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›› Lectures et opinions

Les relations sino-américaines vues par Hanoi

Cet article présente le regard qu’un chercheur vietnamien porte sur la relation sino-américaine. Ecrit par Hoang Anh Tuan, (tuanmai60@yahoo.com), directeur de l’Institut des Etudes stratégiques à l’Académie de diplomatie vietnamienne et chercheur associé à l’université d’Uppsala en Suède, le texte replace dans son contexte, vu par Hanoi, la récente rencontre entre Xi Jinping et Obama et la vision chinoise des relations sino-américaines, articulées autour de ce que Pékin appelle les « relations entre grandes puissances d’un nouveau type ».

Les Vietnamiens ayant une connaissance approfondie de la Chine, qui fit très longtemps régner sa loi sur le Tonkin, cette analyse mérite attention. Lire aussi Querelles sino-vietnamiennes. Rivalités des frères ennemis et enjeu global.

Pour Hoang, l’actuel apaisement apportera aux deux rivaux un répit pour s’attaquer à la solution des grands défis internes qui les menacent. Mais, mis à part les guerres locales que se livraient dans les années 70 Moscou et Washington par vassaux interposés, la compétition sino-américaine prend des allures de « guerre froide », au Moyen Orient, en Afrique, en Amérique du sud, en Asie du Sud-est et même en Europe. Compte tenu de la réduction progressive de l’écart de puissance entre les deux, la compétition deviendra plus acerbe.

Avec le relâchement des liens financiers – la Chine achetant de moins en moins de bons du Trésor -, Washington, moins préoccupé des conséquences pour les Etats-Unis de sa politique chinoise, pourrait devenir plus agressif.

Tout le texte exhale une méfiance à l’égard de Washington et Pékin. Mais chacun aura remarqué que ce qui sous tend le raisonnement est bien une rancune historique antichinoise. L’auteur l’exprime clairement quand il rappelle la connivence entre Carter et Deng Xiaoping, à la veille de l’attaque de l’APL contre le Vietnam en février – mars 1979.

Avec cette mémoire encore très vive, aggravée par le souvenir des 11 années d’embargo imposées au Vietnam par les NU sous connivence sino-américaine après l’invasion du Cambodge des Khmers Rouges, par les successeurs du général Giap, pour Hanoï, tout rapprochement entre la Chine et les États-Unis prend toujours les allures d’une menace stratégique.

Cet article a été publié le 26 juin sur le site CSIS.org (Center for Strategic & International Studies, CSIS, Washington DC).

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Un apaisement fragile.

Les plus optimistes comparent la récente entrevue Obama - Xi Jinping à Sunnyland en Californie avec la rencontre Nixon – Mao Zedong en 1972, ou à celle entre Jimmy Carter et Deng Xiaoping en 1979. Il est vrai que les nuances et l’impact entre ces deux dernières réunions ne furent réellement comprises que des années, voire des décennies plus tard.

Les pessimistes n’eurent toutefois pas longtemps à attendre, pour que les effets indésirables de la rencontre entre Xi et Obama se manifestent. Immédiatement après le sommet, la saga Snowden secoua sévèrement la relation bilatérale, menaçant même ses fondations construites autour de plus de 90 canaux de coopération et d’échanges. Obama eut beau dire qu’un jeune hacker de 29 ans ne menacerait pas la solidité des liens réciproques, il n’empêche que l’ancienne Secrétaire d’Etat expliqua que « la Chine avait porté atteinte à sa relation avec Washington en refusant l’extradition depuis Hong Kong de l’ancien contractuel de la NSA ».

Les hyperboles autour de la rencontre californienne sont malvenues. S’il est vrai que les deux parties ont établi un nouveau cadre de relations bilatérales, l’insistance chinoise sur le « type nouveau » des relations qui répond au « nouveau modèle de coopération » américain, suggèrent que les deux géants partagent le même lit, mais qu’ils ne font pas les mêmes rêves. En bref, la route est encore longue pour qu’ils parviennent à se mettre d’accord sur la forme, la nature et la substance de la relation.

Les Américains observent avec réticence l’enthousiasme chinois autour du « nouveau type de relations entre grandes puissances » d’abord évoqué par Xi Jinping lors de son voyage en février 2012 et explicité depuis depuis dans un essai signé de Cui Tiankai, ancien n°2 des Affaires étrangères et nouvel ambassadeur chinois aux Etats-Unis.

Dissonances et lourdes rivalités.

Il est important de comprendre les motivations chinoises derrière l’idée d’une relation d’un type nouveau et d’examiner les actions concrètes prises par Pékin pour la rendre crédible. Il faut d’abord constater que pour la Chine elle ne concerne que Washington et ne s’applique pas à l’Inde, ni à la Russie ou au Japon. Ce qui suggère que l’Empire du Milieu se voit lui-même comme l’égal des États-Unis et considère ce « type nouveau » comme un premier pas vers un cadre régional géré à deux, pouvant être utilisé pour résoudre des problèmes bilatéraux, régionaux ou planétaires.

Ensuite, Pékin semble déterminé à tirer partie du « consensus mutuel » apparu lors du sommet, comme l’indique le discours de Yang Jiechi au corps diplomatique, immédiatement après la rencontre californienne. Mais l’insistance américaine focalisant sur les désaccords surgis depuis suggère que la lecture de la Maison Blanche est différente.

