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›› Chronique

Chine – France. Histoire, politique, coopération et maîtrise des transferts technologiques

Venu en France du 25 au 28 mars, dans la foulée du troisième sommet nucléaire de La Haye, avant de se rendre en Allemagne et à Bruxelles, le Premier Secrétaire du Parti Communiste Chinois Xi Jinping Président de la République Populaire de Chine a été reçu avec un faste exceptionnel par le président François Hollande qui s’était pourtant montré un critique sans nuances des politiques commerciales chinoises quand il était encore secrétaire du Parti Socialiste.

Accueil présidentiel aux Invalides, traversée vers l’Elysée au milieu d’une éclatante escorte de 104 cavaliers de la Garde Républicaine en grand uniforme, somptueux dîner d’État, concert à Versailles, aucun apparat n’a été négligé pour s’attirer les faveurs de Xi Jinping accompagné de l’élégante Peng Li Yuan, chanteuse à succès de l’APL. A l’occasion du 50e anniversaire de la reconnaissance, sacrifiant une fois de plus à la vieille illusion d’une relation privilégiée avec Pékin, Paris tente de réduire par l’éclat politique, les 26 Mds d’€ de déficit de son commerce avec la Chine.

S’il est vrai que l’examen du contenu des 18 Mds d’€ de contrats affichés révèle l’ouverture de nouveaux domaines d’exportation et de coopération pour la France, notamment dans l’agro-alimentaire, l’urbanisme, à quoi il faut ajouter la consolidation des filières françaises de traitement des eaux et des télécom, l’épine dorsale des accords signés par la France et la Chine touche aussi aux grands domaines d’expertise française que sont l’automobile, l’aéronautique, le nucléaire civil, l’espace et l’étude des micro-organismes pathogènes de classe 4.

Cette focalisation des accords autour des domaines d’excellence de la France à l’export ne peut manquer de soulever des interrogations sur la pertinence d’une stratégie qui, pour conquérir des parts de marché en Chine, semble, encore plus que par le passé, ouvrir les vannes de transferts de technologies à des groupes chinois dont l’objectif est sans conteste de s’affirmer comme des concurrents des exportations françaises.

Tous les contrats signés ne véhiculent pas ce risque. Nombre d’entreprises françaises peuvent en effet se féliciter des ouvertures consenties par la Chine qui resteront cependant à confirmer, notamment dans les secteurs de la charcuterie, de l’énergie, de l’écologie urbaine ou de l’aide aux personnes âgées. Pour autant, il est nécessaire d’analyser plus en détail les avantages et inconvénients des accords dans l’aéronautique, l’espace, l’automobile, le nucléaire civil, à quoi il faut ajouter celui concernant les agents infectieux dangereux et l’accord concernant le laboratoire P4 dont la mise en œuvre date de 2011, mais sur lequel l’État français n’a communiqué que de manière partielle.

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Aéronautique et espace.

L’aéronautique (avions ou hélicoptères) où la Chine est en retard, notamment dans le secteur de la propulsion et celui de l’intégration des systèmes embarqués et dans nombre d’autres équipements – dont le train d’atterrissage et l’avionique - est un domaine qui mérite attention, même si les déficiences chinoises – le moteur WS-10 attendu pour 2016 devra encore prouver sa fiabilité – donnent encore de la marge aux constructeurs étrangers. Il reste que les transferts, notamment dans le secteur de la propulsion, se font par le truchement des équipementiers.

A plus ou moins long terme, les modèles chinois deviendront des concurrents des machines françaises et européennes sur le marché mondial. Toute la stratégie des constructeurs étrangers consistera à conserver un temps d’avance dans l’innovation et à trouver la juste mesure entre les transferts de technologie et la protection des intérêts des fleurons de l’industrie nationale.

Le marché intérieur des hélicoptères.

