi poursuivre le processus d’internationalisation du Yuan qui même s’il a fortement progressé en 2012, reste encore très marginal. Selon le Bulletin économique de l’ambassade de France en Chine, les règlements commerciaux transfrontaliers, et les investissements directs effectués en monnaie chinoise ont atteint respectivement 467 Mds de $ et 280 Mds de $, soit des huasses de + 41% et +153% par rapport à 2011. Mais comparée au volume des échanges globaux, la proportion reste faible, puisque les paiements internationaux libellés en monnaie chinoise ne représentent que 0,56% du total.

Au cours des trois derniers mois, Pékin a accéléré à la fois le processus de libéralisation de son marché financier et d’internationalisation de sa monnaie, en créant à Qianhhai, près de Hong Kong, un deuxième zone pilote après Shenzhen autorisant des banques internationales comme HSBC à prêter directement aux entreprises chinoises (Lire aussi 2e Trimestre 2012. Faits et commentaires).

Le 26 mars, le Brésil et la Chine ont, en marge du sommet des BRICS à Durban, confirmé un accord déjà conclu en juin 2012 pour autoriser les échanges dans leur monnaie nationale à hauteur de 30 Mds de $, pour une période d’essai de trois ans.

Alors que les indices boursiers de Shanghai et Shenzhen sont en hausse depuis novembre 2012, après une quasi stagnation qui durait depuis deux ans, et que le nombre d’introductions en bourse avait fortement diminué en 2012, la plupart des analystes anticipent une libéralisation des taux d’intérêts à la suite des mesures de souplesse prises en 2012 qui avaient déjà autorisé les banques à offrir des taux d’intérêt supérieurs au taux directeur.

Enfin, l’internationalisation de la monnaie chinoise dans le but de concurrencer la monnaie américaine avance, on l’a vu, très lentement, d’autant que les banques chinoises ont, en 2012, continué à acheter plus de $ qu’elles n’en ont vendu. Selon le Bulletin économique de l’Ambassade de France, « sur l’année 2012, le montant des achats nets de devises des banques chinoises s’élève à 110,6 Mds USD, dont 79% ont été réalisés entre septembre et décembre 2012 ».

« Fin novembre 2012, les avoirs en bons du trésor américains de la Chine s’élevaient à 1 170,1 Mds USD au mois de novembre, contre 1200 Mds de $ en juin 2011 [NDLR : soit une baisse de 2,5% en 17 mois]. Le président du fonds souverain China Investment Corp (CIC) Lou Jiwei, nouveau ministre des finances, a affirmé en janvier que la Chine continuerait à acheter des bons du Trésor américain mais il a souligné qu’au vu des faibles rendements, il s’agissait d’une décision difficile et qu’il recommandait d’en acheter un peu. »

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ÉNERGIE – PRODUCTION

Le PMI (Purchasing Managers Index) – indicateur de l’activité dans le secteur manufacturier, calculé à partir des achats des industriels – est clairement en hausse au mois de mars, en phase avec une reprise économique qui confirme une croissance plus forte durant le 1er trimestre 2013, marquée par un pourcentage de hausse à 2 chiffres des investissements immobiliers et de la production industrielle.

Dans ce contexte, qui prévoit une reprise modérée pour 2013 – croissance estimée à 8% pour l’année par la plupart des agences - la direction chinoise oriente sa réflexion dans deux directions capitales, répondant au souci écologique et à celui d’une meilleure productivité :

1) Le développement des énergies alternatives et renouvelables (éolien, gaz de schiste, nucléaire) qui accompagne la mise en place d’un plafond de consommation d’énergie fixé à 4 milliards de tonnes d’équivalent charbon (TEC) pour 2015 ;

2) L’assainissement du secteur industriel par des regroupements dans des secteurs clés.