Plus encore, juste après la rencontre, Obama appela personnellement Park la présidente sud-coréenne et le premier Ministre japonais Shinzo Abe, pour les assurer que le dialogue sino-américain ne compromettrait pas les intérêts de sécurité des alliances. Il est possible que Washington n’ait pas voulu apparaître trop proche de Pékin, comme ce fut le cas en 1979, quand Deng Xiaoping avait confié à Carter qu’il allait donner une leçon à Hanoi, un mois avant que la Chine n’attaque le Vietnam.

« Le type nouveau de relations entre les grandes puissance » est-il réalisable ? Et si oui, est-il une menace pour les alliés de la Chine et des Etats-Unis ? Pour faire court, la réponse est « non ». L’incident Snowden a montré que la nouvelle relation était « un palais de verre » délicat et fragile. Les fêlures sont profondes. Elles ont encore été aggravées par la crise financière de 2008 – 2009, au point que le divorce du montage « Chimerica » est aujourd’hui imminent, selon les mots de l’économiste britannique Niall Ferguson.

Les liens étroits qui liaient Pékin à Washington par le biais des achats chinois de bons du Trésor américains se relâchent. Il pourrait en résulter une plus grande agressivité de Washington, de moins en moins gêné par les conséquences de sa politique chinoise. Ailleurs la rivalité entre les deux s’aggrave, pour l’influence commerciale et les ressources au Moyen Orient, en Europe, en Amérique du Sud, et plus récemment en Amérique Centrale, l’arrière cour américaine. Il est aussi significatif qu’au moment où Xi Jinping participait au sommet des BRICS à Durban, en mars dernier, Obama recevait quatre chefs d’Etat africains à Washington, pour étudier les modalités d’une coopération économique et d’une aide au développement.

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Relents de guerre froide et détente passagère.

En Amérique Centrale, les visites officielles de Xi Jinping au Mexique, au Costa Rica, à Trinidad et Tobago signalent le début d’un mouvement chinois destiné à contrebalancer la bascule américaine vers le Pacifique Occidental et l’Asie, que Pékin interprète comme une tentative pour « contenir » la Chine, ce qui la place en position défensive. En même temps, dans une région où les États-Unis ont assis leur influence depuis le XIXe siècle, Pékin développe une offensive de charme destinée à implanter l’influence chinoise au cœur même de l’Amérique Latine et à se présenter comme le premier investisseur et le premier acteur commercial.

Il y a là des relents de guerre froide à son apogée de la fin des années 70, avec en moins les conflits par guérillas interposées que se livraient Washington et Moscou pour renforcer leur influence dans le Tiers Monde. Sur le long terme, l’écart de puissance entre les deux se réduira. Il en résultera une aggravation de la compétition, au point que le nouveau cadre que les deux tentent d’établir ne permettra pas de résoudre les conflits bilatéraux d’une manière approfondie et durable. A court terme, Pékin et Washington bénéficieront d’une détente provisoire qui leur permettra de se concentrer sur leurs problèmes internes.

Pour la Chine, il s’agit de tenter de résoudre les incohérences qui menacent de balayer les succès des 30 dernières années. Les défis sont considérables : maladies économiques et financières, qui rappellent celles de la grande dépression américaine de 1929 – 1933, corruption, écarts de revenus, lenteur des réformes institutionnelles, au point qu’apparaît une menace voisine de celle qui frappa le monde arabe et secoue aujourd’hui l’Inde, le Chili, la Turquie et le Brésil. Quant aux États-Unis, ils doivent conforter la reprise économique, diminuer le chômage, et réduire à la fois la dette et le déficit fédéral.

NOTE de CONTEXTE

5e rencontre sino américaine


Du dialogue économique et stratégique.

Le 5e dialogue économique et stratégique entre Pékin et Washington, tenu à Washington à la mi-juillet, dont les résultats concrets sont minces, confirme le pessimisme de Hoang Anh Tuan.

La rencontre a surtout été l’occasion d’une première rencontre opérationnelle entre, d’une part l’équipe chinoise composée de Wang Yang, ancien n°1 à Canton, aujourd’hui membre du Bureau Politique, Vice-Premier ministre en charge du commerce, de l’agriculture et des désastres naturels et Yang Jiechi, Conseiller d’Etat en charge des Affaires étrangères, ancien ministre des AE et ancien ambassadeur à Washington, et d’autre part les négociateurs américains, Jacob Lew secrétaire d’Etat au Trésor, et le Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères John Kerry.

Selon Goodman, expert au CSIS et ancien conseiller d’Obama lors de son premier mandat, le résultat le plus significatif dans le domaine économique aura été un accord politique de principe pour un nouveau traité bilatéral sur les investissements, dont les termes devraient être négociés dans un avenir proche.

Il s’agit d’étendre le scope des secteurs où les investissements réciproques seront possibles et d’en négocier les dispositions règlementaires, qui concernent essentiellement les barrières non tarifaires. Une première date limite a été fixée au sommet de l’APEC en 2014, dont la Chine assurera la présidence.

Mais, dans l’état actuel des relations extérieures de Washington, et compte tenu de la ressource limitée en experts des dialogues économiques internationaux, les pourparlers sino-américains pourront difficilement prendre le pas sur les négociations avec l’UE et surtout sur celles du Trans Pacific Partnership qui, pour l’instant, excluent la Chine pour cause de non respect des règles de transparence économique et de démocratie.

Selon Goodman qui s’exprime avec le réalisme d’un expert qui connaît les problèmes de l‘intérieur, « compte tenu de l’état des relations entre les deux, l’essentiel est qu’ils se parlent, même si les pourparlers n’aboutissent à rien de concret ».

 

 

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