Ainsi, l’accord de production à parts égales à Harbin et à Marignane de 1000 hélicoptères de type EC 175 conçus en commun par AVIC et Airbus Helicopters successeur d’Eurocopter, prévoit l’incorporation dans la version chinoise (AC 352) d’un moteur français Turbomeca, filiale de Safran avec, à la clé, des transferts de technologies, conditions d’accès à l’immense marché chinois. Une commande chinoise de 120 moteurs développés conjointement avec AVIC est déjà en cours, tandis que la version française EC 175 restera équipée d’un moteur Pratt & Whitney. Le marché est immense puisque les experts calculent que, dans les 20 ans qui viennent, le nombre d’appareils en service en Chine passera de quelques centaines aujourd’hui à plus de 5000.

A moyen terme, les positions françaises assurées par plus de 20 ans de coopération entre Eurocopter et AVIC II et une avance technologique indéniable, sont confortables. Elles justifient l’espoir affiché par Airbus de rafler au moins 50% de ce marché. L’inconnue qu’il serait imprudent de négliger, reste cependant la vitesse avec laquelle les ingénieurs d’AVIC seront capables de « siniser » complètement leur appareils produits à Harbin ou ailleurs pour les introduire sur le marché chinois, libérés des contraintes des brevets français. Le risque est réel. Une dérive de ce type a déjà eu lieu au détriment de Kawasaki pour la technologie du TGV chinois.

En 2011 Ma Yunshang, vice-directeur du centre technologique TGV de Qingdao Sifang souleva la colère de Kawasaki quand il expliqua qu’après des essais et améliorations, le TGV chinois CRH 380 A était totalement différent du prototype importé du Japon (...) Il ajoutait que, même si les technologies venaient de pays étrangers, les TGV chinois qui avaient incorporé des technologies purement chinoises n’appartenaient désormais plus au Japon et pouvaient être exportés sur le marché mondial.

L’irrésistible attrait du marché des avions de ligne

Lents progrès techniques chinois

Alors que la Chine peine à mettre au point ses avions moyen-courrier AR J21 et C 919, un autre accord signale une nouvelle fois l’intérêt de l’aéronautique chinoise pour les appareils européens. Il s’agit du contrat de 7 Mds d’€ signé avec Airbus pour la livraison de 70 appareils – 43 A 320 et 27 A 330 – l’achat de ces derniers avait été suspendu pour faire pression sur Bruxelles après la taxe carbone infligée aux constructeurs en contravention avec la législation européenne, finalement levée en avril 2013 avant même d’avoir été mise en œuvre -.

A quoi il faut ajouter la promesse chinoise d’acheter 960 A 320 dans les dix prochaines années. Pour l’instant, la situation est très nettement en faveur d’Airbus puisque le groupe aéronautique européen a obtenu de haute lutte le renouvellement pour 6 années supplémentaires du bail de l’usine d’assemblage des A 320 à Tianjin. Ce qui confère à Airbus un avantage important sur le marché des moyens courriers dont l’ampleur atteindra plus de 3000 appareils d’ici 2030. Le rattrapage réussi par Airbus face à son concurrent Boeing est déjà considérable. Alors qu’il ne détenait que 6% du marché en 1995, le groupe européen fait aujourd’hui jeu égal avec son concurrent américain.

Il n’empêche que la construction aéronautique chinoise a, sans faire de bruit, mis « un pied dans la porte » des technologies de pointe dans le cadre du programme A 350, dernier né d’Airbus dont le premier vol devrait avoir lieu en 2014.

Créée à Harbin en 2009 à la suite d’un accord entre Airbus et le gouvernement chinois par lequel le groupe européen s’engageait à délocaliser 5% de la production du A 350, l’usine HMC (pour Hafei Airbus Composite Manufacturing Centre), JV entre Airbus et ses partenaires chinois a, à l’automne 2013, livré une gouverne de profondeur de 8 m de long en matériau composite (Epoxy renforcé de fibres de carbone) qui allège le poids de l’avion. Il s’agit d’une première réussie après une phase de tâtonnement de plusieurs années ayant nécessité la participation de 140 salariés d’Airbus chargés d’assurer en Espagne les transferts de savoir-faire aux ingénieurs chinois.

