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›› Société

La frénésie des Bitcoins en Chine

Il fallait s’y attendre. Internet explose en Chine, de même que le commerce en ligne, les blogs et les réseaux sociaux, attisés par la jubilation des échanges sur les forums d’autant plus fréquentés qu’ils sont protégés par l’anonymat, à quoi s’ajoute la jouissance de contourner les censures et la pesanteur intrusive de l’Etat. C’est dans ce contexte à la fois anonyme, partiellement incontrôlable et d’une extraordinaire fluidité qu’en Chine a surgi assez récemment la frénésie du « Bitcoin ».

Le Bitcoin est une devise numérique électronique, inventée par un groupe de « Cypherpunks » (néologisme composé de « cypher » = chiffrer et de « punk », du mouvement du même nom créé dans les années 70, devenu par extension synonyme de « groupe atypique » ou « rebelle ») passionnés par le cryptage d’internet pour protéger la confidentialité de leurs messages et contourner le copyright. Parmi eux figurent Bram Cohen, l’inventeur de « Bit Torrent », logiciel de téléchargement automatique des fichiers audio et vidéo et Julian Assange, l’auteur de « Wikileaks ».

En 1998 Wei Dai, un « Cypherpunk » proposait une monnaie numérique qu’il appela « b-money » destinée à rendre intraçables les transactions commerciales sur internet. Dix ans plus tard, Satoshi Nakamoto, pseudonyme d’un groupe de programmeurs dont personne ne connaît la composition ni la vraie nature, rendait public un logiciel qui donnait corps à l’idée de Wei Dai, sous le nom de « Bitcoin ». Le système qui fonctionne sans frais et sans laisser aucune trace identifiable, échappe aux banques et permet des transactions financières par internet de point à point.

Il a la vaste ambition affichée de devenir une monnaie universelle permettant d’acheter des biens et d’être échangeable contre des devises sans pour autant être adossé à aucune institution financière ou bancaire. Basé sur un protocole rendu public très innovant et contrôlé par les meilleurs experts de la planète, le système, entièrement anonyme fonctionne grâce à des algorithmes qui créent les « Bitcoin (BTC) », attribuent des clés alphanumériques pour les adresses, régulent les transactions, les contrôlent et les sécurisent par un système complexe de validation, où l’ensemble du réseau « Bitcoin » stocke automatiquement et en temps réel toutes les données sur les transactions passées et en cours, à la fois consultables, irréversibles et anonymes.

La création monétaire s’opère automatiquement en fonction du nombre de transactions, à raison de 25 BTC par transaction validée. Mais, à l’inverse des monnaies classiques, la création n’est pas laissée à la discrétion des États ou des banques. Le nombre des BTC créé décroît au fil des transactions par blocs de 210 000 et sera stabilisé de manière asymptotique par le programme dans un peu plus de trente ans, à 21 millions de BTC, lesquels sont, contrairement à une monnaie classique, divisibles à l’infini.

Depuis le printemps dernier, le BTC fait l’objet d’en engouement extraordinaire au point que 50% des opérations effectuées dans le monde avec cette nouvelle monnaie numérique se font en Chine. Alors qu’on aurait pu s’attendre à la méfiance du gouvernement chinois inquiet des contournements illégaux permis par l’anonymat du système, il laisse faire.

Malgré sa volatilité, le Bitcoin attire l’épargne chinoise.

Les qualités d’anonymat et de souplesse intéressent beaucoup les Chinois dont les comportements financiers sont étroitement surveillés par le gouvernement et dont les solutions d’épargne contrôlées par les banques d’État restent très médiocres, sans parler de la chape de plomb qui pèse sur les transferts à l’étranger, ni des taxes sur les transactions en augmentation rapide, ou encore de la mauvaise réputation de la bourse.

Ainsi rien d’étonnant que les premiers « fans » du BTC chinois soient les épargnants, comme le souligne Yang Linke, vice-président de BTC Chine : « les opportunités de ce nouveau système sont sans limite en Chine où les traditions d’épargne sont fermement ancrées dans la culture sociale ». De fait, près de 50% des opérations mondiales en BTC sont réalisées en Chine.

