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›› Société

1894 – 2014. Une vue cavalière et édulcorée des années du cheval

L’année du cheval a commencé le 30 janvier à minuit par le long et assourdissant crépitement des pétards dans la nuit chinoise en dépit des annonces dissuasives des autorités sur tous les médias nationaux qui tentèrent d’en réduire l’usage. Rien n’y a fait. Un Chunjie sans pétards n’est pas imaginable en Chine.

Comme chaque année la fête a précipité les familles dans les gares et les aéroports ou sur les routes. 3, 5 milliards de voyages individuels d’une migration qui se terminera officiellement le 6 février, mais que beaucoup prolongeront jusqu’à la fête des lanternes, le 14, milieu du premier mois lunaire.

Les augures prédisent une année heurtée, marquée par des raidissements dans les affaires et des risques militaires. Il sera difficile de parvenir à des accords dans une tendance très « Yang » où les hommes s’accrocheront à leurs principes et refuseront les compromis. Quant à la situation géostratégique notamment avec le Japon, elle exigera beaucoup de sagesse des dirigeants politiques, dit le Quotidien du Peuple en ligne le 31 janvier. Pour l’occasion, le journal s’est essayé à une vaste revue historique intitulée « Réformes et risques », sur un cycle zodiacal de deux fois soixante ans.

On y retrouve, passés au filtre de la propagande, les soucis récurrents du régime. D’abord ceux, géostratégiques directement liés à la situation dans le Pacifique occidental, dont les épines sont la crise avec le Japon, l’entrisme militaire américain et la question de Taïwan.

Ensuite ceux socio-économiques liés à l’épuisement de l’ancien modèle de développement, avec, soulignée par la visite du premier ministre à une famille de migrants, la quadrature du cercle de l’intégration dans la société chinoise et dans le tissu urbain en pleine explosion des 260 millions de travailleurs sans statut social. A quoi il faut ajouter l’attention portée au moral de l’APL sur les frontières de la Chine que Xi Jinping a inspectées quelques jours avant le Chunjie.

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1894 – 1954. La Dynastie Qing conspuée

La rétrospective renvoie à la déliquescence de la dynastie Qing en 1894, une année du cheval de funeste mémoire où la Chine essuya une défaite navale contre le Japon avant de perdre Taïwan l’année suivante. Par les temps qui courent quoi de plus gratifiant pour le régime en effet que cette comparaison avec « l’époque féodale », où le système impérial fut humilié par le Japon et abandonna Formose.

Évidemment, les Qing, derniers empereurs de souche tartare ne sont pas épargnés par l’auteur. Alors que le régime rêve une fois encore de rénovation et s’efforce de protéger bec et ongles ses frontières impériales sans oublier Taïwan, les voilà taxés non sans raison d’être responsables « d’énormes pertes territoriales » et de l’échec de la modernisation du pays, alors que - écrit l’auteur -, « le Japon, tirant profit des lourdes indemnités payées par la Chine, réussissait sa renaissance ».

On n’oublie pas non plus que les militaires à Tokyo dont il est beaucoup question aujourd’hui avec la visite de Shinzo Abe au sanctuaire Yasukuni, ont pesé pour lancer la 2e guerre mondiale en Asie, 37 ans plus tard. L’incidence permet d’adresser un signal de solidarité aux Coréens qui eurent également à souffrir du militarisme japonais. Arc-boutés comme les Chinois dans des querelles territoriales avec Tokyo, ils se sont eux aussi indignés de la visite au sanctuaire du Premier Ministre nippon, le 26 décembre dernier.

C’est aussi pour faire référence au patriotisme chinois, attisé sans discontinuer depuis 2010 à propos du Japon, que l’article évoque Sun Yat Sen, fondateur en 1894 d’un mouvement qui finira pas abattre le système dynastique en 1911. Au passage, l’auteur rappelle que le Père des « Trois Principes du Peuple » fut aussi à la racine du Kuo Min Tang, une manière de souligner qu’aujourd’hui la Direction politique à Taipei rejette l’indépendance de l’Île et, qu’elle aussi, se réclame du principe « d’une seule Chine » et de la réunification.

L’année 1894 fut également celle de la création des Jeux Olympiques par Pierre de Coubertin, dont, à l’époque, peu de Chinois comprenaient le principe. Mais, aujourd’hui, selon l’auteur, après les JO de Pékin en 2008, chacun en Chine aurait parfaitement assimilé la devise du Baron : « Toujours plus haut, plus fort et plus vite », ce qui donne une idée des ambitions insatiables de la propagande, sans qu’il soit certain que le sens spirituel de cette sentence soit bien compris par le matérialisme ambiant.

La transition est toute trouvée pour revenir sur terre, rappeler la candidature chinoise aux JO d’hiver de 2022 et, prosaïquement, pointer du doigt les méfaits de la pollution, un des grands défis de la Chine moderne qui paye le prix fort d’un développement univoque très quantitatif et violemment agressif pour l’environnement.

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1954 – 2014. Taïwan, les États-Unis et les défis socio-économiques

Après avoir balayé à partir de 1894 les 60 premières années du cycle, ponctuées de plusieurs incursions dans le présent des querelles sino-japonaises, la deuxième partie du texte reprend sa cavalcade historique en 1954, une autre année du Cheval, pour proposer une vue d’ensemble des six décennies suivantes soigneusement épurée.

Ayant estompé l’épisode répressif des « Cent Fleurs », la catastrophe du « grand bond en avant » dont le bilan humain fut rappelé par Yang Jisheng dans son livre « Stèles », et celle de la révolution culturelle, souvenir hautement répulsif pour le Parti qui occulte sans esprit de recul toutes les recherches précises sur le sujet, la fin de l’article se concentre sur deux points : d’abord Taïwan et, de manière directe, l’ingérence stratégique américaine ; ensuite les défis de la situation socio-économique.