A l’avenir, le rythme des productions et des transferts augmentera la charge de l’usine HMC de Harbin dans un secteur technologique clé, ce qui mettra en difficulté d’autres sous-traitants en Europe, tout en consolidant la maîtrise technique de l’industrie aéronautique chinoise. L’attribution à la Chine de la fabrication des éléments en fibres de carbone des gouvernes de profondeur a déjà provoqué des tensions chez le sous-traitant espagnol Aernnova Aerospace. Compte tenu du poids considérable de la demande chinoise et des compétitions internationales sur le marché, dont l’accès est précisément habilement conditionné par les accords sur les transferts de hautes technologies, Airbus pourrait à terme être tenté de sacrifier son sous traitant espagnol.

Propulsion : Lacunes chinoises et vastes manœuvres de séduction

Dans le domaine de la motorisation des avions de ligne (marché évalué à 15 000 moteurs) qui reste un des principaux secteurs où Boeing et Airbus peuvent se prévaloir d’un avantage technologique, le branle-bas chinois est en cours depuis 2012, avec la restructuration d’un secteur jusque là très éclaté désormais regroupé autour de Xi’an Aero Engine, 西安航空动力股份有限公司, (Xi’an Hang Gong Dong Ji Gufen Youxian Gongsi), un des n°1 des moteurs militaires en Chine et bénéficiant depuis deux ans de financements massifs évalués à près de 50 Mds de $ sur les 20 années qui viennent.

Compte tenu de la dimension considérable du marché, les motoristes étrangers - General Electric, Safran, Rolls Royce ou Pratt & Whitney – on déjà cédé aux appels à la coopération des autorités chinoises qui, en contre partie de l’accès au marché, exigent des transferts de technologies.

Compte tenu des liens extérieurs de la Xi’an Aero Engine, connectée par des coopérations à tous les grands motoristes de planète, il n’est pas difficile d’imaginer qu’aux intentions financières et de remise en ordre, s’ajoute une arrière pensée de transfert vers la Chine, par tous les moyens, des technologies de pointe du secteur de la propulsion.

C’est bien dans ce contexte sensible où les groupes étrangers auraient tout intérêt à contrôler la nature et le rythme de leurs transferts pour éviter de se faire déborder, que les équipementiers du groupe Safran, Sagem, Turbomeca et SNECMA, ont développé des coopérations avec des partenaires chinois pour les ailettes de réacteurs et le contrôle des flux dans les turbines, les nacelles, les techniques de sûreté et le câblage, notamment pour le moyen courrier C 919.

Le spatial, cœur emblématique des stratégies de retour de puissance

Le spatial est un autre domaine sensible où les transferts comportant des composants américains sont subordonnés à une licence d’exportation de l’administration des Etats-Unis et où la coopération conclue à l’Élysée par Jean-Yves Le Gall, président de CNES et Xu Dazhe patron de l’Agence Spatiale chinoise – la première de cette ampleur - survient après l’échec en 2009 de la coopération chinoise avec le projet européen Galileo de positionnement spatial.

La Chine ambitionne comme l’UE de développer un système de positionnement spatial indépendant du GPS américain. En 2010, elle a été accusée de piller les technologies spatiales européennes et les constructeurs Astrium Satellites et Thalès furent sommés par la Commission européenne de retirer les composants chinois de 4 satellites de positionnement en préparation.

Cette fois, l’accord qualifié d’historique comprend sous la direction du CNES le maître d’œuvre, la construction conjointe par la Chine et une association entre Thalès et Alenia Space, filiale à 50% de Thalès et de Finmeccanica, de 2 satellites scientifiques destinés l’un à l’observation des océans, l’autre à la cartographie des explosions à très forte énergie de rayonnements électromagnétiques gamma ou « Gamma Ray Burst GRB ». Les deux satellites dont le coût est estimé à 150 millions chacun seront lancés en 2018 et 2020 par une fusée Longue Marche.

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Le 24 octobre 2013, inauguration dans l’Essonne par Jean-Yves le Drian ministre de la défense français, d’un laboratoire de classe P4 géré par la Délégation Générale pour l’Armement.