En juillet, la valeur du BTC augmenta notablement après une émission de CCTV, la télévision d’Etat et un article très favorable du Quotidien du Peuple. En octobre, nouveau bond vers le haut quand Baidu annonça qu’il acceptait les paiements en Bitcoins pour ses actions boursières en ligne. Début novembre un groupe immobilier déclarait que les achats de propriétés à Pudong - Shanghai pourraient être effectués en monnaie électronique, ce qui, au passage, laisse présager l’utilisation de ce mode de paiement pour contourner les barrières anti-spéculation mises en place par l’Etat. Le 21 novembre enfin, Xinhua constatait qu’en 48 heures le BTC était passé de 3000 (363 €) à 7000 yuan (847 €), tandis BTC China enregistrait plus de 200 millions de yuan (24 millions d’€) de mouvements chaque jour.

Déboires du BTC et appréciations divergentes.

Mais la volatilité et l’anonymat qui autorise les fraudes restent un obstacle et incitent beaucoup d’usagers à la prudence. Le 26 octobre le site internet Global Bond Limited, dédié au change des Bitcoins qui traitait 34 % des transactions globales, ferma sans crier gare, laissant le bec dans l’eau 500 investisseurs qui virent s’évaporer plus de 4 millions de $, sans la moindre possibilité de recours.

En Chine et ailleurs dans le monde, les appréciations sur cet engouement divergent. Certains n’y voient qu’un feu de paille voué à l’échec.

Pour Zhang Yuewen expert en finances de l’Académie des Sciences Sociales, les Bitcoins ne sont « ni plus ni moins que des bons d’achat valides sur le réseau du net global. Il ajoute qu’il est trop tôt pour les considérer comme une monnaie » ; Ye Tan, analyste financier cité par Xinhua, juge que, « pour l’instant leur popularité repose sur le potentiel des gains comparés aux offres d’investissements traditionnels », mais il ajoute que « c’est à haut risque et totalement incontrôlable ».

Quelques uns élèvent le débat et considèrent le Bitcoin comme un symptôme exacerbé de l’individualisme planétaire et se demandent, comme le Club de Rome, si « notre monde a vraiment besoin de plus d’individualisme et moins de contrôle ».

D’autres voient le phénomène comme une innovation révolutionnaire qui, en limitant, par construction la création monétaire à 21 millions de BTC, prend le contrepied des monnaies étatiques dont la masse augmente de manière exponentielle. A l’inverse le Bitcoin serait une monnaie qui décloisonne le marché du paiement en ligne, freine l’inflation et installe un système monétaire auto-régulé et décentralisé.

Pour l’instant, très volatile, il souffre de nombreux impondérables générateurs de craintes. Mais, ses plus fervents adeptes, peut-être très idéalistes, espèrent qu’il constituera à terme une révolution culturelle puisque le concept prive les banques du monopole de la création de monnaie qui, selon l’économiste autrichien Hayek, produit des excès de liquidité à l’origine des cycles de récession et d’expansion.

Une vision de mathématicien programmeur peut-être idéaliste et naïve qui voudrait croire que les défis financiers, économiques et sociaux trouveraient une solution dans le calcul, devenu un paravent contre la folie cupide des hommes. Quoi qu’il en soit, en Chine et contrairement à ce qu’on aurait pu croire, le régime semble vouloir tirer partie de l’engouement populaire pour le BTC.

Pékin qui espère contrôler le BTC, laisse faire.

Yi Gang est gouverneur de la Banque Centrale depuis 2018.

A ce jour alors que le ministère de la justice américain et la Commission de régulation boursière ont validé la légitimité des BTC lors d’une audition au Congrès le 18 novembre, le gouvernement chinois a lui aussi, sans le dire, ouvert les vannes au développement de la monnaie électronique par une déclaration ambiguë de Yi Gang, le gouverneur de la Banque de Chine. Indiquant qu’il n’était pas prêt à reconnaître le Bitcoin comme une monnaie officielle, il ajouta cependant que « les usagers étaient libres de participer au marché du Bitcoin ».

La déclaration de Yi Gang est d’autant plus remarquable qu’en 2009, un décret conjoint des ministères du commerce et de la culture avait interdit l’achat et l’utilisation des monnaies dites virtuelles pour des opérations commerciales et de change. L’interdiction visait à l’époque Tencent, le plus puissant portail de services chinois, dont QQ, la monnaie virtuelle, acceptée dans les magasins et échangée ouvertement dans les lieux publics, aurait investi les flux de cash à hauteur de 13%.

