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›› Chronique

La mémoire voilée de Tian An Men

Une nouvelle fois, le 4 juin, date anniversaire de la répression contre les manifestants de Tian An Men, a donné lieu à de nombreux commentaires de la presse occidentale auxquels les médias chinois ont opposé un silence de plomb. Mais la mémoire en Chine reste vivace peuplée du récit des dissidents et entretenue à Hong Kong où, chaque année se rassemblent des dizaines de milliers de sympathisants du mouvement chinois pour le souvenir du 4 juin et pour prôner l’instauration de la démocratie.

Cette année, la Région Administrative Spéciale n’a pas manqué le rendez-vous. Au moins 100 000 Hong-Kongais qui militaient aussi pour l’instauration du suffrage universel direct en 2017 étaient présents. A la lueur des bougies brandies, ils ont écouté en silence la liste des protestataires abattus par l’APL il y a un quart de siècle.

A Taïwan des rassemblements identiques ont eu lieu tandis que le Président Ma Yin-jeou évoquait une « énorme blessure historique ». Signe des tensions entre Hanoi et Pékin, cette année le Parti Communiste vietnamien est sorti de son silence pour critiquer la répression.

En Chine, nombre d’intellectuels ont le sentiment que le régime a manqué une occasion historique de moderniser le pays et certains, il est vrai très rares, continuent à espérer qu’un jour viendra où le Parti acceptera de reconnaître que les manifestations n’étaient pas une rébellion violente, que l’ouverture du feu par l’armée était une erreur, que le pardon sera accordé aux dissidents et que les familles des victimes seront dédommagées.

Requêtes toujours ignorées par Pékin. La ligne officielle reste que les décisions prises ce jour du 4 juin 1989 furent les bonnes et qu’elles protégèrent le Parti. Cette année l’approche du 4 juin a été marquée par de nombreuses arrestations de militants souhaitant commémorer la répression, dont la plus médiatisée fut celle de Pu Zhiqiang, avocat des écrivains et journalistes ayant publié des textes critiquant le régime.

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Les blessures restent sensibles

En sous main cependant les cicatrices sont loin d’être guéries, y compris dans l’APL où certains cadres se souviennent de la résistance de quelques chefs, dont la mémoire est passée à la trappe. Ainsi du général Xu Qinxian, aujourd’hui âgé de 79 ans, toujours assigné à résidence à Shijiazhuang où il vit avec son épouse. En 1989, il commandait le 38e groupe d’armées et le 27 mai dans la soirée il prit une décision qui changea sa vie : désobéir à l’ordre qu’il venait de recevoir d’imposer la loi martiale à Pékin. Le choix le mena à la cour martiale qui mit fin à sa carrière, lui infligea 5 années de prison et une assignation à résidence dans sa ville, à durée indéterminée.

Souvenirs d’une désobéissance militaire

Dans une interview conduite en secret à Shijiazhuang et rapportée par le South China Morning Post, Xu se rappelle avoir protesté qu’il ne s’agissait pas d’une situation de guerre mais d’un différend politique et que l’engagement d’unités militaires était, dans ce cas, une grave erreur.

Dans un affrontement avec des civils désarmés il serait impossible, dit-il, de faire la part des provocateurs et les incidents sérieux seraient inévitables. Il refusait d’en porter la responsabilité. Depuis avril 1989, ses unités étaient déjà entrées dans Pékin sans armes pour contribuer à la sécurité lors des funérailles de Hu Yaobang, mais la loi martiale décrétée le 20 mai n’avait pas pu être mise en œuvre, du fait du grand nombre de manifestants pacifiques regroupés sur la place Tian An Men.

Quand le Commissaire politique de la Région Militaire de Pékin insista pour que les ordres soient appliqués et que la place soit évacuée par tous les moyens - ce qui signifiait clairement « en ouvrant le feu si nécessaire » -, le général Xu réclama d’abord un ordre écrit, puis refusa de l’exécuter. Le même jour, il fut relevé de son commandement et placé en garde à vue dans un dépôt militaire à Mengtougou à l’ouest de la capitale où il resta confiné jusqu’à la fin de l’année. Après quoi il fut traduit devant un tribunal militaire.