Le 7 février dernier, le Conseil des Affaires d’État a confirmé le plafond de consommation d’énergie à 4 milliards de TEC pour 2015, ce qui pour les 3 ans qui viennent devrait limiter la hausse de la consommation d’énergie à 3,5% au lieu des 6,6% durant les 5 années avant 2010. Si elle est rigoureusement appliquée, la décision devrait donc, non seulement réduire la consommation de charbon, mais également ralentir la production dans les secteurs à forte consommation d’énergie comme l’acier.

Dans le même temps, le pouvoir, choqué par la qualité catastrophique de l’air à Pékin, a lancé des expériences de « crédit – carbone » et s’est fixé l’objectif de réduire les émissions de dioxyde et d’au moins 3,7% la consommation d’énergie par point de croissance. Ces objectifs sont en phase avec le développement de l’énergie nucléaire, de l’éolien et des gaz de schistes.

Avec 26 centrales nucléaires en construction, l’objectif est de parvenir à une capacité de 130 à 140 gigawatts pour 2030, ce qui correspond à une réduction des cibles initiales à suite à l’accident de Fukushima, mais placera tout de même la Chine loin en tête des producteurs d’énergie nucléaire (2 fois plus que la France et 30% au-dessus de la production américaine), avec la part du nucléaire dans la production totale d’énergie estimée à 16% en 2030 (Lire aussi L’extraordinaire défi du nucléaire en Chine).

A la fin 2012 et au début de 2013, plusieurs annonces officielles ont été faites, aux conséquences de très court terme pour le marché de l’éolien en Chine. En décembre, le Conseil des Affaires d’État a renouvelé ses promesses de soutien financier au secteur par le biais des banques publiques. En janvier 2013, il a fixé la part totale des énergies renouvelables pour l’année à 49 GW, dont 16 GW pour l’éolien.

Le 3e secteur qui mérite attention est le développement du gaz de schiste (Lire aussi Gaz de schiste. Une priorité stratégique pour la Chine et les Etats-Unis).

Se référant au 12e plan, selon lequel l’urbanisation conduira à multiplier par 10 la consommation de gaz d’ici 2015, le Ministère des ressources foncières et minières a fixé les objectifs de production de gaz de schiste à 6,5 milliards de m3 pour 2015, soit 6,4% de la production totale de gaz en 2012. Mais en 2020, elle devrait se situer entre 60 et 100 mds de m3, soit 10 à 15 fois plus. Si ces objectifs étaient réalisés, dans moins de 10 ans, le gaz de schiste compterait pour 10% de la production totale d’énergie.

Enfin, décidé à améliorer la productivité industrielle, une des clés de la modernisation de l’économie chinoise, menacée par le tarissement des ressources financières et de la main d’œuvre non qualifiée, le pouvoir chinois a, en janvier dernier, rendu publics ses objectifs de restructuration industrielle dans les secteurs traditionnels, affligés par les doublons, la faible rentabilité et les surproductions.

Un rapport du 23 janvier 2013 du ministère de l’Industrie et des technologies de l’information précise que les études sont en cours pour des regroupements dans l’acier, le ciment, les constructions navales, l’automobile, l’aluminium, la pharmacie, les terres rares, et les machines agricoles. Selon le magazine Caijing, en 2012, les surproductions étaient de 160 millions de tonnes d’acier, 300 millions de tonnes de ciment et 1,8 millions de tonnes d’aluminium.

La situation de l’acier est symptomatique des gaspillages dans un contexte où chaque gouvernement local souhaite posséder son aciérie, qui dessine un paysage chaotique et encombré avec 2700 aciéries, dont la plupart ne sont pas rentables et produisent un acier de mauvaise qualité. Même les produits de qualité supérieure commencent à être en surplus.

Il y a cependant des effets pervers à ces regroupements. S’il est vrai qu’ils sont nature à réaliser des économies d’échelle et à réduire les surproductions, ils supprimeront la compétition et réduiront les incitations à l’innovation. Celle-ci reste toujours, ou presque, tributaire des incitations de l’État, enfermée dans un cadre politique contraint et stéréotypé.

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ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ

Les défis de l’urbanisation, le fardeau insoluble des migrants, la rémanence des corruptions, la pollution et les écarts de revenus constituent les principales implications sociales et forcément politiques de l’évolution de la Chine.