Gêner le Dollar et dissimuler les opérations occultes du Régime.

Mais le Bitcoin est une autre affaire. Décentralisé et anonyme, son contrôle est pour l’instant plus ardu. Pourtant, dans la situation actuelle de la Chine, il n’a pas que des inconvénients. S’il est vrai que, fonctionnant sans entraves, il peut être le vecteur efficace de fraudes et de la fuite de capitaux, sa souplesse et l’absence de contrôle peuvent aussi accélérer les réformes financières en cours, et, peut-être même – effet collatéral imprévu - déborder l’équipe de libéraux actuellement aux commandes de la finance chinoise qui veulent la dépoussiérer.

Alors que la valeur de sa masse en circulation atteint déjà l’équivalent de 1000 Mds de $, il pourrait aussi servir les plans de la Chine pour gêner le dollar américain. La demande chinoise tire en effet le BTC rapidement vers le haut, de sorte que les taux de change entre Yuan et BTC commencent à servir d’indicateur pour le taux entre le Dollar et le BTC. Et il y a fort à parier que, par le biais des 20 plateformes de change qui opèrent déjà en Chine et dont la somme des opérations compte pour 50% des transactions quotidiennes globales, le Bureau Politique espère assez rapidement contrôler la monnaie électronique et limiter les infractions qu’elle permet.

Enfin, si le Régime voulait lui-même contourner les traités internationaux et, par exemple, s’affranchir des sanctions contre l’Iran qu’il a pourtant signées, il pourrait le faire par la monnaie électronique, dont l’anonymat serait alors une couverture idéale.

MISE à JOUR le 20 décembre 2013

Le 5 décembre la Banque de Chine et les 4 grandes banques publiques ont calmé le marché des Bitcoins en les prohibant pour les transactions commerciales en ligne, sans toutefois interdire la monnaie elle-même. Le communiqué officiel expliquait que la mesure visait à protéger les intérêts et les droits du public, le statut de la monnaie chinoise, la stabilité financière et le marché financier contre le blanchiment d’argent..

Le 16 décembre, les grandes institutions financières du pays ont ordonné à la dizaine d’opérateurs de paiements en ligne de cesser toute transaction avec le BTC.

Deux jours plus tard BTC China, la plateforme en ligne d’échange de BTC fermait ses activités Bitcoins, précipitant la chute de la devise numérique. Le 17 décembre au soir la valeur du BTC s’était effondré de 40% et s’échangeait en ligne à 380 $ pièce, soit moins de 50% de sa valeur du début décembre.

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BRÈVES.)

Explosion meurtrière d’un pipe-line à Qingdao.

52 morts 11 disparus.

Après l’explosion meurtrière le 22 novembre d’un pipleline construit par Sinopec à Huangdao, quartier ouest de Qingdao, dans le Shandong, la presse chinoise demande pourquoi la population n’a pas été évacuée alors que la fuite avait été découverte 7 heures avant l’explosion. Les mêmes questions ont été posées au président Xi Jinping quand il est venu rendre visite aux blessés hospitalisés, le 24 novembre. Dans la foulée il a ordonné une inspection de tous les oléoducs dans le pays. Parmi les 136 blessés, 52 sont dans un état critique.

Le 25 novembre, le Beijing News publiait un commentaire mettant en cause la compagnie et la municipalité : « de 3 heures du matin, quand la fuite a été découverte à 10h30, heure de l’explosion Sinopec et la ville ne se sont préoccupés que de colmater la fuite. Aucune alerte n’a été lancée à la population. Cette négligence est peut-être à l’origine du bilan très lourd »

Un manuscrit de Lu Xun à 780 000 €.

Le document vendu aux enchères à Hong Kong le 25 novembre compte 220 caractères. Il s’agit d’une lettre écrite en 1934, - 2 ans après l’attaque japonaise contre Shanghai et la création de l’État du Mandchoukuo -. Elle est adressée à un éditeur célèbre du nom de Tao Kangde pour lui conseiller d’étudier une langue européenne pour la qualité de la littérature, plutôt que le Japonais.