Deux autres généraux exprimèrent leurs désaccords : He Yanran et Zhang Mingchun, respectivement commandant et commissaire politique du 28e groupe d’armées. Mais leur désobéissance fut moins nette. Tout en acceptant les ordres, ils traînèrent les pieds cherchant toutes les excuses possibles pour retarder leur marche sur Tian An Men. Mais, par la suite ils n’avouèrent jamais leurs réticences et continuèrent normalement leurs carrières.

Xu dit ne pas regretter sa décision. « En dépit des 10 années chaotiques de la révolution culturelle, les Chinois croyaient encore au Parti. Fallait-il détruire le peu d’adhésion et d’espoir qui restaient ? En réalité, les choses étaient bien plus simples qu’on ne l’a dit. Il n’y avait pas de mouvements secrets d’opposition, pas de complot, ni d’aide extérieure. La désobéissance fut ma décision et celle de personne d’autre ».

La mémoire occultée

En Chine, contrastant avec l’avalanche de commentaires des médias occidentaux, le souvenir du 4 juin a, comme toujours, été passé sous silence. Dans les livres de classe, l’événement est occulté et seulement un infime pourcentage d’étudiants du 3e cycle connaissent cet épisode de l’histoire du pays. Quand on l’interroge, le porte parole du gouvernement élude la question, indiquant clairement que le sujet est devenu tabou et n’est plus d’actualité : « A la fin des années 80, le gouvernement a mis un terme aux débats internes sur les troubles politiques dont vous parlez ».

Un retour en arrière sur ce quart de siècle conduit à constater que le Parti Communiste Chinois qui avait connu en 1989 l’une des plus graves menaces existentielles de son histoire, a accompli un rétablissement politique spectaculaire.

Ce dernier s’est appuyé sur de longues années de croissance presque toujours à deux chiffres, l’éradication massive de la pauvreté, la naissance d’une classe moyenne dont la vie quotidienne et les espoirs de progrès qualitatifs personnels sont bien meilleurs que ceux dont pouvait rêver les étudiants de Tian An Men. Au demeurant, et on oublie souvent de le rappeler, ces derniers étaient tous des enfants privilégiés de l’oligarchie, ce qui explique la relative clémence des peines de prison appliquées à la plupart de ceux qui tombèrent dans les filets de la police.

La répression, un choix délibéré, assumé par le Parti

Du point de vue de la direction politique, en 1989, la décision de Deng Xiaoping ne fut pas seulement une réaction brutale à une crise, mais la condition de la survie du Parti et la clé de la poursuite des réformes économiques.

Exprimée récemment par Xi Jinping lui-même qui enjoignait ses pairs à ne pas installer une rupture narrative dans l’histoire du Parti dont certains membres, tentés d’imiter la déstalinisation, pourraient vouloir tourner la page du Maoïsme, la vision renvoie à une obsession restée une référence néfaste : les conséquences désastreuses pour le PC de l’URSS de l’ouverture politique déclenchée par Gorbatchev qui, par le fait d’un étrange hasard, effectua une visite officielle en Chine durant la crise de Tian An Men.

Pour Xi Jinping qui exprimait l’avis collégial du Bureau Politique et du Comité Central, les initiatives de Gorbatchev jugée si bénéfiques par l’Occident, avait précipité la chute du Parti Communiste de l’Union Soviétique et entraîné l’affaiblissement irrémédiable de l’URSS, puis sa disparition. Ces réminiscences funestes qui hantent l’esprit des dirigeants chinois et que les commémorations à Hong Kong et partout en Europe, à Taïwan et aux Etats-Unis leur rappellent chaque année avec insistance, ne plaident pas pour une ouverture politique.

Le 25 mai dernier, le Global Times prenait prétexte du coup d’État en Thaïlande pour dénoncer les méfaits de la démocratie à l’occidentale « qui avait créé le chaos dans de nombreux petits pays » et dont « les éléments destructeurs » pourraient surgir en Chine si elle décidait de l’adopter. « Heureusement, ajoutait l’auteur, notre pays a la sagesse de rechercher une voie politique originale et indépendante »

Les nouveaux dissidents

Aujourd’hui, selon Teng Biao, 41 ans, activiste des droits de l’homme et professeur de droit à Pékin, la majorité des Chinois ne croit plus aux réformes politiques du système, dont les élites craignent les conséquences dangereuses pour le Parti. Stanley Lubman, spécialiste du droit chinois à Berkeley note que, face à la nouvelle capacité de mobilisation de la société, la crainte du régime pour sa survie s’est récemment traduite par la manière très « maoïste » dont le régime a jugé Xu Zhiyong, le président des « Nouveaux Citoyens - 新公民运动 - ».

