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›› Economie

Les tourments de la pollution et l’incontournable quête extérieure

Alors que la croissance industrielle ralentit – au cours du premier trimestre, la hausse était la plus faible depuis 2009 – tandis que, dans le même temps la part des services dans l’économie progresse, le gouvernement a réitéré ses promesses de restructurations du tissu industriel pour améliorer la qualité des productions, réduire les gaspillages, les surproductions et la pollution.

Selon les services économiques de l’ambassade de France à Pékin, « le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information (MIIT) a annoncé que la Chine interdirait de nouveaux projets dans l’acier, le ciment, l’aluminium électrolytique, le verre plat et les industries de construction navale jusqu’en 2017, tout en éliminant progressivement les infrastructures obsolètes existantes via l’application plus stricte de normes environnementales et d’efficacité énergétique ».

Les soucis écologiques omniprésents

Le thème de la dégradation écologique et de ses conséquences économiques, au cœur des préoccupations du régime est revenu de manière récurrente et sous plusieurs aspects différents, au premier plan de l’information au cours du premier trimestre. En janvier, Chen Xiwen agronome de formation, ancien chercheur à l’Académie des Sciences Sociales, n°2 du centre de recherche du Conseil des Affaires d’État, estimait que 3,3 millions d’hectares de terres agricoles (soit 2% des terres arables), la plupart dans des régions céréalières, étaient gravement polluées par des métaux lourds, affectant annuellement 12 millions de tonnes de céréales. Selon un document publié par le Comité Central il y avait urgence à restaurer la qualité des terres agricoles pour éviter une crise de la sécurité alimentaire du pays.

La nécessité de corriger d’urgence la pollution atmosphérique dans la région de Pékin et dans le Hebei exposée dans les médias du monde entier, a été à l’origine d’un nouvel élan pour les énergies renouvelables. Selon Li Shuo, analyste politique à Greenpeace Asie, la Chine a, en 2013, battu le record mondial d’installation de panneaux solaires avec une capacité installée de 12 GW, qui représente 12% des ajouts capacitaires en 2013, où le charbon (+39,7 GW) et l’hydraulique (+30,5 GW) continuent cependant à tenir le haut du pavé, largement devant l’éolien (+14,1 GW).

La dégradation de la qualité de l’air mise à jour par les mesures de l’Ambassade des Etats-Unis à Pékin depuis 2009 a également fondé quelques engagements de coopération avec l’étranger, notamment avec les Etats-Unis. A la mi-février, John Kerry annonçait un « effort de coopération sans précédent avec la Chine pour combattre le changement climatique ». L’attention sera portée sur les véhicules lourdement polluants, l’amélioration des réseaux de distribution dont les faiblesses handicapent l’utilisation des énergies renouvelables, les technologies de capture et de stockage du dioxyde de carbone, l’amélioration de l’efficacité énergétique, à quoi s’ajoutent les mesures des niveaux de pollution et la gestion des données. Ces déclarations faisaient suite aux promesses de la municipalité de Pékin et du Conseil des Affaires d’État d’investir 80 milliards d’€ pour la lutte contre la pollution dans la capitale.

Forum de Boao


Li Keqiang confiant dans la force de l’économie chinoise…

En dépit du freinage de la croissance, du ralentissement de la production industrielle et de la baisse des exportations en février et mars, le premier ministre a, au forum international de Boao tenu à Hainan du 8 au 11 avril, répété sa confiance dans l’état de l’économie et réaffirmé sa détermination à ne pas avoir recours à la relance du court terme. La promesse était cependant en contradiction avec les récentes initiatives internes de soutien à l’économie par des grands travaux d’infrastructure urbaine et de transport, dont la mise en œuvre a d’ailleurs motivé l’optimisme relatif des acteurs malgré la faiblesse relative des statistiques.

Cet optimisme a été réaffirmé par Li Keqiang. Selon lui, la Chine dont la résilience économique était importante, disposait de tous les outils permettant de faire face à n’importe quel risque. Face aux défis qui montent et avec en tête la réforme du système financier chinois et de son appareil boursier, Li Keqiang a évoqué l’importance de mettre en place un mécanisme permettant de connecter les bourses de Hong Kong et de Shanghai. Le forum a également été l’occasion d’exprimer une nouvelle fois l’intérêt de la Chine pour l’intégration économique de l’Asie du Sud-est, en évoquant les projets évoqués le 3 septembre 2013 à l’occasion du 10e forum Chine – ASEAN. (Lire notre article La manœuvre globale de l’économie chinoise) et les négociations pour la création de la Banque asiatique pour les infrastructures.

