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Effervescences nationalistes aux approches de la Chine

Carte (Wall Street Journal) Mer de Chine du sud. En rouge la ligne en 9 traits des revendications chinoises. En bleu les revendications vietnamiennes. En vert celles des Philippines. La croix au nord montre la position des incidents au sud des Paracel entre bateaux Chinois et Vietnamiens, le 4 mai, autour d’une plateforme pétrolière installée par CNOOC, la compagnie offshore chinoise. La croix au sud désigne l’endroit où, le 7 mai, 11 pêcheurs chinois ont été arrêtés par les gardes côtes philippins et leurs bateaux mis sous séquestre.

Le printemps 2014 ne sera pas celui de la détente aux approches orientales de la Chine, en mer de Chine de l’est ou du sud. Les vieilles rancoeurs sont là, à fleur de peau. Elles durent depuis des lustres avec le Japon, le Vietnam et, plus récemment les Philippines qui se débattent avec Pékin dans une action au tribunal sur le droit de la mer à La Haye. A ces tensions récurrentes qui toutes se rapportent à des questions de souveraineté territoriale aggravées par une longue rivalité de puissance avec le Japon, s’ajoutent la compétition stratégique avec Washington que Pékin considère désormais comme un intrus dans la zone.

Il y a dans cette évolution crispée des relations entre les deux premières économies de la planète un effet de balance homothétique de la montée en puissance de la Chine de moins en moins disposée à suivre les préceptes de modestie et de prudence énoncés par Deng Xiaoping à la fin des années 80 : « tao guang yang hui 韬光 养晦 - littéralement « dissimuler ses talents et cultiver l’obscurité » ou, en termes stratégiques, « se donner du temps pour renforcer sa puissance ».

Le « Petit timonier » avait précisé sa pensée en 4 points qui, en substance, disaient ceci : 1) Se garder de prendre la tête ou même de participer à une alliance et rester neutre, exprimé de manière imagée par 不当 头 – Bu dang tou - ne pas relever la tête ; 2) Éviter les frictions ou controverses dans les affaires politiques du monde, rester humble tout en ne se laissant pas humilier ; Si nécessaire supporter les petites vexations en acceptant des compromis sur des sujets mineurs ; 3) Se concentrer sur le développement économique ; 4) Développer des relations amicales avec tous les pays, en évitant l’obédience à une idéologie.

Selon Deng, la prescription devait être suivie pendant un siècle. Mais un peu plus de vingt ans plus tard, l’ordre du monde a évolué. Le magistère occidental et en premier lieu celui des États-Unis est affaibli ; d’autres émergents tentent d’affirmer leurs rôles dans le monde ; des défis nouveaux, sociaux, culturels, religieux, écologiques, climatiques, financiers à quoi s’ajoutent les tensions sur les ressources et sur l’eau sont apparus ; la plupart s’expriment en Chine même où s’allonge aussi l’ombre du terrorisme ethnico-religieux, dont le régime qui prend un soin extrême à se tenir à l’écart des tensions culturelles qui menacent l’Occident, se croyait protégé. Surtout la Chine est devenue une puissance vorace, à l’appétit énergétique insatiable.

Tout se passe comme si l’accélération de l’histoire et l’avalanche des défis avaient fait voler en éclats la prudence préconisée il y a deux décennies et notamment le conseil de lâcher du lest pour des bénéfices ultérieurs. On aurait cependant tort de croire que la somme des incidents qui se multiplient depuis le début des années 2000 aux approches de la Chine est seulement l’effet d’une stratégie expansionniste sereine et assumée.

Certes, attisé par l’orgueil de la puissance nouvelle et, puisant dans le fond xénophobe populaire toujours présent dans les idées de la « nouvelle gauche », le vieux sentiment nationaliste arc-bouté contre l’étranger né au XIXe siècle des humiliations infligées au pays semble s’exacerber aujourd’hui. Mais il est amplifié par un sentiment d’insécurité des élites mises sous tension par les défis internes des réformes et de la lutte contre la corruption dans un environnement socio-politique bouleversé où la légitimité du régime est affaiblie.

Dès lors, la tentation existe pour le Parti de corriger les fragilités internes par des bravades extérieures dans sa zone d’intérêt stratégique direct. Pour le régime les affirmations de souveraineté constituent à la fois un exutoire des difficultés domestiques et un adjuvant pour son audience politique. Le jeu est d’autant plus séduisant que l’alliance à ses portes entre, d’une part la première force militaire de la planète, dont les stratégies apparaissent comme un obstacle au retour de puissance de la Chine et d’autre part, le Japon, rival asiatique vaincu de la guerre et moralement déconsidéré, est un irritant facile à exacerber dans l’imaginaire populaire.