Le cadeau français du laboratoire P4

S’il est une copération franco-chinoise baignant dans l’ambiguïté c’est bien celle du laboratoire biologique de haute sécurité P4 dont la première pierre avait été posée à Wuhan le 30 juin 2011. S’inscrivant dans la lutte conjointe franco-chinoise contre les maladies infectieuses, le projet était allé de l’avant en dépit des réticences de la DGA et du CEA. Ces derniers soulignaient que les techniques de pressurisation et d’étanchéité mises en œuvre dans ce type de laboratoire étaient identiques à celles des sous-marins nucléaires.

Dès lors qu’il n’existe que 25 laboratoires de ce type au monde dont seulement une dizaine de pays maîtrisent la technologie, tandis que la presse française communique peu sur la question, on ne peut manquer de s’interroger sur les raisons et les conditions d’un tel transfert qui cède une technologie rare, d’une inestimable valeur marchande, résultat de longues années de recherche par de nombreux experts de très haut niveau.

Les nouvelles aigreurs de la coopération nucléaire

L’appétit technologique des chinois et leur volonté de faire pression s’est également manifesté à rebours dans la faiblesse des accords intervenus dans le nucléaire civil, pourtant un des secteurs emblématiques de la coopération franco-chinoise. Alors qu’en visite à Pékin en décembre dernier le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault avait manifesté la disponibilité de la France pour construire 2 nouveaux réacteurs EPR à Taishan aucun nouveau contrat n’a été signé. Un accord n’a pas non plus été trouvé sur le projet d’usine de retraitement de 800 tonnes de déchets par an, toujours en négociation entre Areva et la China Nuclear National Corporation (CNNC – 中国 核工业集团公司).

Bien que rien n’ait transpiré des négociations on peut conjecturer que Pékin conditionne les contrats à de nouveaux transferts de technologies qui lui permettraient de maîtriser l’ensemble de la filière. Dans le même temps Paris entend bien continuer à bénéficier des efforts consentis depuis 40 ans (250 Mds d’€, création en 2011 de l’Institut Franco-Chinois de l’énergie nucléaire financé à 50% par la France pour la formation des ingénieurs chinois). Mais tout indique que Pékin souhaite hâter le pas vers l’indépendance technologique totale.

Signe que les relations ne sont plus au beau fixe, une échauffourée avait eu lieu en juin 2012 entre Paris et Pékin à propos des exportations de centrales nucléaires chinoises, construites avec des technologies françaises, dont la vente est règlementée par un accord gouvernemental datant de 1995. Ce dernier stipule que toute exportation chinoise d’équipements nucléaires construits avec des éléments d’origine française est soumise à un accord préalable.

C’est dans ce contexte que Paris a fait pression sur l’Afrique du Sud, et en faisant appel à l’OCDE, pour bloquer la vente par Pékin à Pretoria d’une centrale utilisant des technologies françaises. Le litige a été suivi d’une réunion bilatérale à Paris au plus haut niveau pour la remise à plat de la coopération nucléaire franco-chinoise, dans un contexte où AREVA ne souhaite pas brader ses compétences, même si le groupe français a conscience que la Chine est un des seuls marchés d’envergure de la planète.

Sauvetage de Peugeot. Menaces contre les sous-traitants.

Dans le secteur automobile où les positions françaises sont fragiles, les perspectives sont encore plus aléatoires. Pour PSA – 7,3 Mds d’€ de pertes cumulées en 2012 et 2013 - les années 2013 – 2014 seront celles d’un bouleversement culturel puisque, désormais, la famille Peugeot ne contrôle plus le groupe dont elle partage le capital avec l’État français et le Chinois Dongfeng, ancien fabricant public de camions militaires, n°2 chinois du secteur, déjà engagé dans des partenariats avec Honda, Kia, Nissan et Renault.

L’apport de 800 millions par Dongfeng mis en scène lors de la visite de Xi Jinping, fut la bouée de sauvetage de PSA. Il ouvre au Chinois 14% du capital de PSA, a égalité avec l’État français. Dans la ville de Wuhan, fief de l’entreprise chinoise, devenu après bien des tribulations le berceau de l’automobile française en Chine, l’investissement de Donfeng lui donne aussi accès à la R&D de PSA et à celle de ses sous-traitants.