L’enchère est conforme à celles habituellement suscitées par les manuscrits de Lu Xun, plus élevées que celles des manuscrits des autres dignitaires chinois. Il y a quelques mois un brouillon de sa collection de nouvelles « Contes anciens à notre manière (1935) » a été adjugé à 6,9 millions de Yuans (780 000 € ), quand des manuscrits de Chen Duxiu et Li Dazho, deux fondateurs du Parti Communiste, étaient vendus respectivement à 2,4 et 4, 14 millions de Yuans (290 000 € et 500 000 €).

Mort en 1936 et considéré comme fondateur de la littérature chinoise moderne, Lu Xun, dont l’œuvre exprime à la fois pessimisme et énergie, est un auteur d’essais, de nouvelles et d’articles politiques et polémiques assez souvent tournés contre les traditions et la vieille culture chinoise qu’il connaissait parfaitement et dont il dénonçait les travers. Ouvert à la culture japonaise et occidentale, il avait des sympathies pour l’idéologie communiste, c’est pourquoi le Parti a instrumentalisé sa mémoire.

En 1927, alors qu’il était doyen de la faculté Su Yat Sen à Canton, et membre de la Ligue chinoise des droits de l’homme, il publie sa plus célèbre collections de poèmes en prose « la mauvaise herbe ». Dans la préface Lu Xun dit de la « mauvaise herbe » qu’elle pousse sur « l’argile abandonné de la vie », réminiscence des malheurs de sa vie antérieure. Elle est fragile et disgracieuse, mais se couvre de rosée et est douée d’une grande vitalité. Durant sa courte existence, elle est piétinée et la lave souterraine qui gronde la détruira un jour.

Mais qu’importe, « entre rires et chansons, entre ombre et lumière, entre la vie et la mort, entre le passé et le futur, il dédie cette brassée de mauvaises herbes à ses amis et à ses ennemis, aux hommes et aux animaux, à ceux qu’il aime et à ceux qu’il n’aime pas, sans quoi dit-il cela signifierait qu’il n’aurait pas vécu et serait encore plus lamentable que la décrépitude et la mort ».

Simon Leys parle ainsi de Lu Xun : « S’il mettait une telle fureur dans ses attaques (contre la culture traditionnelle), c’était précisément parce qu’il avait à les tourner d’abord et essentiellement contre lui-même, contre cette présence du passé en lui, contre cette complicité maudite qu’il appelait tantôt « les habitudes accumulées », tantôt « le fardeau des ténèbres » ou « les fantômes »

Le même Simon Leys a reproduit sur la couverture de ses Essais sur la Chine, en chinois, un poème de Lu Xun daté de 1933 : « M’étant mêlé d’écrire, j’ai été puni de mon impudence ; Rebelle aux modes, j’ai offensé la mentalité de mon époque. Les calomnies accumulées peuvent bien avoir raison de ma carcasse ; Tout inutile qu’elle soit, ma voix n’en survivra pas moins dans ces pages. »

Système de retraite.

Le 20 novembre un éditorial du Global Times affirmait que, compte tenu de l’allongement de 20 ans de l’espérance de vie, tandis que le nombre d’actifs de 19 à 59 ans diminuait du fait du vieillissement de la population, le gouvernement, s’il voulait assurer le paiement des retraites, n’avait pas d’autre choix que de rallonger la durée du travail. L’article glose ensuite sur la difficulté d’une telle réforme.

« Certains y seront opposés. Il faudra que les médias et les intellectuels consentent de gros efforts pour montrer au public la réalité de la situation des pensions et s’abstiennent d’instrumentaliser pour leur profit le ressentiment public. Celui-ci doit comprendre que l’allongement de la durée du travail est nécessaire quand l’espérance de vie des Chinois augmente. Tout cela dépasse les intérêts corporatistes et ne se fera pas sous les applaudissements du public ».

(…) Le gouvernement doit accepter le ressentiment du public pour ménager ses intérêts à long terme et garantir à la Chine sa compétitivité future. A la longue, quand la réforme aura porté ses fruits la colère de l’opinion s’apaisera ».