Si on y ajoute les provocations nationalistes de Tokyo et les incessants « bruits de ferraille » des manœuvres militaires américaines avec le Japon, la Corée du sud ou les Philippines qui aggravent « le complexe d’encerclement », on obtient une alchimie pernicieuse dont les aigreurs vindicatives sont à la source d’une longue suite d’accusations peu amènes contre Tokyo et Washington et d’incidents navals que les médias s’empressent de monter en épingle.

Ainsi la deuxième partie du mois d’avril a t-elle été fertile en récriminations et en incidents divers non seulement avec le Japon et les États-Unis, mais également avec le Vietnam et les Philippines, les deux pays de l’ASEAN avec qui Pékin nourrit les controverses de souveraineté les plus graves.

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Main basse sur un minéralier

Le 19 avril, dans le port de Majishan (Zhejiang), suite à un conflit juridique vieux de 50 ans, et conformément au jugement d’un tribunal de Shanghai, les autorités portuaires chinoises ont ordonné la saisie du minéralier japonais Baosteel Emotion propriété de l’armateur Mitsui OSK Lines Ltd. Mais l’affaire qui n’est pas un litige ordinaire, renvoie à la deuxième guerre mondiale et, de ce fait, elle exhume des rancoeurs anciennes qui se trouvent à la source sulfureuse des querelles entre Tokyo et Pékin.

La genèse de l’incident remonte à 1936 quand l’armateur japonais Daido Kaiun prédécesseur de Mitsui avait réquisitionné deux navires appartenant à la compagnie chinoise Chung Wei qui furent ensuite perdus en mer. 28 ans plus tard, Chung (ou Zhong) Wei avait tenté d’obtenir réparation en portant sans succès l’affaire devant un tribunal japonais.

En 1980, Zhong Wei obtint gain de cause devant une juridiction chinoise, tandis que Mitsui se défendait en affirmant que la Chine avait renoncé à ses droits à réparation lors du rétablissement des relations diplomatiques en 1972. Pourtant en 2007, un tribunal de Shanghai condamnait Mitsui à payer 28,3 millions de $, tandis que les recours en appel des Japonais étaient systématiquement rejetés.

Visant peut-être à forcer un assouplissement de la position japonaise sur la question des Diaoyutai (Senkaku) et à riposter contre la visite de Shinzo Abe au temple Yasukuni le 26 décembre dernier, la manœuvre qui, en contradiction avec les accords de 1972, consiste à raviver les dommages de guerre pour faire pression sur les intérêts économiques Japonais en Chine est une première. Elle fait peser une inconfortable menace sur les nombreuses compagnies nippones qui, parmi les 23 000 opérant sur le sol chinois sont héritières de la guerre. Mais il est évident que la stratégie de harcèlement est à double tranchant.

Les autres attaques légales envisagées (contre un autre armateur, pour les mêmes raisons et contre une série de sociétés dont le géant Mitsubishi, toutes accusées d’avoir exploité des enfants pendant la guerre) pourraient en effet gêner les relations d’affaires bilatérales - plus de 300 Mds d’échanges commerciaux annuel - et, du coup, par ricochet heurter les intérêts chinois. La Chine de son côté nie toute manœuvre oblique, affirme respecter les accords de 1972, mais rappelle qu’elle « défendra ses intérêts chaque fois que nécessaire ».

Pour Qin Gang, porte parole du Waijiaobu, l’affaire n’était qu’un simple différend commercial. Pour l’instant l’armateur chinois a obtenu gain de cause. Mitsui a payé 28 millions de $ et le Baosteel Emotion a été autorisé à reprendre la mer le 24 avril, 5 jours après sa saisie. Mais l’affaire n’est peut-être pas close.

La partie chinoise dit avoir été mal compensée et souhaite qu’on prenne en compte les intérêts qui courent depuis la fin des années 30, tandis que les activistes espèrent d’autres compensations. Les Japonais ont réagi en précisant que la somme payée représentait près de 50% de la valeur du minéralier (65 millions de $).

