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›› Société

Les mystères du virus H7 N9

Après que, le 17 avril dernier, le ministère de la santé chinois ait communiqué le nouveau bilan du virus H7 N9 – 77 cas et 16 décès (+3 décès depuis le compte rendu du 15 avril) -, initialement identifié comme un virus voisin de celui de la grippe aviaire, l’OMS, a, le même jour, fait savoir qu’un nombre important de personnes infectées en Chine n’avaient eu aucun contact avec de la volaille ou des oiseaux.

Zeng Guang, directeur du département d’épidémiologie au Centre de Prévention des maladies infectieuses, confirme que 40% des victimes du virus n’avaient jamais été exposées à de la volaille. Ce qui, plusieurs semaines après les premiers cas, pose le problème de l’origine des infections.

Selon Xinhua, parce qu’il subsiste une incertitude sur la cause de l’épidémie, il est possible qu’elle continuera à se répandre. Il est un fait que, depuis le 15 avril, le nombre de cas est passé de 63 à 77 et celui des décès de 13 à 16, tandis que les affirmations du Centre des maladies infectieuses, selon lesquelles il n’y avait pas de transmission humaine commencent à être mises en doute.

S’il est vrai que la qualité de la réaction publique s’est améliorée depuis l’expérience catastrophique du SRAS en 2003, le fait est que, début avril, on a encore pu observer une tendance des autorités de Shanghai à cacher ou édulcorer la vérité.

Le contraste entre le professionnalisme des équipes médicales et la survivance des habitudes de maquillage de la part de certains responsables politiques, renvoie à la dichotomie de la situation du pays. Alors que la nécessité des réformes est clairement affirmée par nombre de voix autorisées, leur mise en œuvre est handicapée par la survivance de réflexes anciens, quand il ne s’agit pas d’intérêts retranchés dans des forteresses politiques.

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Évaluer les risques de pandémie.

Plusieurs sources autorisées évoquent la mutation anormale du virus. Un article du 14 avril du journal Epoch Times cite le Docteur He Jianku de l’Université de Science et Technologies de Shenzhen. Son équipe de chercheurs aurait en effet constaté des mutations de l’hémagglutinine - la protéine présente à la surface du virus qui lui permet de se fixer à un récepteur d’une cellule cible -, 4 à 8 fois plus rapides que pour un virus standard.

« Le changement est apparu en seulement deux semaines », a expliqué le professeur He au South China Morning Post, « ce n’est pas aussi rapide que le HIV, mais le phénomène est assez inhabituel ». Il ajoute : « nous ne savons pas encore si l’évolution du virus sera anodine ou dangereuse. Nos échantillons sont trop limités, mais il est clair que les autorités devraient s’inquiéter et se préparer au pire ».

Une communication des Dr Timothy Uyeki et Nancy J.Cox, publiée le 11 avril dans le « New England Journal of Medecine », pose clairement le problème : « pour estimer les risques d’une pandémie, il est nécessaire de mettre à jour les preuves d’une transmission humaine directe. Si la transmission humaine est avérée, il sera aussi nécessaire de déterminer sa dynamique (modes et virulence, temps d’incubation). Il est possible que les cas déjà observés de patients gravement atteints ne soient que la pointe de l’iceberg et qu’il existe encore beaucoup de cas non détectés ».

La conclusion du papier insiste à la fois sur la vigilance et la transparence : « Une information claire du public et de la communauté médicale est un facteur clé de la prévention et du contrôle de la maladie. La détection du virus H7 N9 nous rappelle qu’il faut continuer à se préparer à la prochaine pandémie de grippe (…) »

« …Les semaines à venir montreront si nous avons à faire à une simple infection transmissible des volailles à l’homme ou si nous sommes en face d’une pandémie. La réponse à ces questions ne pourra venir que de la surveillance étroite du virus H7 N9 chez les animaux et chez l’homme, même dans les cas bénins. Nous ne pouvons pas baisser la garde ».

Source : Global Concerns Regarding Novel Influenza A (H7N9) Virus Infections

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Les embarras politiques de la transparence.

Un article publié dans le magazine Caixin, le 16 avril dernier, expose le dilemme auquel sont confrontées les autorités, toujours partagées entre le souci de protéger l’ordre social menacé par la diffusion de rumeurs alarmantes non vérifiées, et l’exigence de transparence et d’information du public.

L’auteur reconnaît les progrès accomplis depuis l’omerta officielle qui avait entouré l’épidémie de SRAS il y a dix ans.