Au demeurant, la décision de Paris de s’impliquer financièrement dans l’affaire est un indice des craintes françaises qui entourent l’accord dont il convient aussi de rappeler qu’il ne créera aucun emploi en France. L’implication publique vise au moins à équilibrer le soutien politique que Pékin apporte à Dongfeng - depuis 2010, le ministre de l’industrie et des technologies de l’information n’est autre que l’ancien PDG de Dongfeng (1999 – 2005), Miao Wei, 苗圩 58 ans, membre du Comité Central depuis novembre 2012 –.

Il n’est cependant pas certain que cette présence publique française dans le capital, assortie de la nomination de Louis Gallois à la présidence du Conseil de surveillance du groupe parvienne à limiter les appétits chinois, surtout si, comme le bruit court, PSA – Dongfeng est autorisé à s’engager, avec l’apport des technologies françaises, non pas seulement en Chine, mais également à la conquête du marché mondial, devenant ainsi un concurrent direct des véhicules construits en France et en Europe par PSA.

Enfin, conséquence néfaste jamais évoquée dans la presse, l’accord PSA – Dongfeng menace les équipementiers français travaillant en Chine. Pour diverses raisons qui tiennent aux défauts chinois d’organisation du secteur et aux faibles investissements en R&D, la part de marché des équipementiers locaux ne cesse de baisser.

Dès lors qu’aujourd’hui un groupe automobile ne fabrique qu’une faible part des composants d’une voiture, les cibles technologiques de Dongfeng seront exclusivement les sous-traitants étrangers qui détiennent le monopole des innovations du secteur automobile en Chine. Compte tenu des appuis politiques dont dispose le Chinois chez lui, il faut craindre que la bataille sera inégale.

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Nouvelles ouvertures dans l’énergie

L’écologique urbaine et les maisons de retraite

A côté de ces grands axes de la coopération franco-chinoise d’autres accords ont été signés comme celui de Total qui prolonge jusqu’en 2019 la livraison de gaz naturel liquéfié à CNOOC (1 million de tonnes par an) assortie d’un projet de construction d’infrastructures de stockage, ou celui de GDF Suez qui après Chongqing développera à Changping, dans le nord de Pékin avec Beijing Enterprise Group un projet de tri-génération (technique d’efficacité énergétique de production simultanée de chaleur et d’énergie frigorifique, à partir d’une seule source d’énergie primaire).

L’agroalimentaire, qui contrairement au laboratoire P4 a été amplement commenté dans la presse nationale a également été à l’honneur avec les jambons breton (Brocéliande) ou de Bayonne (groupe Sacor) qui ont reçu l’autorisation d’exporter en Chine, tandis qu’une dizaine d’autres entreprises attendent le feu vert des chinois en général peu désireux d’ouvrir leur industrie alimentaire à la concurrence étrangère. D’autres projets ont été approuvés dans la logistique alimentaire (stockage et conditionnement de la viande de porc et de poulet) ou dans l’amélioration de la qualité des élevages de porcs (exportation de porcs reproducteurs).

Toute une dynamique franco-chinoise s’est mise en marche dans le secteur de l’écologie urbaine avec ce projet d’un quartier écologique aux normes françaises à Shenyang, la grande métropole chinoise du Nord-est, qui sera imité à Chengdu et Wuhan.

Rassemblées dans un espace de 10 km2 sous le nom de « Vivapolis » Alstom, EDF, Saint-Gobain, Alcatel-Lucent, Veolia et quelques autres comme Ennessys (purification de l’eau et production d’énergie par des algues marines), les cabinets d’architectes (Antony Bechu et Centuria Capital), fleurons des entreprises françaises en Chine s’impliqueront dans les aspects techniques de l’aménagement urbain durable (eau, déchets, biodiversité des espaces verts, sobriété énergétique, énergies renouvelables, transports collectifs etc.).

Dans le même ordre d’idée écologique, Keolis, filiale de la SNCF associée à Shanghai Shenton Metro Group développe un centre d’initiation aux problématiques du Tramway urbain dans le cadre d’une JV 49 – 51%, contrôlée par le Chinois qui pourraient obtenir des contrats de transports urbains automatiques sur rail en Asie.