A Tokyo, l’affaire, considérée comme un précédent fâcheux est prise très au sérieux. 9 parlementaires avec à leur tête Masahiko Komura ancien ministre des Affaires étrangères et vice-président du Parti libéral démocrate au pouvoir, effectuaient une visite de bons offices dans la semaine du 5 au 9 mais au cours de laquelle ils se sont entretenus avec Tang Jiaxuan, ancien ministre des AE et furent reçus par Zhang Dejiang, président de l’Assemblée nationale et n°3 du régime, puis par Yu Zhengsheng, le n°4, président de l’Assemblée Consultative du Peuple Chinois. Selon le South China Morning Post, il s’agissait de préparer une rencontre entre Xi Jinping et Shinzo Abe lors du sommet de l’APEC les 10 et 11 novembre prochains à Pékin.

Postures martiales américaines à Tokyo et Manille

Quatre jours à peine après la mise sous séquestre du minéralier japonais à Majishan, le président des États-Unis entamait une tournée en Asie dont les arrières pensées semblaient clairement sous-tendues par la volonté de faire pièce aux intimidations chinoises contre Tokyo et ses alliés de l’ASEAN.

Arrivé à Tokyo le 23 avril, en pleine polémique sur les compensations de guerre réclamées à Mitsui OSK Lines Ltd, le chef de la Maison Blanche réaffirmait lors d’une conférence de presse tenue le lendemain avec Shinzo Abe que la querelle des îles Senkaku entrerait dans le domaine des accords de sécurité entre Tokyo et Washington si un conflit éclatait avec la Chine. Auparavant il avait tout de même pris soin de préciser que l’escalade militaire serait une grave erreur.

Le 28 avril, le président américain était à Manille, dernière étape de son voyage où les controverses avec la Chine ont pris un tour sévère. Après avoir rappelé l’accord de sécurité de 1951 qui garantit une protection américaine contre une agression extérieure, Obama et Begnino Aquino ont signé le jour même de l’arrivée du président des États-Unis un amendement qui autorise pendant 10 années la présence renforcée d’unités militaires américaines dans l’archipel. L’étape a donné lieu à des échanges acrimonieux entre Pékin et Washington et soulevé des protestations des opposants philippins à la présence américaine dans l’archipel.

Raidissement chinois

Aux mises en garde de la Maison Blanche contre l’usage de la force en Mer de Chine du sud, la direction chinoise a vertement répondu par un éditorial du China Daily publié le 29 avril, par lequel l’auteur accusait les États-Unis d’hostilité anti-chinoise visant à contenir l’influence de la Chine dans la région. Critiquant le double langage des promesses séduisantes non tenues par Washington, il qualifiait la réalité géopolitique de « menaçante », tandis que la conclusion exprimait l’une des diatribes les plus sérieuses et les plus claires exprimées récemment contre la Maison Blanche : « en renforçant son alliance avec des perturbateurs, les États-Unis deviennent eux-mêmes une menace pour la Chine ».

Photo : Le minéralier japonais Baosteel Emotion. 226000 tonnes, longueur 320 m. Saisi par les autorités chinoises du 19 au 24 avril 2014. Libéré le 24, contre un paiement de 28 Millions de $.

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Au-delà des rodomontades, quelques fragilités

Toutefois, ces rodomontades croisées cachent d’importantes faiblesses dans les postures stratégiques qui obligeront l’un et l’autre à composer. Les États-Unis d’abord, dont la posture armée ne rassure pas toujours autant que le voudrait la Maison Blanche - on l’a vu lors des manifestations de centaines d’opposants à la présence militaire américaine à Manille lors de la visite d’Obama -, avancent dans la région avec un temps de retard sur les positions commerciales chinoises. Celles-ci ont en effet l’avantage de n’être assorties d’aucune contrainte politique et de s’appuyer sur un accord de libre échange déjà existant. L’étape d’Obama à Kuala Lumpur le 27 avril, fut une excellente illustration de cette situation.

Retards et rigidités du commerce américain

Le président américain arrivait dans la capitale malaisienne le 26 avril, 7 mois après le n°1 chinois qui, en octobre 2013, avait promis l’élargissement des échanges commerciaux à 160 Mds de $ dès 2017 (soit +75%) et annoncé un plan quinquennal de coopération bilatérale pour les technologies, la finance et les services, le tout dans le cadre du traité de libre échange Chine – ASEAN entré en vigueur en 2010.

Par contraste, Obama était à la fois gêné par la rigidité du pacte transpacifique qui exige une vaste ouverture du marché malaisien, à quoi s’ajoutaient les injonctions des organisations de droits de l’homme qui le pressaient de rencontrer l’opposant Anwar Ibrahim, accusé de sodomie par le pouvoir qui tente de le discréditer.