Les prévisions officielles indiquent qu’en 2020 60% de la population chinoise sera urbaine. Mais beaucoup craignent que cette bascule ne constitue un bouleversement dangereux, entraînant des expropriations porteuses de tensions, en même temps que des pénuries d’eau, de logements, de services publics, et un accroissement de la pollution. « Si l’urbanisation se traduit par la spoliation de paysans et le détournement de terres arables, elle sera un facteur d’instabilité sociale », martèle Chen Xiwen, président du groupe dirigeant des réformes rurales.

La persistance du Hukou, que le pouvoir hésite à supprimer, perpétuant l’existence précaire des migrants mal intégrés, bombe à retardement sociale et politique, est dans toutes les têtes. Yao Jianfu chercheur en retraite se demande si « les 200 millions de migrants deviendront la masse de manœuvre de la prochaine révolution culturelle ? »

C’est la raison pour laquelle le pouvoir, qui s’efforce d’anticiper, envisage d’investir 6000 Mds de $ dans le processus d’urbanisation qui propulsera 400 millions de ruraux vers les centres urbains dans les 10 prochaines années. Il a aussi créé 12 millions d’emplois urbains, poussé à une augmentation moyenne des salaires de 20% en 2012, construit 6 millions de logements sociaux, et mis en chantier une autre tranche de 6 millions, pour 2013. Prudent, il a également augmenté le budget alloué aux forces de sécurité – 124 Mds de $ -, qui, pour la troisième année consécutive, dépasse celui des forces armées (114 Mds de $).

En même temps que l’urbanisation, qui, bien gérée, pourrait devenir un formidable facteur de développement humain, capable de multiplier la consommation domestique, la Chine doit faire face à de graves problèmes écologiques (pollution de l’air et des rivières) dont les experts évaluent les dommages à près de 4 points de PNB. A Pékin, en mars, la 12e ANP a prévu d’engager 16 Mds de $ sur trois ans pour tenter d’améliorer la qualité de l’air.

Enfin, dernier défi à la fois socio-économique et politique, les écarts de richesse et la persistance des corruptions qui firent l’objet de nombreux discours durant la 12e ANP. Xi Jinping l’a répété, il s’attaquera aux « mouches », mais également aux « dragons », aux petits, comme aux puissants.

Les doutes subsistent pourtant sur la réalité de cette détermination, puisque le 24 mars, 4 manifestants ont été arrêtés par la police à Pékin non loin de Zhongnanhai, pour avoir déplié une banderole où ils exprimaient leur méfiance : « tant qu’on n’aura pas mis en prison les officiels corrompus, le “rêve chinois“ restera un fantasme ». Sur internet un appel pour la publication des fortunes des dirigeants a été bloqué, tandis que, dans plusieurs métropoles chinoises, des activistes ont été détenus par la police pour avoir tenté de récolter des signatures pour une pétition anti-corruption. L’ensemble de ces symptômes suggèrent pour le moins une volonté politique hésitante.

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CHINE – MONDE (1)

En février 2013, pour la première fois depuis 1945, la Chine est devenue la 1re puissance commerciale mondiale devant les États-Unis, avec un excédent commercial en 2012 de 231 Mds de $, la meilleure performance depuis 2008, où il était à 298 Mds de $. L’excédent s’est perpétué sur un mode mineur au premier trimestre avec 43 Mds d’€, avec cependant un déficit de 880 millions de $ en mars.

Dans un article du 30 mars, Xinhua expose sa vision des relations de la Chine avec le monde. Constatant que « la crise de l’Euro perdure », et « qu’en Occident les signes de reprise sont rares », c’est vers les émergents, et en particulier L’Afrique et les BRICS, - ces derniers « regroupant 42% de la population mondiale » -, que la Chine tourne ses regards et appelle au renforcement institutionnel de leur rapprochement.

Le but commun de « développement partagé et au profit de tous » envoie à la communauté internationale un message d’unité, où dans les relations « sud-sud », « la montée en puissance de la Chine ne se fait pas au détriment des autres ».

