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›› Editorial

L’obsédant héritage de Hu Yaobang

Pour le Parti Communiste chinois, le 15 avril est une date sensible, puisqu’elle marque à la fois l’anniversaire du décès du réformateur Hu Yaobang que Deng Xiaoping avait limogé en 1987 et le souvenir de la protestation que sa mort avait déclenchée. Animé à ses débuts par des étudiants, pour la plupart enfants de l’oligarchie au pouvoir, le mouvement se termina par le drame 4 juin 1989.

Après d’intenses luttes de pouvoir internes arbitrées par un Deng vieillissant, au moment même où s’écroulait l’URSS, l’APL, dont certaines unités s’étaient opposées à la loi martiale, ouvrit le feu contre la foule des manifestants rassemblés depuis deux mois sur la place Tian An Men, tuant plusieurs milliers de jeunes gens.

Depuis, la mémoire de Hu Yaobang plane sur les réformateurs du Parti comme le douloureux souvenir d’une occasion manquée, amère réminiscence des espoirs fracassés d’une ouverture politique mort-née.

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La conscience politique du régime.

Longtemps mis sous le boisseau, les mânes de Hu Yaobang avaient d’abord resurgi le 18 novembre 2005, quand au cours d’une cérémonie discrète, 300 membres du Parti triés sur le volet avaient commémoré le 90e anniversaire de sa naissance. Depuis, chaque année, l’obsédante mémoire n’en finit pas de hanter la classe politique chinoise. Tout indique que son écho ne faiblit pas.

En avril 2010, Wen Jiabao qui, en 1986, était Secrétaire Général adjoint du Comité Central quand Hu Yaobang était n°1 du Parti, lui consacra un article élogieux publié dans le Quotidien du Peuple, louant sa clairvoyance, sa proximité avec les déshérités, son amour de la vérité, et à l’inverse, sa haine des scléroses et des opacités bureaucratiques (Lire aussi 再回兴义忆耀邦 (Zai Hui Xingyi Yi Yaobang)).

L’exemple fut suivi par des douzaines d’articles dans la presse chinoise à la gloire de celui qui, jusqu’en 1987, avait été à l’origine de la réhabilitation politique de milliers de Chinois persécutés pour « leurs idées contre révolutionnaires et bourgeoises ».

En 2013, son esprit, qui depuis un quart de siècle, symbolise l’introuvable réforme politique est toujours là, plus fort que jamais. Le 15 avril, plusieurs centaines d’admirateurs s’étaient rassemblés à Gongqingcheng dans le Jiangxi, sur sa tombe visitée chaque année par plusieurs centaines de milliers de Chinois venus honorer sa mémoire.

Le 16 avril, deux journaux de premier rang contrôlés par le Parti évoquèrent son héritage. Alors que le 解放日报 – Jiefang Ribao (Libération) - de Shanghai, organe officiel du Parti dans la grande métropole de l’Est, né en 1949 et héritier du Jiefang de Yan’an, publiait un long commentaire des idées de Hu Yaobang, le Quotidien du Peuple en recommandait sa lecture.

Suite à ces deux coups de cymbales réformateurs, les commentaires affluent avec, comme toujours, plus de questions que de réponses.

Sommes nous en présence d’une secousse dont les répliques provoqueront des avancées majeures ? Ou s’agit-il seulement d’un nouvel épisode de la lutte que se livrent depuis plus de 30 ans ceux qui prônent l’ouverture politique et leurs adversaires qui la redoutent, inquiets pour la survie du Parti ? Les espoirs libéraux seront-ils, une fois de plus, étouffés par la machine bureaucratique du Régime ?

A quoi s’ajoutent les commentaires qui, spéculant sur l’immobilisme monolithique du régime et assimilent les références récurrentes à Hu Yaobang à une mise en scène destinée à leurrer les observateurs étrangers et les Chinois.

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L’esprit de Hu Yaobang, une référence moderne.

En attendant de savoir comment la classe politique émergera de ces combats liés aux grands défis de la Chine moderne, on ne peut que constater le parallèle établi par le Jiefang de Shanghai entre l’actuelle situation du pays et les tribulations politiques de Hu Yaobang.

Après avoir expliqué que l’hommage à la mémoire de Hu, dont l’influence historique est considérable, revêtait une très forte « signification pratique », Zhou Ruijin, l’auteur – un éditeur en retraite qui fut proche de Deng Xiaoping - évoque une réminiscence qui renvoie au cœur des problèmes récemment exprimés par la haute direction du régime, mais dont la solution semble encore hors de portée.

A Hu Yaobang comme aux actuels réformateurs, le dysfonctionnement de la justice et l’arbitraire, conséquences de l’ingérence politique au sein des tribunaux, semblait une clé de la réforme politique. Pour y remédier, précise Zhou, Hu, qui fut dès 1977 affecté à la tête de la Commission d’Organisation du Parti, fit preuve d’audace et de courage pour destituer les idéologues radicaux et promouvoir les hommes de talent.

A l’époque, poursuit Zhou, les obstacles étaient immenses et exigeaient de libérer la pensée. Aujourd’hui, les conflits d’intérêts sont bien pires et l’urgence de forger un consensus réformateur au sein du Parti encore plus pressante.

Mais, comme pour souligner la difficulté politique de la tâche et la force de caractère qu’elle exige, Zhou Ruijin ajoute que Hu Yaobang, dont il estime que le but ultime était « la banalisation de la démocratie en Chine », fut précisément mis sur la touche quand il voulut accélérer le rythme des réformes.

En attendant, preuve des contradictions à l’œuvre dans les strates supérieures du pouvoir, la censure du régime bloque les références à Hu Yaobang sur les réseaux sociaux, tandis que les internautes contournent les verrous par des messages sibyllins à sa mémoire.

Comme les années précédentes, les parents des victimes de Tian An Men ont été prévenus de ne pas participer à des cérémonies collectives à leur mémoire à l’occasion du Qingmingjie, la fête des morts célébrée le 4 avril dernier.

 

 

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