Mais Wei Nanzhi, chercheur à l’Académie des Sciences Sociales, explique que ces mesures ne suffiront pas. Elles devront être accompagnées de réformes, non seulement pour améliorer rentabilité des fonds de retraite, suggérant la création de fonds de pensions, mais également pour plus de solidarité inter-générations de la société civile.

La politique de l’enfant unique.

Parmi les promesses de réformes du 3e Plenum figurait l’abandon progressif de la politique de l’enfant unique. Mais les déclarations officielles laissent entendre que cette suppression sera progressive. L’objectif est de remonter le taux de fécondité, aujourd’hui tombé à 1,6 enfant par femme à 1,8 (En France, en partie grâce à l’immigration, il est légèrement supérieur à 2). Mais selon Wang Canping, démographe, la réforme ne provoquera pas un « baby boom », car la culture de la famille nombreuse a en partie disparu.

Après que la réforme ait été introduite au début des années 80, pour contrôler l’explosion démographique ; la majorité des familles urbaines ont obéi à la règle de l’enfant unique, tandis que dans les campagnes un deuxième enfant était autorisé si le premier était une fille. Les familles qui se conformaient à la règle étaient gratifiées d’avantages fiscaux. Elles comptent aujourd’hui pour 35,7% des familles chinoises. Des aménagements ont ensuite permis aux parents eux-mêmes enfants uniques d’avoir un 2e enfant.

Selon les statistiques, la politique qui permit de réduire la population chinoise de 400 millions, a produit d’importants effets pervers dont le premier impose aujourd’hui d’allonger l’âge de la retraite. En effet le vieillissement de la population a pour la première fois provoqué la contraction du nombre d’actifs de 3,45 millions en 2012. (Rappel et mise en perspective : En Chine 14,3% de la population a plus de 60 ans, mais en France (source INSEE) les plus de 60 ans représentent déjà plus de 21% - ).

Le deuxième effet pervers inquiétant et dont on n’a pas encore mesuré toutes les conséquences économiques, sociales, culturelles, psychologiques et politiques est le déséquilibre hommes – femmes : en 2012, on comptait en Chine seulement 100 filles pour 118 garçons, contre un ratio normal moyen de 103 filles pour 107 garçons. Cette réalité augmentera les trafics de femmes avec les pays d’Asie du Sud-est et contribuera à créer des tensions dans la société.

Coup de torchon chez les officiels et les patrons corrompus.

Immédiatement après le 3e Plenum, le pouvoir a déclenché une vague de mises en examen et de sanctions pour corruption contre des membres du Parti et quelques hommes d’affaires.

Chen Baihuai, ancien n°2 de la Conférence Consultative du Peuple Chinois du Hubei a fait l’objet d’une enquête disciplinaire diligentée par la Commission Centrale de Discipline du Parti ;

Liu Xiushan vice-directeur du département de l’organisation du Parti du Heilongjiang, compromis dans l’affaire de corruption de Liu Tiannan, ancien Directeur de l’agence nationale de l’énergie expulsé du Parti en août, a été relevé de ses fonctions ;

Li Donguang, vice-président du syndicat des producteurs d’aluminium, sous la coupe du gouvernement, a été contraint de quitter son poste ;

Lu Xiangdong ancien n°2 de China Mobile, le géant national de télécoms, a été condamné à la prison à vie pour avoir accepté 20 millions de Yuan (2,4 millions d’€) de dessous de table ;

Xu Mengjia, ancien SG du Parti de Ya’an dans le Sichuan a été placé en examen pour corruption.

Le journaliste Luo Changping écarté.

Connu pour ses enquêtes débusquant les personnalités corrompues, Luo Changping a été forcé de quitter le département de l’info du magazine Caijing et a été muté au centre de recherche du journal. L’information a été diffusée par le South China Morning Post du 27 novembre, sur la foi du témoignage d’un de ses collègues qui demande l’anonymat.

En décembre dernier, Luo avait mis à jour la corruption de Liu Tiannan ancien Directeur de l’Agence Nationale de l’Energie et n°2 de la Commission Nationale pour la Recherche et Développement qu’il avait accusé d’entretenir plusieurs maîtresses, d’avoir accepté des pots de vin et falsifié son diplôme universitaire.