Il est vrai que la stratégie du mouvement se fait plus efficace. Au lieu d’appeler directement à l’instauration de la démocratie, concept trop abstrait pour le Chinois moyen, elle cible directement des écarts de conduite bien concrets comme la corruption des cadres et exige la transparence des fortunes de la haute direction du régime, tout en réclamant le respect des droits individuels inscrits dans la constitution. Condamné à 4 ans de prison pour « incitation au désordre », Xu a, dans ce contexte, subi un procès dont le cours a lourdement violé la procédure criminelle chinoise avec, par exemple, l’interdiction faite aux avocats de la défense de contre interroger les témoins ou d’appeler à la barre leurs propres témoins.

Publié par le site chinachange.org, le compte rendu rédigé par Xu Zhiyong lui-même de son entretien le 25 juin 2013 dans un hôtel de Changping avec le Chef de la sécurité de Pékin avant son incarcération, confirme que le Parti craint une ouverture politique à la Gorbatchev, de nature à libérer les forces anti-parti de la société civile capables de contester son magistère.

Dans cet échange, les dénonciations du régime par Xu sont en effet à la fois sévères et précises ciblant la fortune des hauts dirigeants, la fuite des capitaux, le sort injuste fait aux migrants et l’affaiblissement de la légitimité du Parti. Mais en s’attaquant ainsi à l’image du Parti, Xu prend le risque d’un alourdissement de la répression contre lui.

Suggérant que le mouvement de Xu, pourtant un des plus mesurés du paysage de la dissidence, n’était « pas raisonnable », le chef de la sécurité a indiqué que les rassemblements avec déploiement de centaines banderoles par les Nouveaux Citoyens dans plusieurs villes (ndlr : pour les droits des migrants et la publication des fortunes des dirigeants) devaient être stoppés rapidement, sous peine de provoquer des désordres sociaux.

Parmi les autres passes d’armes intéressantes entre les deux protagonistes de cet entretien insolite destiné à convaincre en douceur Xu Zhiyong de renoncer à ses actions iconoclastes dangereuses pour le magistère du Parti, notons un échange où le Directeur de la sécurité accusa son interlocuteur qui allait être mis sous les verrous six mois plus tard, de s’inspirer uniquement d’exemples étrangers.

A quoi Xu Zhiyong a répondu que le socialisme était lui aussi une « importation étrangère vieille seulement d’un peu plus d’un siècle dans une histoire qui en comptait 50 », mais qu’il s’étonnait que sa version chinoise en ait éliminé les libertés et les aspects démocratiques. Dénoncé par le Chef de la police pour son absence d’amour de la Chine, Xu a répliqué qu’il aimait la Chine autant que lui, mais s’interrogeait en revanche sur la réalité du patriotisme des cadres du Parti qui envoyaient leurs avoirs à l’étranger.

Avec Xu Zhiyong, Pu Zhiqiang 49 ans, est l’autre personnalité de la dissidence dont le nom est revenu le plus souvent à la une à propos de la mémoire de Tian An Men. Il est un des seuls anciens manifestants de Tian An Men encore en mesure d’être efficaces en Chine.

Cet avocat qui, n’avait pas été inquiété en 1989, est depuis dix ans très actif pour défendre les militants accusés de diffamation, la liberté d’expression ou les victimes de produits frelatés. En 2004, il fut le conseil très efficace d’un couple de journalistes du Hunan ayant publié un portrait à charge du chef du Parti local qui les avait traînés en justice.

La même année, il gagna un procès pour le compte du China Reform magazine 中国 改革, accusé de diffamation pour avoir décrit les manœuvres louches d’un promoteur immobilier. En 2006, il défendit avec moins de succès l’écrivain dissident Wang Tiancheng dans un procès où ce dernier accusait un Zhou Yezhong, professeur de droit à Wuhan de plagiat. En 2012, Pu était l’un des avocats de l’artiste iconoclaste Ai wewi et du blogger dissident Fang Hong envoyé une année au Laojiao pour avoir écrit un poème tournant en dérision Bo Xilai.

Après la condamnation de Bo, Fang fut relaxé. En mai 2014, Pu fut arrêté avec 4 autres avocats « pour avoir provoqué des désordres », après une réunion privée de dissidents qui réclamaient une révision de l’histoire officielle de Tian An Men.