Jinmen sous les bombes après le Taïwan Relation Act

1954 fut en effet l’année de la signature de l’Accord de défense entre les États-Unis et Taïwan garantissant en cas d’agression extérieure, c’est-à-dire venant du Continent, la sécurité de la République de Chine installée dans l’Île .

L’auteur explique que la réponse chinoise vint du « Front Uni », regroupant les partis non communistes, affabulation de la direction politique du régime pour accréditer l’idée d’un système à la fois multi partisan et rassemblé autour des idéaux de la Chine rouge : « Nous ne tolèrerons pas qu’une puissance étrangère ose se mettre en travers de l’Armée Populaire de Libération à Taïwan, partie intégrante du territoire chinois ».

Suit le rappel des 20 années et plus de bombardement de Jinmen par l’artillerie chinoise. Les harcèlements ne cessèrent qu’en 1979, année qui, au passage, mais l’article ne le dit pas, marqua aussi l’établissement des liens diplomatiques entre Pékin et Washington, dont l’annonce officielle eut lieu lors du 3e plenum du 11e Comité central du PCC de décembre 1978, une autre année du Cheval, qui fut aussi marquée par le retour complet de Deng Xiaoping au pouvoir dont, étrangement, le Quotidien du Peuple ne souffle mot. Cette année fut aussi marquée par la fin du de l’accord de défense de 1954, remplacé par le Taïwan Relations Act, qui n’est plus un traité international, mais une obligation de droit interne de protéger l’Île, votée par le Congrès.

L’article passe aussi sous silence qu’entre le 21 juillet 1995 et le 23 mars 1996, la 2e Artillerie de l’APL avait tiré plusieurs salves de missiles inertes à proximité de Taïwan. D’abord pour menacer Lee Teng-hui, successeur de Jiang Jingguo à l’origine d’un processus de démocratisation de l’Île, ensuite pour faire pression sur le scrutin du 23 mars 1996 où, pour la première fois dans l’histoire du monde chinois, les Taïwanais étaient appelés aux urnes pour élire leur président au suffrage universel.

Éloge du KMT et de l’Accord Cadre avec Taïwan

Mais là aussi, le contraste souligné par l’auteur entre les périodes troubles du passé et les bienfaits de l’Accord Cadre signé en 2010 avec le Kuo Min Tang est éloquent. Les succès sont porté au crédit du Parti Communiste chinois et du KMT qui, tous deux et contrairement au Parti Indépendantiste, soutiennent la « politique d’une seule Chine », à l’ombre de la mémoire commune de Sun Yat Sen.

Trois ans après les premiers touristes venus de la Grande Terre en 2010, près de 2 millions de Chinois ont visité Taïwan en 2013 et le commerce dans le Détroit a atteint 200 millions de $, un volume considérable équivalent à 60% des échanges chinois avec le Japon.

La fin de l’article sacrifie aux habituelles associations qui rapprochent les défis et les opportunités. Avant de gloser sur les progrès de l’humanité en un siècle, l’impression 3D, le brouillage des frontières entre le réel et le virtuel, la vie artificielle, les robots et les nanotechnologies, nouvelles fascinations technologiques porteuses de l’espoir des dirigeants chinois, l’auteur rappelle les actuels défis du développement irrationnel, de la structure économique déséquilibrée et des vastes écarts de richesse.

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Retour aux réalités. Opportunités et risques.

Les dirigeants chinois ont en tête ces ambitions et ces espérances qui cohabitent avec la somme des problèmes socio-économiques ou sanitaires dont les symptômes se transforment en alerte ici et là. Comme la récente annonce du China Credit Trust incapable de rémunérer ses investisseurs le jour même du Chunjie, qui véhiculait un risque de défaillance évalué à 3 Mds de RMB (370 millions d’€) rattrapé in-extremis par un fond d’investissement public.

Ou encore les nouvelles inquiétantes de l’éclatement d’un foyer de grippe aviaire qui vient de tuer 20 personnes en 4 semaines à Shanghai et dans les provinces du Zhejiang et de Canton (Xinhua), tandis que la chaîne centrale de télévision annonçait que 110 personnes étaient infectées au Jiangsu, au Fujian, et au Hunan par le virus H7N9, dont les services sanitaires continuent à dire qu’il ne recélait pas de risque de transmission à l’homme par des volailles infectées.

Il n’empêche que depuis un mois à Shanghai, la municipalité a augmenté les contrôles des marchés pour sanctionner la commercialisation illégale de volailles sauvages. A Guiyang, capitale du Guizhou dans le Sud-ouest de la Chine, une mesure technique moderne a été mise en œuvre. 90% des volailles commercialisés sont équipées d’un système de traçage électronique monté sur bracelet qui permet de retrouver les vendeurs.

Tel est le fond de tableau des efforts de Li Keqiang et Xin Jinping pour accompagner la naissance de l’année du cheval. Le choix des visites traduit les préoccupations du régime. Le 30 janvier, Li Keqiang gravissait à pied une route escarpée vers un village du district de Xunyang à 100 km au sud de Xian pour aller à la rencontre d’un couple de grands parents dont les enfants ont, comme 260 millions d’autres Chinois, migré vers l’Est à la recherche d’un travail, à 1000 km de chez eux.

Quant au Président, il a sillonné la Chine du Nord au sud à la rencontre de soldats de l’APL. Le 27 janvier il était à la frontière mongole avec les garde-frontières par un temps glacial ; trois jours plus tard, il était avec des sentinelles dans les Monts Jianfeng dans la province du Guangxi.

 

 

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