Luo a publié un livre en ligne dans lequel il rendait publiques plus d’informations sur Liu et d’autres officiels de haut rang du pouvoir. Début novembre Luo avait reçu le prix de l’intégrité créé par l’ONG « Transparency International » qui s’est donné pour mission de combattre la corruption partout dans le monde.

Belle manifestation de solidarité à Yinchuan.

Yinchuan (600 000 hab), la capitale de la petite province autonome du Ningxia, peuplée de 6 millions d’habitants où les musulmans Hui constituent une minorité, a récemment été le théâtre d’une belle manifestation de solidarité qui contredit l’image de cynisme et d’égoïsme que donne parfois la société chinoise, traversé par d’importantes tensions.

Début novembre, des milliers de citoyens de Yinchuan se sont mobilisés pour aider la fille âgée de 4 ans d’une famille de migrants, sourde de naissance, à retrouver son appareil auditif perdu. Le message d’appel à l’aide posté par le père sur un réseau social et relayé par plusieurs microblogs de la municipalité a immédiatement provoqué une vague de solidarité dans la ville. L’information fut également diffusée en même temps par les 1500 bus municipaux, les taxis et la TV locale. L’esprit d’entraide et de charité a payé au bout de 4 jours de recherche. C’est un vieux mendiant qui a retrouvé l’appareil.

Le South China Morning Post du 18 novembre rapporte que ce type de manifestations de solidarité se produit régulièrement aux quatre coins de la Chine. Il cite le cas d’un marchand ambulant d’Urumqi qui, ayant demandé de l’aide par internet pour soigner la leucémie de sa femme, a vu ses ventes multipliées par dix. Au début de 2013, la clientèle d’un modeste restaurant du Henan a brutalement augmenté quand son patron a appelé à l’aide pour soigner une tumeur osseuse.

L’après Bo Xilai à Chongqing. Les victimes toujours en prison attendent réparation.

Durant le règne de Bo Xilai à la tête de la municipalité autonome, des centaines de compagnies de tous secteurs firent les frais de la campagne anti-mafias orchestrée par le chef de la police Wang Lijun qui jeta 7400 personnes en prison. Mais l’ancien n°1 avait également mis a profit la tourmente pour ponctionner indument le secteur privé, littéralement racketté par les agents de la ville.

D’après le Quotidien de Chongqing, 8,5 Mds d’€ ont ainsi été collectés de manière trouble. L’argent géré sans aucune transparence ni contrôle fut utilisé par la municipalité pour modifier l’aspect de la ville et l’embellir, ce qui valut à Bo Xilai quelques marques de reconnaissance de la part des citoyens de la mégalopole, mais laissa les comptes municipaux et l’économie de la ville dans un état déplorable.

Les nouvelles autorités ont entrepris de nettoyer les finances, redémarrer l’économie en partie arrêtée, rattraper les salaires impayés et rétablir un semblant de droit. Mais certains des PDG rétifs, mêmes parmi les mieux connectés qui refusèrent le racket et quelques uns des avocats qui les défendaient sont encore en prison.

Malcom Moore, correspondant du « Telegraph » à Chongqing, cite le cas de Wang Neng, le PDG de de la compagnie de construction Yuxi Bandao, membre de l’assemblée législative locale, accusé d’escroquerie et condamné à la prison à vie, toujours sous les verrous. Quand les compagnies devenaient les cibles de Bo, leurs comptes en banque étaient gelés et l’argent directement transféré à la police qui donnait l’autorisation d’y accéder. 11 PDG sont encore en prison, purgeant de longues peines.

Deng, l’avocat de Wang, lui-même arrêté, torturé et emprisonné dans plusieurs centres de détention spécialement créés pour la campagne anti-mafias, explique que la justice a commencé à réviser les cas « d’erreurs judiciaires », mais la procédure est longue. Deux ans après la destitution de Bo Xilai, seulement trois jugements ont été revus sur plusieurs milliers.

Certains se sont enfuis après avoir payé une rançon de plusieurs dizaines de millions de Yuans pour leur libération. Dans les tribunaux et à la mairie, ajoute Deng, il reste encore de nombreux fidèles de Bo Xilai qui rêvent de se venger. Lui-même se considère en fuite, change fréquemment de domicile et survit grâce à l’aide des congrégations chrétiennes.

 

 

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