Xinhua suggère aussi une refonte des relations internationales, toujours calibrées en fonction des intérêts des États-Unis et de l’Occident et rejette les critiques faites à la Chine de « piller » les ressources de l’Afrique, au demeurant assez souvent contredites par les dirigeants africains eux-mêmes qui apprécient l’apport de capitaux et les efforts de développement consentis par Pékin (infrastructures, santé, éducation), en plus de ses investissements qui sont loin d’être tous systématiquement orientés vers l’exploitation des minerais ou des hydrocarbures.

Pékin a offert 20 millions de $ d’aide au continent noir pour la période 2013 - 2015, une largesse assez souvent vue en Afrique et par la Chine comme un contrepoids à l’influence des pays occidentaux. Lors de son passage au Congo, Xi Jinping a signé un accord pour la construction d’un port minéralier à Pointe Noire et d’un barrage dans le Nord-ouest du pays. il a aussi promis de financer à hauteur de 63 millions de $ un port fluvial à Oyo, la ville natale du président N’Guesso, où sera développée un zone économique spéciale à la chinoise. La Chine participera également à la reconstruction de 200 logements sur le site de la catastrophe de Mpila, où le 5 mars 2012 l’explosion d’un dépôt de munitions avait tué 100 personnes et blessé 1000 riverains.

Toutefois, s’il est vrai que le premier voyage de Xi Jinping à l’étranger en Russie, Tanzanie, République du Congo et au 5e Sommet des BRICS à Durban exprime une vision politique de rééquilibrage des relations Chine – Monde, il ne reflète pas le poids des relations commerciales réelles de la Chine, ni ses priorités stratégiques. En effet, si on se réfère aux chiffres, les centres de gravité du commerce chinois se situent clairement aux Etats-Unis (446 Mds de $), en Europe (428 Mds de $) au Japon (350 Mds de $), et en Asie du Sud-est (300 Mds de $).

Tandis que le commerce de la Chine avec les BRICS, est un ton en-dessous : 90 Mds de $ d’échanges avec la Russie, d’un commerce très déséquilibré, marqué par la part très importante des hydrocarbures russes ; 75 Mds de $ avec le Brésil, 55,6 Mds de $ avec l’Inde, en baisse de 8% entre 2011 et 2012 et 50 Mds avec l’Afrique du Sud (Lire aussi Les habits neufs de la diplomatie chinoise).

Avec l’ensemble de l’Afrique les échanges s’élèvent à 220 Mds de $, mais, dans un contexte où les investissements directs chinois ne représentant que 5% du stock.

A côté de la volonté de faire pièce aux influences occidentales en Afrique, une des grandes tendances actuelles des relations de la Chine avec le Monde, est que son rôle « d’usine du monde » lui est aujourd’hui contesté par une série de pays aux coûts de production plus faibles. L’évolution induit mécaniquement un ralentissement des investissements étrangers en Chine, en baisse de 3,7% entre 2011 et 2012, tendance lourde qui dure depuis 14 mois consécutifs.

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CHINE – MONDE (2)

La baisse des IDE en Chine est en phase avec les critiques des investisseurs américains et Européens qui, répondant à une enquête, affirmaient à la fois que leurs affaires étaient profitables (73%), mais que l’environnement administratif se durcissait avec la multiplication de réglementations complexes et souvent floues.

La récente campagne commencée à la mi-mars par les médias officiels chinois contre Apple, accusé d’arrogance à cause d’un service après-vente déficient (modalités de garantie jugées peu équitables et utilisation de pièces usagées pour les réparations), pourrait être un des symptômes d’un environnement commercial et politique dégradé.

Elle renvoie à d’autres affaires du passé, où en s’attaquant à une entreprise étrangère, le pouvoir chinois visait d’autres cibles. Le 24 mars le Quotidien du Peuple, adoptant un style de révolution culturelle, publiait en première page un article expliquant qu’il fallait « combattre l’arrogance auto-satisfaite d’Apple ».