Le refus d’obtempérer d’Obama qui laissa Anwar Ibrahim à Susan Rice, son conseiller sécurité et la prudence avec laquelle il a évoqué les critiques sur les droits civiques, signalaient clairement la volonté de la Maison Blanche de ne pas exercer des pressions qui précipiteraient encore plus la Malaisie dans le giron chinois.

Mais le compte n’y était pas. La route pour équilibrer la relation et la mettre au niveau de celle de la Chine est en effet encore longue, sauf si Pékin accentuait ses démonstrations de force à proximité des cotes malaisienne comme la marine chinoise l’a fait à deux reprises depuis un an.
Lire à ce sujet : L’APL se projette aux limites de la Mer de Chine du Sud..

L’autre faiblesse américaine est inscrite dans la rigidité du « Pacte Transpacifique » qui doit regrouper 12 pays des deux rives du Pacifique, dont précisément la Malaisie, qui serait accompagnée du Japon, de la Corée du Sud, de Singapour, de l’Australie, de Taïwan, du Mexique, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, de Brunei, et du Vietnam, mais dont la mise en œuvre se heurte à de nombreuses oppositions chez la plupart des candidats et même aux États-Unis.

Les désaccords portent sur la part belle faite aux groupes transnationaux, essentiellement américains, par exemple dans le secteur pharmaceutique où le marquage libéral du pacte exigeant le démantèlement de toutes les protections douanières, donnerait aux multinationales un pouvoir supérieur à celui des législations nationales. Au Japon, les négociations achoppent aussi sur les protections douanières des secteurs automobile et agricole. Washington et Tokyo avaient espéré combler leurs différends lors du passage d’Obama à la fin avril. Il n’en a rien été.

Et, logiquement, Pékin saisit l’opportunité de ces difficultés pour lancer ses propres projets, bien plus souples. S’appuyant sur le traité de libre échange déjà en vigueur depuis 2010 avec 6 pays de l’ASEAN mentionné plus haut (les 4 autres, qui sont aussi les plus pauvres – les trois pays de l’Indochine et le Myanmar - seront associés en 2015), la Chine propose elle aussi un accord de libre échange Asie-Pacifique qui serait discuté courant mai, lors de la réunion des ministres du commerce de l’APEC les 17 et 18 mai prochains à Qingdao.

Mais la suprématie commerciale chinoise est contrebalancée par les sévères contestations de plusieurs pays de l’ASEAN inquiets ou irrités par les manœuvres d’appropriation par Pékin des espaces de la mer de Chine du sud également revendiqués par les riverains.

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Photo : F-18 Hornet de l’aéronavale américaine sur l’ancienne base américaine de Clarck aux Philippines durant la manœuvre « Balikatan », 30e du genre, du 5 au 16 mai 2014.

Les résistances de Manille et Hanoï embarrassent Pékin

Au Philippines dont le gouvernement a assigné la Chine au tribunal des NU sur le droit de la mer à La Haye, l’hostilité anti-chinoise est ponctuée de fréquents incidents dont le dernier en date a eu lieu le 7 mai quand 11 pêcheurs de tortues de mer chinois basés dans l’île de Hainan ont été arrêtés par la police maritime de Manille à proximité du récif de Hal Moon, à 60 miles marins à l’ouest de la cote sud de Palawan.

Manœuvres militaires avec les Américains. « La menace chinoise »

Alors que Pékin qualifiait l’incident « d’acte de piraterie » et s’apprête à riposter, au même moment avait lieu l’exercice annuel « Balikatan » (« Épaule contre épaule ») qui met en présence 3000 militaires philippins et 2500 américains, principalement dans l’Île de Luçon, 500 miles marins au nord du lieu de l’incident des pêcheurs de tortue. En dépit des discours de circonstance de Washington qui focalisent sur « l’entraînement pour réagir aux catastrophes naturelles », la manœuvre qui met en œuvre, en autres, des chasseurs F-18 s’entraînant à l’appui feu de troupes au sol, est directement dirigée contre « la menace chinoise ».

Si la Maison Blanche s’exerce aux précautions oratoires, Alberto del Rosario, le ministre des Affaires étrangères philippin, coutumier des dénonciations sans réserves de « l’impérialisme chinois » et à l’origine de la plainte contre Pékin au tribunal international, n’y va pas par quatre chemins : « l’exercice a pour but de préparer les États-Unis et les Philippines à faire face aux tensions résultant des prétentions territoriales et à la multiplication des attitudes agressives ».