Cette fois, écrit-il, il ne s’est écoulé que 40 jours entre l’admission, le 19 février, à l’hôpital du Peuple n°5 de Shanghai de trois membres de la famille LI – dont 2 (une dame âgée de 87 ans et son fils de 50 ans), sont décédés de pneumonie, et la reconnaissance le 31 mars par le ministre de la santé de l’existence d’un nouveau virus nommé H7 N9 responsable leur mort. Comparé aux 5 mois de silence des autorités en 2003, il s’agit là, ajoute l’article, d’un progrès important.

Mais, en décrivant les réflexes de suppression de l’information apparus en avril, Caixin laisse entendre qu’on pourrait faire mieux. Au lieu d’informer la population sur les mesures de précaution, les autorités ont en effet cédé à la crainte d’une panique et se sont appliquées à mettre les rumeurs sous le boisseau, ce qui eut pour effet de les aggraver. La police a arrêté de nombreux internautes accusés de diffuser des fausses informations, tandis que les autorités de Pékin, Shanghai, Xi’an, Kunming nièrent l’existence d’un nouveau virus.

La première rumeur assez précise sur le décès des membres de la famille LI apparut le 7 mars sur Weibo : « des décès inexpliqués ont eu lieu à l’hôpital n°5 de Shanghai. Le diagnostic initial était la grippe et les victimes éprouvaient des difficultés à respirer. Nous espérons que l’hôpital dira la vérité ». Le « post » avait été immédiatement supprimé par la censure.

Dans les communications officielles sur son site, le bureau de la santé publique de Shanghai n’a jamais fait connaître les recherches en cours sur un nouveau virus. De même, le 2 avril, la ville de Pékin nia officiellement l’existence d’un cas H7 N9 à l’hôpital de médecine traditionnelle de Dongzhimen, et attendit le 13 avril pour le confirmer.

Mais il est important de préciser que ces réflexes de suppression à caractère politique, obéissant à des automatismes surannés, se manifestèrent alors même que la communauté médicale de Shanghai faisait son travail.

Selon le Dr Lu Hongzhou, vice directeur du Bureau de la Santé Publique de Shanghai, des tests de laboratoire auraient assez vite identifié l’existence d’un nouveau virus apparenté à la famille des virus aviaires.

Depuis le 5 avril, les praticiens du terrain, alertés par les gouvernements locaux, auraient, non seulement accès à des tests leur permettant de détecter en moins de 6 heures la présence du virus chez un patient, mais également à un traitement, qui, selon Lu, serait efficace. Le seul obstacle est le coût du test et du traitement évalué à 2000 Yuans (250 €).

A bien des égards, ce contraste avéré entre, d’une part, les vieilles tendances politiques à l’omerta et à la suppression de l’information, et d’autre part le professionnalisme des médecins conscients de l’exigence de transparence médicale, condition de la maîtrise d’une épidémie, renvoie de manière pressante à l’urgence d’une modernisation du système politique chinois, dont nombre de chercheurs réclament qu’il soit placé sous le contrôle réel du législatif.

Dans ce cas de santé publique le problème est encore plus aigu, car les tendances politiques au maquillage ou à l’occultation sont directement dévoilées à la vigilance inquiète de l’opinion publique, d’autant moins portée à l’indulgence qu’il y a 10 ans elle avait été échaudée par les mensonges et les frayeurs du SRAS.

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BREVES (1)

Misère des éleveurs de volaille.

Le 18 avril, une dépêche de Xinhua décrivait dans le détail la situation difficile des éleveurs de volailles depuis 10 ans, entre l’épidémie de SRAS et l’apparition du virus H7N9. Dans toute la Chine les ventes ont baissé d’une valeur de 2,1 Mds de $, selon les statistiques officielles.

Un éleveur de la région de Shanghai explique que, déjà, durant le SRAS en 2003, des dizaines de milliers de volailles avaient du être sacrifiées. La perte est d’autant plus forte que les fermiers bénéficiant d’une assurance sont rares.

Le même jour, Reuters confirmait que le prix des poulets fermiers a été divisé par 4 dans l’Est du pays et que plus de 100 millions d’éleveurs dans toute la Chine étaient dans une situation difficile. La crise frappe aussi les importateurs qui constatent que la consommation de poulets importés a diminué de 80%.

Développement d’Internet.

Plus d’usagers auront accès à des services internet rapides en 2013, qui verra la connexion à la large bande de 18 000 villages et 5000 écoles . 180 000 stations 3 G pour un accès mobile permettront de connecter 100 millions d’usagers. A la fin janvier 2013, 177 millions de Chinois avaient accès la large bande, tandis que 245 millions étaient connectés à la 3G.

