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›› Technologies - Energie

Bilan énergétique à la fin 2013. La rémanence du charbon

La dépendance au charbon reste très forte (75% de l’électricité provenait du charbon en 2013) et se perpétuera après 2040. A cette date les estimations chinoises la situent encore à 63% et le nombre des centrales thermiques fonctionnant en Chine représentera encore près de 40% des centrales opérationnelles dans le monde. D’ici là, le pays augmentera encore sa capacité électrique charbon de 527 gigawatts, ce qui constituera presqu’un doublement. Dans ce tableau, la part d’énergie hydroélectrique qui était de 18% en 2010 se réduira à 12% en 2040, malgré la construction de nouveaux barrages qui généreront 190 gigawatts.

L’hydroélectrique se maintiendra cependant jusqu’en en 2040 au 2e rang des sources d’énergie, avant le nucléaire. La capacité du nucléaire civil, source aujourd’hui de 5% de la production totale d’énergie, augmentera de 149 gigawatts d’ici 2040, ce qui la portera à 11% de la production totale. Celle de l’éolien augmentera de 249 gigawatts, à 5,5% de la production totale, en augmentation notable depuis 2010 où elle n’était de 1,1%. Tous ces chiffres et pourcentages qui proviennent de la Commission Nationale pour la Réforme et Développement sont cependant à prendre avec précaution.

La tyrannie du charbon, ressource abondante et sûre, continuera de peser longtemps sur le marché de l’énergie en Chine, compte tenu des ressources limitées du pays en hydrocarbures, très inférieures à celles des Etats-Unis et de la Russie et du long chemin technologique restant à parcourir pour aboutir à une exploitation industrielle des importantes réserves de gaz de schiste. Ce qui ne signifie pas que le paysage énergétique reste figé, d’autant que la demande explose : Tous les ans et toutes énergies confondues, la Chine met en service une centaine de nouveaux gigawatts (GW), soit l’équivalent du parc de production électrique français.

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Modernisation de la filière charbon.

Placé sous la contrainte écologique avec des dommages à la santé et à l’environnement qui poussent à réduire l’empreinte des émissions carbone et confronté à l’obligation économique de meilleur rendement, le secteur charbon tente de se rationaliser, ravivant les vieux débats sur la privatisation et la dérégulation des prix ; il se modernise aussi grâce à l’apport de technologies réduisant l’impact polluant des centrales ultra-modernes : cycle combiné, super-critiques de 650 MW et ultra-critiques de 1 000 MW, tandis que les unités les plus agressives pour l’environnement sont progressivement démantelées. En même temps, les réseaux de distribution tentent de s’adapter aux nouvelles sources d’énergie comme l’éolien dont les gisements les plus riches sont très éloignés des grandes espaces de consommation du centre et de l’est.

La consolidation du secteur charbon se fait essentiellement par le truchement des groupes publics. Elle est en cours depuis 2006. Les petites exploitations minières – moins de 100 millions de tonnes/an - sont fermées ou regroupées dans des entités plus larges contrôlées par l’Etat et ses grands opérateurs d’énergie comme Huaneng, dont la présidente Li Xiaopeng est la fille de l’ancien premier ministre Li peng, qui domine 40% des réserves charbon de la Chine, représentant 10 fois la production annuelle de charbon du pays.

Mais l’effet pervers de cette stratégie d’efficacité dont il faut saluer le succès technique, est qu’elle renforce les féodalités de l’oligarchie et des administrations locales que, précisément, le premier ministre Li Keqiang tente d’affaiblir pour augmenter la part privée de l’économie et l’empreinte du marché. Parmi les forteresses se trouvent, outre Huaneng, Datang, Guodian, Huadian et China Power Investment (CPI), les 5 grands producteurs d’énergie de Chine.

La préoccupation écologique est également un des ressorts de la stratégie de modernisation. Le 12e Plan à l’œuvre jusqu’en 2015 prévoit une réduction des émissions de CO2 de 17% par unité de PIB et une baisse de la consommation énergétique de 16%. Trois régions pilotes (Pékin, Shanghai, et Canton), qui furent responsables de 55% des augmentations de consommation globales de charbon on été désignées où la construction de nouvelles centrales est sévèrement contrôlée, tandis qu’on encourage les unités de production au gaz.