…confirme l’intérêt de Pékin pour le Partenariat Transatlantique

Ne négligeant aucune opportunité, faisant feu de tous bois, sur fond de rivalités stratégiques avec les Etats-Unis et le Japon, Li Keqiang a aussi manifesté son intérêt pour le Partenariat Transpacifique proposé par Washington qui devrait regrouper 12 pays du Pacifique, supposés respecter les règles du marché, auquel Taïwan a décidé d’adhérer le 22 décembre 2013, mais qui, pour l’instant, exclut la Chine.

Le premier ministre a notamment expliqué que Pékin considérait le Partenariat de manière positive, dès lors qu’il favorisait un environnement commercial « équitable et ouvert ». Cette prise de position confirme le revirement de la Chine observé depuis mai 2013 quand le ministre du commerce Gao Hucheng prenait le contrepied d’un article du Quotidien du Peuple qui, quelques mois plus tôt, expliquait à l’inverse que le TPP était une initiative « régressive qui conduirait à une impasse définitive ».

Le virage politique, probablement provoqué par les promesses d’adhésion du Japon et de Taïwan est important car il signale aussi l’influence interne de la mouvance réformiste attachée à l’ouverture qui considère le Partenariat Transpacifique comme un stimulant efficace des ajustements nécessaires du schéma de développement de la Chine.

Photo Le premier ministre Li Keqiang lors du forum de BOAO, le 8 avril dernier.

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L’inexorable logique des quêtes internationales


Controverses et acquisitions.

Les relations économiques de la Chine avec l’étranger ont sans surprise été marquées à la fois par la quête de ressources, d’influences, de marchés et de technologies et par quelques controverses qui accompagnent la montée en puissance économique du pays.

Dans ce tableau, les informations qui émergent sont la chute inhabituelle des importations probablement retenues par le mouvement à la baisse du Yuan, à l’exception notable des importations venant d’Europe et du Japon – ce qui a permis de confirmer le rang de la Chine comme première puissance commerciale de la planète - ; l’information divulguée par le Guardian le 22 janvier 2014, sur les comptes des élites chinoises et des groupes publics d’hydrocarbures, cachés dans le paradis fiscal des Virgin Islands.

Et encore, en mars 2014, la suite du feuilleton des attaques américaines et de la NSA contre le groupe de télécoms chinois Huawei une nouvelle fois accusé d’espionnage ; le procès contre Sinopec intenté par le Suisse Ineos pour atteinte aux droits de propriété et les accusations des groupes écologiques dénonçant la collusion entre Petrochina et le gouvernement équatorien pour un projet d’hydrocarbures portant atteinte à la forêt primaire.

Enfin, l’ouverture de l’Australie aux investissements chinois ; l’augmentation des achats ou des locations de terres arables par la Chine en Afrique, en Ukraine et en Australie ; la prise de contrôle par le géant Minmetals d’une mine de cuivre au Pérou ; l’augmentation des ventes de Nissan en Chine en dépit des tensions sino-japonaises ; d’importantes acquisitions de sociétés commerciales britanniques par des acheteurs chinois.

Sans oublier les voyages du Président Xi Jinping en France et en Europe déjà traités par le site :

 Chine – France. Histoire, politique, coopération et maîtrise des transferts technologiques
 Xi Jinping en Europe. Au-delà des bonnes paroles et des apparences

La discrétion confortable des comptes off-shore


et des paradis fiscaux

A la fin janvier, le Consortium International des Journalistes d’Investigation (CIJI) et le Guardian révélaient que les dirigeants des trois grands groupes chinois d’hydrocarbures et les élites du régime avaient ouvert des comptes secrets dans les Virgin Islands britanniques. Sans en apporter la preuve directe, les journalistes laissent entendre que le secret favorise massivement la corruption, objet des récentes enquêtes du régime et l’évasion de capitaux, évaluée à 120 Mds de $ depuis les années 90.