Cours universitaires en ligne

Le 17 avril, le Quotidien de la Jeunesse rendait compte que, pour la première fois en Chine, l’université Jiaotong de Shanghai avait mis en ligne 42 vidéos de cours universitaires, partie d’un effort pour améliorer l’accès du public à l’éducation de haut niveau.

L’initiative rejoint celle de MIT aux Etats-Unis qui, en 2005, avait créé un réseau planétaire de cours gratuits mis en ligne (Open Course Ware Alliance OCWA). Selon les responsables de Jiaotong, dont l’université en ligne a été baptisée Nanyang Academy, le projet offrira 3000 cours en ligne d’ici 10 ans. (Open course Ware)

Volontaires pour l’Ouest de la Chine.

Selon le Quotidien de la Jeunesse, en 2013, le Parti a envoyé 17 000 volontaires, dont la plupart sont des diplômés d’université, pour servir dans des zones moins développées de l’Ouest chinois. La durée des affectations varie de 1 à 3 ans, dans les secteurs de l’éducation, de l’agriculture et de l’assistance juridique. 10 000 volontaires sont affectés dans des régions peuplées de minorités ethniques.

Depuis de le début de cette campagne, lancée en 2003, 140 000 jeunes diplômés ont été envoyés dans l’Ouest. Plus de 10% d’entre eux sont restés sur place après leur mission.

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BREVES (2)

Sécurité alimentaire.

Le 16 avril, le gouvernement a posté sur son site son programme destiné à diminuer la fraude aux produits alimentaires. Les contrôles viseront les élevages, les chaînes du froid, les entreprises de restauration et les traiteurs. Les sanctions contre les infractions seront alourdies et l’information du public améliorée.

Dans le même temps on apprenait que 20 personnes avaient été condamnées à des peines allant de 7 ans à la perpétuité dans le Henan et le Shandong pour avoir fabriqué et commercialisé des huiles frelatées impropres à la consommation, produites à partir d’huiles usagées. Aucun des condamnés n’a fait appel.

Rixes entre villageois et employés du chemin de fer.

10 villageois de Huangchuan dans la province du Henan ont été hospitalisés après une bataille rangée, le dimanche 14 avril, entre habitants du village et des ouvriers du chemin de fer. La rixe a éclaté quand les villageois constatèrent que la réquisition de leurs terres pour le passage de la voie ferrée Xi’an - Nanjing ne serait pas compensée.

Alors que les villageois décidèrent de faire obstacle à la construction, 300 cheminots vêtus de l’uniforme jaune de la compagnie ferroviaire nationale et armés de bâtons, les ont attaqués, piétinant 30 téléphones portables, renversant des voitures. Les responsables de la municipalité qui tentèrent une médiation furent molestés comme les autres. Tandis que – dit le Global Times - la police effrayée par la violence des cheminots n’est pas intervenue. Un incident similaire s’était déjà produit en août dernier dans l’Anhui.

Usage frauduleux de plaques militaires.

Selon état-major général, les infractions aux immatriculations militaires auraient diminué de 35% depuis la mise en vigueur des nouveaux contrôles à la fin 2012. De nouvelles plaques seront mises en service en mai 2013 et la contrefaçon des plaques militaires, leur usage ou leur vente frauduleuse seront sévèrement sanctionnés.

Profession de foi des journalistes.

Le 8 avril dernier, Liu Yunshan, responsable de la propagande et président de l’École Centrale du Parti, membre du Comité Permanent, avait appelé les médias à participer à la réalisation du « rêve chinois ». Le 16 avril, 25 journaux et médias nationaux ont promis de maintenir la crédibilité de la presse en privilégiant l’expression de la vérité.

Parmi eux le Quotidien du Peuple, Xinhua, le magazine Qiushi de l’Ecole du Parti, le quotidien de l’APL, CCTV, le Quotidien de la Jeunesse et le Beijing Times. Plutôt que de rechercher l’audience et les avantages économiques, tous ont promis d’éviter le sensationnel, l’abus des sondages, les reportages fabriqués ou rémunérés et de respecter le public en veillant aux conséquences sociales de leurs articles.

Il est évident que ces injonctions morales, qui paraissent de bon sens, ouvrent la porte à la perpétuation de la censure. La question de la liberté de la presse avait été abordée dans « la démocratie en Amérique »
par Tocqueville qui, tout comme le Parti et Liu Yunshan, en avait identifié les dérives et les excès possibles.

Mais Tocqueville excluait de recourir à la censure et défendait la liberté de la presse, « plus pour la considération des maux qu’elle empêche, que pour les bienfaits qu’elle apporte ». Il ajoutait que « la souveraineté du peuple et la liberté de la presse étaient deux choses entièrement corrélatives ».

 

 

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