Partout en Chine des programmes d’économie d’énergie ont été appliqués aux 10 000 entreprises les plus voraces tandis que pour les 7 secteurs stratégiques la préoccupation écologique a été placée en tête des priorités. Quand les niveaux de pollution augmentent dangereusement, comme ce fut régulièrement le cas récemment, les centrales au charbon réduisent leur production ou sont mises à l’arrêt.

L’arrière pensée du plan est de faire glisser les unités charbon vers l’ouest moins peuplé tandis que de gros efforts sont entrepris pour développer un réseau de distribution efficace orienté ouest – est. Mais les lobbies de l’énergie restent puissants. En juin 2013, le gouvernement central a été contraint de revenir (provisoirement) sur une interdiction d’importer du charbon de basse qualité venant d’Indonésie et du Vietnam. La mesure visait aussi à réduire de 30% les importations de charbon alimentant les centrales de l’est pour favoriser le développement des unités dans l’ouest.

Mais la réduction significative de l’empreinte charbon n’est pas pour demain, sans un changement radical qui paraît hors de portée du schéma de développement. Enfin s’il est vrai qu’il est politiquement acceptable de démanteler une petite centrale inefficace et mal gérée, il est en revanche hors de question de mettre à l’arrêt une grande unité moderne avant sa fin de vie économique en 2050. A ces rémanences industrielles incontournables s’ajoutent les contrats publics garantissant des quotas de production aux grands opérateurs d’énergie pour compenser le contrôle socio-économique du prix de l’électricité. La concurrence entre les opérateurs ne jouant qu’à la marge quand les quotas de production publics sont épuisés.

La pérennité de ce schéma perpétuant l’empreinte charbon à l’Est créé une rigidité qui influence également les distributeurs hésitant à diversifier leurs réseaux pour s’adapter à la localisation des nouvelles sources d’énergie non polluantes. En 2012, par exemple les propriétaires de champs d’éoliennes ont enregistré 1,6 Mds de $ de pertes du fait de la non connexion au réseau des centres de production.

De fait, 50% de la production éolienne est gaspillée. Une amélioration de la distribution est en cours par la modernisation technique du réseau appartenant aux deux grands opérateurs publics 国家电网公司 (Guojia Jianwang Gongsi – réseau de distribution électrique national -) et 中国南方电网 (Zhongguo Nanfang Jianwang – réseau national du sud -), ce dernier ayant prévu d’investir 500 Mds de RMB (75,5 Mds de $) d’ici 2015 pour ajouter 40 000 km de lignes à son réseau et y connecter plus de sources hydroélectriques et éoliennes. Enfin, depuis 2009 une modernisation des réseaux haute tension est en cours grâce à un investissement de 600 Mds de $.

L’écologie en question. Les émissions carbone sur la sellette

Il reste que la rémanence du charbon – dont les mines sont au nord – pose d’importants problèmes logistiques et compte pour un grande part dans la pollution du l’air. Désormais la Chine est, avant les États-Unis, le plus gros émetteur de dioxyde de carbone. Au rythme actuel de progression bien plus élevé qu’ailleurs, en 2030 elle sera à l’origine de 52% des émissions globales. Aujourd’hui dans certaines grandes villes comme Pékin, les niveaux de pollution de l’air atteignent 40 fois le seuil d’alerte fixé par l’OMS.

S’il est vrai qu’aujourd’hui encore ce sont toujours les États-Unis qui détiennent de très loin le record mondial d’émission de dioxyde de carbone par habitant, les émissions par tête ont été réduites de 12% entre 1990 et 2011, alors qu’elles ont augmenté de plus de 300% en Chine. A cette vitesse, les émissions de CO2 chinoises par habitant auront dépassé celles des Etat-Unis avant 2025.

Un test des efforts chinois pour corriger cette dérive aura lieu en 2020 première année butoir fixée par le Conseil de Affaires d’État pour réduire de 40 à 45% ses émissions de carbone par rapport à celles de 2005. Ces réalités alarmantes fondent les efforts chinois pour les économies d’énergie, les programmes écologiques (évoqués plus haut) et le développement d’autres sources d’énergie, avec un effort marqué pour le nucléaire.

La force de la filière nucléaire chinoise.