Au milieu d’une avalanche d’informations représentant un total de 200 GB, les principales révélations pointaient du doigt que :

1) Plus de 21 000 chinois de Chine continentale ou de Hong Kong dont une douzaine de parents des dirigeants chinois civils ou militaires se cachent derrière des compagnies enregistées aux Îles Vierges, y compris le beau-frère du président Xi Jinping, le gendre de Wen Jiabao, et la fille de l’ancien premier ministre, Li Peng ;

2) Les compagnies écran ont été créées et enregistrées par des banques occidentales et des sociétés d’audit telles que Price Waterhouse, UBS ou le Crédit Suisse ; 3) Les documents consultables ne révèlent ni la nature des activités des sociétés ni l’origine des fonds ;

4) Une des sociétés qui fut créée par son mari, servait d’écran à la fille de Wen Jiabao, Lily Chang. Après le déclenchement d’une enquête aux Etats-Unis sur la société Fullmark Consulting, à l’origine de l’enregistrement, la propriété de la société a été transférée à un ami de la famille Wen.

L’Australie confirme son ouverture aux investissements chinois

Lors d’un discours à Shanghai, le 11 avril, Tony Abott a confirmé la disponibilité de son pays à accueillir des investissements chinois selon les mêmes termes que ceux offerts aux Etats-Unis, au Japon et à la Corée du Sud, dans le cadre de traités de libre échange. Mais la prévalence des sociétés publiques chinoises à l’international crée des controverses politiques à Canberra. L’objection a été balayée par Abott qui, plaidant également pour une coopération de défense, soulignait que les sociétés publiques chinoises avaient aujourd’hui une grande expérience commerciale à l’étranger.

Début mars, l’organisme australien de contrôle des investissements avait déjà approuvé l’acquisition par le milliardaire hong-kongais Tony Fung d’une zone de 340 hectares dans la région de Cairns pour une valeur de 280 millions de $. Le projet touristique comporte la construction d’un golf de 18 trous, d’un stade de 25 000 places, d’un casino et d’une série d’hôtels.

Le Chinois Minmetal au Perou

Le 13 avril, MMG Minmetal branche internationale de China Minmetal a investi 5,58 Mds de $ pour acheter les parts détenues par Glencore Xstrata dans la mine de cuivre de Las Bambas au Perou. L’accord avec Glencore, compagnie anglo-suisse de négoce et de courtage des matières premières qui date de 2013, permet à MMG de détenir 62,5% du consortium minier, dont le reste appartient à deux autres sociétés chinoises : Guoxin listée à Hong-Kong et Citic Metal Company, filiale du groupe Citic.

Le succès de Nissan en Chine

Les ventes du modèle Qashqai de Nissan vendu en France 21 500 €, ont augmenté de 70% en 2013, pour atteindre 134 000 véhicules. (50 000 vendus en Europe). En Chine, Nissan a vendu un total de 1,27 millions de véhicules en 2013, à comparer avec les 550 000 unités vendues par PSA en 2013, tous modèles confondus. Toyota et Honda ne sont pas en reste, avec respectivement 917 000 et 756 000 unités.

La tendance montre que les consommateurs chinois sont peu sensibles aux tensions géopolitiques et aux campagnes de dénigrement anti-japonaises autour de la querelle de souveraineté des îles Senkaku. Au moment où s’ouvre le salon automobile de Pékin, les spécialistes soulignent que le marché qui s’est développé de près de 14% en 2013 - + 20% pour les véhicules de luxe -, privilégie de plus en plus les marques étrangères, puisque la part des constructeurs chinois a reculé à 39% contre 43% un an plus tôt.

Le recul des constructeurs chinois commence à susciter un débat aux tendances protectionnistes, alors même qu’au contraire le Conseil des Affaires d’état envisageait en novembre 2013 de réduire les restrictions aux investissements étrangers dans le secteur automobile.

Un mois plus tard, Xinhua publiait un article qui, tout en fustigeant la faible capacité d’innovation des constructeurs chinois, évoquait la nécessité de limiter la part des constructeurs étrangers à 50% du marché. L’idée était mise en avant sur son blog par Dong Yang, le secrétaire général du syndicat des marques automobiles chinoises qui allait même jusqu’à évoquer les impératifs de sécurité nationale.

La réalité est cependant bien connue. Elle est symptomatique de nombreux autres secteurs, dont la restructuration et la montée en gamme qualitative deviennent un urgente nécessité, sous peine d’asphyxie. La myriade de constructeurs chinois se livrent une compétition féroce qui tire les prix vers le bas, réduit les marges et détruit toute capacité de recherche et développement.