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Que sont devenus les dissidents de 1989 ?

La pugnacité de ces nouveaux dissidents fait écho aux anciens protestataires de Tian An Men, dont la répression avait momentanément bâillonné la voix. Beaucoup d’entre ceux qui échappèrent à la répression se réfugièrent hors de Chine, grâce à des réseaux connectés à l’étranger qui allèrent parfois jusqu’à faire appel à la mafia chinoise et aux triades rémunérées pour exfiltrer les étudiants vers Hong Kong.

Une semaine après la répression le Parti publia une liste où figuraient les noms des 21 étudiants les plus recherchés avec leurs photos. 14 d’entre eux furent arrêté rapidement, dont certains se constituèrent eux-mêmes prisonniers. Les autres se sont enfuis par Hong Kong avec l’aide de filières étrangères.

Par la suite, plusieurs des 14 incarcérés furent autorisés à quitter la Chine après leurs peines de prison. Ils vivent à Taïwan ou aux Etats-Unis. Six autres vivent en Chine et ont abandonné l’activisme politique. L’examen des peines infligées révèle une certaine mansuétude du régime à l’égard des étudiants, dont la plupart étaient en filiation directe ou indirecte avec l’oligarchie.

On constate en revanche que les peines s’alourdissent quand il s’agit de professeurs plus âgés considérés comme des instigateurs. Enfin, le maximum est infligé quand le régime juge que les coupables ont été directement soutenus, voire financés de l’extérieur. La liste qui suit, loin d’être exhaustive, jette un éclairage sur ceux qui furent les plus recherchés par le régime.

Wang Dan, 45 ans

Un des leaders étudiants les plus médiatiques lors des manifestations de la place Tian’anmen en 1989, il fut condamné à 4 ans de prison.

Libéré en 1993, il est aujourd’hui Docteur en histoire de l’Université de Harvard et professeur à Taïwan.

Wuer Kaixi, 46 ans

D’origine ouïghour, célèbre pour s’être opposé au premier ministre Li Peng, lors d’une émission télévisée avec les étudiants. Echappé par Hong Kong, il a d’abord séjourné en France avant de se rendre aux États-Unis où il étudia à Harvard mais échoua aux examens. Aujourd’hui à Taïwan, où il travaille comme employé de banque, il est resté un militant politique très actif, toujours interdit de séjour en Chine.

Liu Gang, 53 ans

Après avoir purgé 6 années de prison jusqu’en 1995, toujours harcelé en Chine, il s’enfuit aux États-Unis qui lui accordent l’asile politique. Licencié en informatique et en physique, il obtient un poste chez Morgan Stanley comme analyste des nouvelles technologies de l’information. En 2011, il souleva une controverse en accusant publiquement son épouse Guo Yinghua (Elisa Guo aux Etats-Unis), d’être une espionne chinoise. Dans un récit publié sur son blog, il raconte que, lors d’une réception une de ses connaissances la salua comme un officier de l’APL.

Chai Ling, 48 ans

L’une des étudiantes les plus en vues de 1989. Diplômée de l’Université Normale de Pékin, elle vécut pendant 10 mois dans la clandestinité avec son mari Feng Congde avant de s’échapper en France par Hong Kong. Arrivé aux Etats-Unis, le couple divorça et Chai Ling diplômée de Harvard, créa une société de programmes informatiques avec son nouveau mari américain. Récemment, elle a fondé une ONG pour la défense des droits des femmes (All Girls Allowed) qui milite aussi pour l’abolition de la politique de l’enfant unique en Chine.

Zhou Fengsuo, 47 ans

A l’époque étudiant en physique à Qinghua, et président de la fédération des étudiants autonomes, il avait été livré à la police par sa soeur et son beau-frère qui craignaient pour sa vie. Après avoir purgé plusieurs années de prison, il émigra aux États-Unis où il a obtenu un diplôme d’économie à l’université de Chicago. Plus tard il a travaillé dans les services financiers avant de fonder « Humanitarian China », une association de promotion de l’état de droit et de la société civile en Chine qui collecte des fonds pour venir en aide aux prisonniers politiques.