Un éditorial du Global Times, non traduit en Anglais, appelait les Chinois à avoir plus confiance en eux-mêmes, expliquant que les critiques des internautes contre CCTV et les journaux chinois « viennent de ceux qui sont aveuglément convaincus de la supériorité occidentale ».

Certains supposent que la manœuvre est une contre attaque visant à protéger les concurrents chinois d’Apple comme Huawei ou ZTE. D’autres y voient une riposte aux mesures récentes prises par le gouvernement américain contre les entreprises chinoises du secteur des technologies de l’information, dont les exportations en Chine atteignent 129 Mds de $ par an. Une loi en gestation depuis plusieurs semaines, entrée en vigueur le 29 mars, exige en effet que la NASA, les ministères de la défense, de la justice et du commerce sollicitent l’accord des autorités fédérales avant de d’importer des équipements chinois.

L’offensive qui a duré deux semaines menée par le Quotidien du Peuple, le Global Times et CCTV s’est achevée par les excuses postées sur le site d’Apple, par le PDG Tim Cook qui a mesuré l’importance du marché chinois pour le groupe. « Nous reconnaissons que certaines personnes ait pu considérer que le manque de communication était une arrogance de notre part. Nous présentons nos sincères excuses à nos clients pour la confusion qu’ils ont ressentie et les désagréments causés ».

L’affaire a suscité les réactions d’autres médias et des internautes, parfois à la décharge d’Apple. Le 1er avril, le magazine Caixin publiait un article citant Fu Weifang, universitaire, expert du droit de propriété et vice-président de l’Institut de Droit et des finances de Shanghai qui dénonçait la campagne en relevant le flou de la loi chinoise sur les garanties et mettait en garde contre le mauvais signal envoyé aux investisseurs étrangers.

Mais le commentaire le plus pertinent a été proposé par un internaute qui trace la limite entre la propagande politique et le droit : « je ne comprends pas bien ce qu’on reproche à Apple. Si la compagnie a commis un acte illégal, il faut la poursuive en justice, sinon, il faut la laisser tranquille ».

Si les investissements étrangers en Chine se contractent, en revanche, en 2012, les IDE chinois ont augmenté de 28,6% pour atteindre 77 Mds de $, qui ciblent plus de 4000 sociétés et 141 pays. Le chiffre est cependant à mettre en rapport avec les 1600 Mds de $ d’IDE dans le monde, dont 1240 Mds (77%) viennent de l’Amérique du Nord, de l’Union européenne et du Japon.

Les principaux investissements récents concernent 2,5 Mds de $ par SINOPEC dans Devon Energy, 420 millions de $ par Wangxiang dans Greatpoint Energy, 2,6 Mds de $ de Dalian Wanda pour acheter AMC Rhodium et, en février, 15 Mds de $ par CNOOC pour le rachat du Canadien Nexen, spécialiste du gaz de schiste.

Enfin, début février, le gouvernement pakistanais a accepté en échange de 35 millions de $, la proposition de la compagnie chinoise Overseas Port Holdings Ltd 海外集团有限公司 de reprendre la gestion du port de Gwadar à la suite de PSA International (Singapour), qui a jeté l’éponge alors qu’elle détenait une concession pour 40 ans. Le bureau logistique de l’armée pakistanaise se trouve parmi les investisseurs.

L’affaire est sensible car l’arrière pays du Baluchistan est traversé par des tension irrédentistes anti chinoises. Lors de la dernière assemblée générale des NU, le représentant chinois a du prendre la parole pour répondre au représentant de la province du Baluchistan qui accusait Pékin et Islamabad de vouloir « piller » les ressources de la province et de vouloir installer à Gwadar une base militaire, dont le financement serait assuré par les trafics de drogue de la région, auxquels l’armée pakistanaise serait partie prenante.

 

 

La reprise est difficile et le chemin du réajustement socio-économique laborieux

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Dans l’urgence d’un branle-bas, He Lifeng prend la tête de la Commission Centrale des finances

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