Il en résulte que la presque totalité des innovations est le fait des équipementiers étrangers. Le goût des Chinois riches pour le grand luxe fait le reste. Mais pour le moment, l’administration pourrait, si elle le souhaitait, mettre en œuvre une arme imparable pour tenter de freiner le succès des marques étrangères : imposer des quotas aux immatriculations de nouvelles voitures pour cause de pollution.

Acquisitions en Grande Bretagne

Mis en vente en juillet 2013, après avoir plusieurs fois changé de propriétaire, le site de la brasserie Ram à Londres a été racheté le 7 janvier par le Chinois Greenland Holding qui a déboursé 729 millions de € pour le transformer en un complexe de 660 appartements dont une tour de 36 étages et un centre commercial de 9500 m2.

Greenland développe des projets dans 65 villes chinoises et s’est récemment engagé dans une série d’acquisitions internationales. En 2013, il avait déjà investi à New York et à Los Angeles et est également présent sur le marché immobilier en Australie. Son opération à Londres vient après celle du groupe Wanda qui a engagé 850 millions d’€ dans un projet d’appartements de luxe sur la rive sud de la Tamise.

Le PDG de Greenland Zhang Yuliang estime que les prix de l’immobilier resteront à la hausse à Londres. Mais les critiques soulignent que le projet contribuera à tirer les prix à la hausse et accentuera les problèmes de logement dans la capitale britannique.

Le 13 avril, le Chinois Sanpower a racheté 89% des parts des grands magasins House of Fraser, une institution de Oxford Street vieille de 165 ans pour la valeur totale de 580 millions d’€. Les 11% des parts restantes avaient été rachetées une semaine avant par Mike Ashley, fondateur de Sport Direct et propriétaire du club de football Newcastle United. Pour certains observateurs la manœuvre de Mile Ashley était une tentative pour faire échouer le rachat par Sanpower de HOF qui, un moment, avait également été convoité par les Galeries Lafayette.

House of Fraser compte 7300 employés et 12 000 concessions répartis dans 60 magasins. Le racheteur Sanpower créé en 1993, compte 60 000 employés. Il possède le groupe de presse China Business Times et le grand magasin Xinjiekou à Nankin. Son propriétaire Yuan Yafei est un ancien cadre de la mairie de Nankin qui dit vouloir ouvrir 20 magasins en Chine, sous l’enseigne Oriental Fraser.

Sécurité alimentaire. Les Chinois achètent des terres arables

Pour compenser une productivité aléatoire, la diminution des surfaces arables, la destruction écologique de 2% des terres cultivables et la sècheresse, les Chinois privés ou publics ont investi dans des terres agricoles aux Etats-Unis, en Australie, au Chili, en Argentine, au Brésil, en Russie, en Tanzanie, en Sierra Leone, Sénégal, Zambie et en Ukraine pour cultiver du ble, du riz, du manioc, du soja et du sésame.

Quand le producteur de porcs Shanghui avait racheté Smithfield Foods en 2013, il avait également investi dans 40 hectares dans le Missouri, au Texas et en Caroline du Nord. En Australie une société chinoise a acheté 80 hectares de coton. 30 000 fermiers chinois ont traversé la frontière de leur Heilongjiang natal pour aller cultiver la terre en Sibérie déserte qui manque de bras.

Selon une étude canadienne datant de 2012, les acquisitions chinoises de terres cultivables dans le monde couvrent 4,8 millions d’hectares et comptent plus de 50 projets. Cette tendance provoque des controverses comme récemment à propos d’une société du Xinjiang identifiée comme appartenant à l’armée qui dut corriger son site internet pour préciser que les terres qu’elle cultivait en Ukraine - de la taille de la Belgique -, n’étaient pas achetées mais seulement louées par un bail de 50 ans.

Mais les Chinois (21% de la population mondiale et seulement 9% des terres cultivables) ne sont ni les premiers, ni les plus actifs. Les Etats-Unis sont n°1. Ces derniers devancent la Grande Bretagne, la Corée du Sud, la Malaisie, l’Arabe Saoudite, les Emirats, Singapour, le Japon, tous plus gros propriétaires que les Chinois.

 

 

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