Le 5 juin dernier, le New-York Times publiait un article révélant que Zhou avait réussi à obtenir un visa d’entrée de 72 heures en Chine dans les premiers jours de juin. Pendant son séjour qui était un pèlerinage, il a été arrêté et interrogé pendant 18 heures avant d’être relâché et expulsé. Zhou dit avoir pris sa décision de revenir en Chine après l’arrestation début mai du très pugnace avocat des droits et des dissidents Pu Zhiqiang et d’une dizaine d’autres activistes qui avaient participé à un séminaire privé destiné à commémorer le 4 juin 1989.

Lire l’article de Brice Pedroletti dans le Monde L’avocat Pu Zhiqiang en croisade contre les abus de la lutte anticorruption.

Li Lu, 48 ans

Devenu célèbre pour sa grève de la fin en 1989, il fut exfiltré de Chine après 10 jours de cavale. Aux Etats-Unis, après un diplôme d’économie obtenu à l’Université de Columbia, il devint gestionnaire financier et créa « Himalaya Capital » en 1997, conseillant des fonds américains pour leurs investissements en Chine.

En 2010, il effectua un voyage en Chine en compagnie de Warren Buffet qu’il assista pour l’acquisition de parts dans le groupe automobile BYD. En 1990, il a publié un livre sur ses expériences en Chine : « Moving the mountain. My life in China » ISBN 0-399-13545-6. En 2004, il a basculé de la gestion de fonds spéculatif vers le management plus classique de fonds à long terme. Li Lu est aujourd’hui très introduit dans l’establishement de la finance américaine, au point qu’un moment la rumeur l’avait identifié comme le probable successeur de Warren Buffet.

Xiong Yan, 50 ans

Étudiant en droit en 1989 à l’université de Pékin il était dans la période probatoire pour entrer au Parti. D’abord désigné par ses camarades pour négocier avec les autorités, il renonça au parti après la répression et entra dans la clandestinité, avant d’être arrêté et condamné à 19 mois de prison. Après sa libération, il s’échappa vers Hong Kong à bord d’un chalutier.

En 1992, il obtint l’asile politique aux États-Unis, puis, converti au christianisme, il devint aumônier dans l’armée des États-Unis, qui l’envoya en Irak. En 2009 il obtint un doctorat de théologie à l’institut de théologie Gordon-Conwell à Boston. En 2009 son livre « De la place Tian An Men à l’Irak » a été publié à Hong Kong.

Wang Juntao, 51 ans

Emprisonné plusieurs une première fois en avril 1976, alors qu’il n’était qu’un lycéen de 17 ans, pour avoir organisé deux rassemblements d’étudiants à Tian An Men durant la fête des ancêtres (Qing Ming Jie) et avoir publié 4 poèmes « contre-révolutionnaires », il fut arrêté une 2e fois suite à la répression du 4 juin 1989, après avoir été violemment critiqué par le Quotidien du Peuple en décembre 1989 qui le désigna comme « l’homme clé qui instigua, organisa et dirigea les émeutes contre révolutionnaires ».

Condamné à 13 ans de prison, il fut cependant relâché sous condition en 1994 et expulsé aux États-Unis où il obtint un diplôme de sciences politiques à l’Universté de Columbia en 2006. La même année 2006 il fut élu vice-président du Parti démocratique chinois, interdit en Chine depuis 1998.

Wang Youcai, 48 ans

En 1989, Wang étudiant à Beida, fut condamné à 4 ans de prison en 1991 puis relâché grâce à la pression des Etats-Unis.

En 1998 il fonda le Parti Démocratique Chinois aussitôt interdit par le régime qui condamna Wang à 11 ans de prison. En 2004, il fut expulsé aux États-Unis où il obtint une licence de physique, puis un doctorat en 2011. Simultanément, toujours investi dans la promotion du Parti démocratique, il continua ses activités d’opposant politique au régime chinois,

Su Xiaokang, 65 ans

Ecrivain auteur d’une série documentaire réaliste en 6 épisodes intitulée « L’élégie du fleuve » (He Shang), diffusée par la télévision chinois de 1988 à 1989 qui racontait de manière à peine voilée le déclin de la culture chinoise, mettant en évidence les contrastes entre la « transparence » démocratique et l’opacité des dictatures, critiquant indirectement le magistère du Parti.

Par la suite le régime le désigna avec une cinquantaine d’autres intellectuels comme l’un des principaux instigateurs des manifestations de Tian An Men, qualifiées « d’émeutes » par le Parti. Avant le 4 juin 1989, il fut pourtant de ceux qui tentèrent de faire cesser les grèves de la faim dont il prévoyait qu’elles conduiraient à un affrontement sanglant.