En janvier 2014, 20 réacteurs étaient opérationnels et 28 autres en construction, tandis que les chantiers d’au moins autant d’unités nouvelles étaient sur le point de démarrer. L’objectif très ambitieux est de quadrupler la capacité installée à 58 GWe dès 2020 et de la porter à 400 GWe en 2050. Rappelons qu’en France la capacité électronucléaire installée est de 63 GWe.

Les technologies nucléaires ont été en majorité importées de France, de Canada et de Russie, avec une priorité accordée aux apports de la filière française de Framatome devenu AREVA. Les dernières acquisitions technologiques viennent des Etats-Unis par Westinghouse aujourd’hui contrôlé par Toshiba et de France avec l’EPR (pour European Pressurised Reactor) réacteur à eau sous pression de IIIe génération à sûreté active dont deux unités d’une puissance de 1660 MWe sont en construction à Taïshan et deux autres en projet.

Les réacteurs de 2e génération et la sûreté nucléaire.

Pour l’heure c’est la technologie de l’AP 1000 (génération III+ à sûreté passive) de Westinghouse avec sa variante sinisée le CAP 1400 qui pourrait former l’épine dorsale à venir du développement de la filière chinoise également proposée à l’export avec l’appui efficace des autorités de Pékin sous la responsabilité et avec l’appui de la State Nuclear Power Technology Corporation (SNPTC) 国家核电 – Guojia Hedian – et plus récemment de la China National Nuclear Corporation (CNNC) 中国和工业集团 公司。

Ces décisions répondent aux recommandations du centre de recherche du Conseil des Affaires d’Etat agissant comme consultant indépendant pour les affaires stratégiques qui mettait en garde contre les risques nucléaires liés à l’accélération de la construction du parc de centrales et à la prévalence accordée aux réacteurs de 2e génération de type CPR-1000, suite aux difficultés des ingénieurs chinois à siniser les technologies de IIIe génération.

Selon le rapport si la tendance était poursuivie, un nombre important de réacteurs dont la sûreté serait moindre serait encore opérationnel en 2070. Le rapport critiquait aussi le faible nombre de personnels attaché à la sûreté nucléaire.

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Succès scientifiques et techniques chinois en 2013

A la fin janvier les académies chinoises des sciences (中国科学院大学 Zhongguo Kexueyuan da Xue) et des sciences de l’ingénieur (中国工程院 Zhongguo Gongchengyuan), ont publié une liste des 10 plus grands évènements ou avancées scientifiques et technologiques en Chine.

La liste qui suit reproduit celle publiée par les grands médias officiels chinois. Hormis l’alunissage de Cheng’e3, le lancement de Shenzhou 10 et l’étude de la transmission à l’homme du virus H5N1, sujets que le site à déjà évoqués, Question Chine n’a pas la compétence scientifique pour en commenter la pertinence et la mettre en perspective.

Il s’agit : 1) de l’alunissage du module Cheng’e-3 ; 2) du lancement réussi du vaisseau spatial Shenzhou 10 ; 3) de l’observation d’un phénomène physique connu sous le nom de « Effet Hall Quantique », (devrait aider au développement des équipements électroniques de faible puissance, réduire la consommation d’énergie et permettre de progresser encore dans la miniaturisation des équipements électroniques) ; 4) de l’étude de la transmission du virus de la grippe aviaire H5N1 des volailles et des oiseaux à l’homme ; 5) de la confirmation que Tianhe-2 (天河二号) est, depuis juin 2013, le super calculateur le plus puissant au monde ;

6) de la mise au point en février 2013, par l’université du Zhejiang du matériau le plus léger au monde (aérogène de carbone) ; 7) du développement à Changchun du premier Laser à solide pompé par diode ultra-violet, utilisé en ophtalmologie et pour l’usinage des matériaux ; 8) de la mise au point par l’Académie des Sciences technologiques d’une image moléculaire à très haute résolution en utilisant la spectrométrie Raman et un microscope à effet tunnel ;

9) du développement du plus puissant générateur nucléaire au monde d’une capacité de 1750 MW par la Dongfang Electrical Machinery Company, Deyang au Sichuan, pour la centrale de Taishan (JV entre la Guandong Nuclear Power Holding Company – GCNPC – et EDF) ; 10) du développement du premier calculateur à structure dynamique variable capable de s’ajuster à des tâches en fonction des besoins des utilisateurs.

 

 

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