Dangereuses tensions avec le Vietnam

Un autre incident, probablement le plus sérieux depuis plusieurs années, témoin des tensions en cours entre Hanoï et Pékin a eu lieu le 4 mai à proximité sud des îles Paracel, 170 miles marins à l’est du port de Da Nang, dans une zone contestée par le Vietnam où la Chine a installé une plateforme pétrolière de très grandes dimensions.

Selon le vice-amiral Ngo Ngoc Thu, commandant adjoint des gardes-côtes vietnamiens, « 80 bateaux chinois comprenant plusieurs navires de guerre et appuyés par l’aviation » sont entrés dans la zone économique exclusive vietnamienne créant une forte tension marquée par de nombreuses collisions avec des unités de gardes-côtes vietnamiens.

Ian Storey, proche des milieux de défense américains, spécialiste de l’Asie du Sud-est, détaché à l’Institut des Études sur l’Asie du Sud-est de Singapour, estime que le niveau de l’incident crée une situation nouvelle où l’importance des moyens engagés par la Chine indique sa détermination à aller de l’avant dans une zone pourtant contestée. L’appréciation a été confirmée par Yang Jiechi, membre du Comité Central, ancien ambassadeur à Washington, ancien Ministre des Affaires étrangères, aujourd’hui Conseiller d’État pour qui l’initiative chinoise faisait partie des opérations normales d’exploitation de la zone qui ne concernait ni le Vietnam, ni les États-Unis.

Alors que la Maison Blanche se disait « préoccupée » par l’installation d’une plateforme pétrolière dans une zone disputée, initiative considérée comme une provocation sans précédent, le 7 mai, le gouvernement vietnamien annonçait « qu’il prendrait toutes les mesures nécessaires à la protection de ses intérêts si la Chine ne retirait pas la plateforme ». A l’évidence, l’impasse vient de se tendre dangereusement. Elle se nourrit des appétits énergétiques de Pékin et de ses inflexibles revendications territoriales héritage de son « désir d’empire », confrontés au Vietnam qui se cabre face aux menaces militaires.

Hanoï qui n’a pas pour habitude de céder aux pressions de l’APL, a déployé plusieurs dizaines de navires, militaires et civils, la plupart armés. Surtout le gouvernement a évoqué la possibilité de suivre l’exemple de Manille au tribunal de La Haye. Si cette idée, très peu dans les habitudes du Parti communiste qui préfère résoudre les différends internationaux en secret, se concrétisait, Pékin serait confronté à une contagion néfaste et devrait abandonner ses vieilles attitudes de suzerain, à la fois paternaliste et désinvolte dont Yang Jiechi avait livré un embarrassant échantillon en juillet 2010 à Hanoï en présence de Hillary Clinton lors d’une conférence de l’ARF (ASEAN Regional Forum, sommet informel de sécurité de l’ASEAN).

Désinvolture impériale, surenchères populistes

S’adressant à son homologue singapourien, Yang, alors ministre des Affaires étrangères, s’était laissé aller à apostropher l’assistance sur le thème des différences de taille entre les pays riverains de la mer de Chine : « La Chine est un grand pays, tandis que les autres sont très petits, c’est un fait ».

Évidemment la sagesse qui nous renvoie aux vieux conseils de prudence et de patience de Deng Xiaoping voudrait que s’engage une négociation sur le partage des ressources avec la Chine, comme d’ailleurs Pékin l’a si souvent préconisé. Nombres de chercheurs chinois sont de cet avis. Mais les effervescences nationalistes internes si souvent agitées par le pouvoir chinois deviennent un obstacle et ferait apparaître toute concession comme une inacceptable reculade.

Un récent article du Global Times, excellent thermomètre des crispations nationalistes et populistes chinoises, est à cet égard révélateur. Publié le 7 mai, il affirmait ne pas croire que le Vietnam aurait l’estomac d’attaquer directement la plateforme et concluait par une menace : « si le Vietnam continuait ses provocations autour des îles Paracel et persévérait à vouloir relever la tête, il faudrait envisager de lui donner une leçon ».

Lire aussi :
- Querelles sino-vietnamiennes. Rivalités des frères ennemis et enjeu global

- Les embarras compliqués de la puissance chinoise

 

 

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