SITA, filiale de Suez Environnement à la tête (avec 60% des investissements) d’une JV de traitements de déchets toxiques installera des unités à Nantong (rive nord du Yangzi à 100 km au nord de Shanghai), à Hengyang (sud du Hunan) et dans le quartier de Haidian au nord de Pékin. Une autre filiale de Suez Environnement, Degrémont, (traitement des eaux) porte un projet de dessalement de l’eau de mer destiné à remédier au déficit hydrique de Pékin.

Le tableau socio-écologique, axé sur l’harmonie urbaine ne serait pas complet si les Français n’avaient pas exploré le marché de la prise en charge des personnes âgées avec Orpea, n°2 français des maisons de retraite (chiffre d’affaires 1,7 Mds d’€) associé à un fonds de pension canadien qui, pendant la visite de Xi Jinping à Paris a rendu public son projet d’un foyer pour personnes âgés à Nankin (8 millions d’habitants), qui sera développé en coopération avec la ville.

NOTE de CONTEXTE

Investissements directs chinois en France

Les investissements directs chinois en France restent pour l’heure très limités. Ils ne représentaient, fin 2012, que 0,8% du total des investissements directs étrangers dans l’Hexagone et n’ont créé que peu d’emplois. L’aspect impressionnant tient plutôt au rythme de leur croissance : + 506% depuis 2007.

L’ascension est due pour une bonne part à une unique opération : la prise de participation, en 2011, par le fonds souverain chinois (CIC) de 30% dans la branche exploration et production de GDF Suez. Cet investissement représente, à lui seul, 2,3 milliards d’euros, à quoi il faut ajouter à une moindre échelle l’entrée de Dongfeng au capital de PSA (800 millions d’€).

Fin 2012 il y avait 250 entreprises chinoises en France (contre 9000 françaises en Chine) dont les plus importantes sont ZTE, Huawei (telecom), Cosco (logistique portuaire), à quoi il faut ajouter les nouveaux projets de lait pour bébé à Carhaix en Bretagne (Synutra) et Isigny. Si ces 2 derniers projets sont porteurs d’emplois, d’autres comme ceux d’Illange ou de Chateauroux sont problématiques.

Opaques, ces derniers envisagent la délocalisation d’entreprises chinoises selon le schéma très archaïque des zones de développement aujourd’hui critiquées en Chine même et déconnectées du tissu local français. L’apport de capital et le volontarisme ne suffisent pas pour s’implanter sur un marché européen déjà mûr. Si de surcroît les projets s’inscrivent dans un arrière plan semi-mafieux à l’origine des financements, on s’expose à de graves déconvenues.

On ne saurait assez recommander aux responsables locaux français d’étudier le CV des investisseurs, d’exiger la transparence de gestion et des finances, de se méfier du concept « zone de développement » et de focaliser sur des projets où il apparaît que les Chinois ont l’intention de s’insérer dans le tissu local et de créer des emplois.

Si on examine le stock des investissements chinois en France (environ 12 Mds d’€) on constate qu’ils focalisent sur les secteurs des technologies de la communication avec Huawei et ZTE (490 Millions ($), des transports avec Cosco : 530 millions (zone logistique Le Havre), de l’immobilier (vins de Bordeaux…), de l’agroalimentaire 600 millions d’€, de l’énergie : 6,6 Mds de $.

Les investissements dans le secteur de la production industrielle créateur d’emplois ne représentent que 8% du total. Encore faut-il préciser que l’investissement de Dongfeng dans Peugeot sauvé de la faillite ne crée pas d’emplois en France puisqu’il concerne d’abord les projets de PSA en Chine.

A titre de comparaison, les investissements des États-Unis en France, les plus élevés d’un pays étranger, pèsent entre 90 et 100 milliards d’euros. Les stocks allemands britanniques dépassent les 60 milliards. Les Champions de la création d’emplois sont toujours les États-Unis avec 400 000 emplois créés au total ; suivis par l’Allemagne (300 000 emplois) et le Royaume Uni (190 000 emplois). A ce jour, les investissements chinois ont créé moins de 10 000 emplois.

 

 

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