Il fut exfiltré en France par Hong Kong puis retrouva son épouse aux Etats-Unis. Il est le fondateur du magazine en ligne « Democratic China ». En 1997, il publia en Chinois une douloureuse introspection qui raconte les difficultés de son exil et l’accident d’automobile qui paralysa son épouse, Li Hun Li Zi Xu) traduite en anglais en 2001 : « A Memoir of misfortune ». En 2003, il a été autorisé à rentrer en Chine pour assister aux funérailles de son père à la condition d’éviter le contact avec les médias et les activistes et de ne pas s’exprimer publiquement. En 2013 il dénonça les atrocités du maoïsme avec « The era of slaying the dragon », remise en cause directe de la légitimité historique du Parti.

Liao Yiwu 56 ans

fils d’un couple de dissidents, poète populaire devenu subversif, il faillit mourir de faim peu après sa naissance lors du grand bond en avant. En 1990 il est condamné à 4 ans de prison pour avoir tenté de mettre en scène une pièce de théâtre en vers à la mémoire des victimes de Tian An Men (« Poèmes de prison : le grand massacre », traduction Shanshan Sun et Anne-Marie Jeanjean, L’Harmattan, 2008).

Après sa sortie de prison où il apprit à jouer de la flute de bambou (xiao) avec un moine tibétain incarcéré avec lui, il entreprit de raconter la vie des misérables et des laissés pour compte de la croissance (« L’Empire des bas-fonds », traduction de Marie Holzman, Editions Bleu de Chine, 2003).

En mai 2008 après le séisme au Sichuan il dénonça les officiels corrompus qui laissèrent construire des écoles trop fragiles avec des matériaux frelatés, en rassemblant les interviews de survivants dans un ouvrage traduit en français « Quand la terre s’est ouverte au Sichuan : journal d’une tragédie », paru en 2010, préface de Marie Holzman, traduction de Marc Raimbourg (Buchet / Chastel).

Après le séisme du Sichuan, il signa la même année la Charte 08 avec 300 intellectuels chinois réclamant l’instauration de la démocratie. En janvier 2013 paraît en France édité par François Bourin « L’empire des ténèbres » qui raconte son incarcération. Robert Badinter a considéré l’ouvrage comme l’un des grands livres de la littérature pénitentiaire, à côté de l’archipel du goulag de Soljenitsyne. Liao vit en Allemagne depuis 2011.

Liu Xiaobo, 59 ans. Décédé en prison d’un cancer en 2017

Docteur en littérature, il a été enseignant-chercheur à l’Université de Hawaï, puis de Columbia, très influencé par les thèses occidentales sur la démocratie. Américanophile affiché, il sera plus tard un maillon essentiel des ONG anglo-saxonnes, bêtes noires de Pékin, sponsorisées par le gouvernement américain pour promouvoir la démocratie. Lors des événements de Tian An Men il participe par solidarité aux grèves de la faim des étudiants. Le 6 juin 1989, il est arrêté et condamné à 18 mois de prison pour « émeutes contre révolutionnaires ».

Entre 1996 et 1999 il subit une rééducation par le travail dans un Laojiao en Mongolie pour avoir réclamé l’instauration de la démocratie et la libération des prisonniers politiques de Tian An Men. Entre 2003 et 2007 il est président de l’Independant Chinese Pen Center financé par les Etats-Unis, affilié au PEN American Center (PEN), créé en 1922 à New-York pour promouvoir la littérature et la liberté d’expression.

En mars 2008, après les émeutes de Lhassa il dénonce avec Wang Lixiong et 28 autres intellectuels les méthodes brutales du Parti au Tibet et au Xinjiang. En décembre 2008, il est l’un des instigateurs et signataire la Charte 08 avec 300 autres intellectuels et citoyens chinois connus.

Arrêté en juin 2009, il est condamné à 11 ans de prison pour subversion. Simultanément, le Quotidien du Peuple accusa Liu de travailler pour les « forces anti-chinoises de l’Occident ». Le 8 octobre 2010, Liu Xiaobo est distingué par le prix Nobel de la paix pour ses « efforts durables et non violents en faveur des droits de l’homme en Chine. » Son décès en prison en juillet 2017 d’un cancer fit la une de tous les médias.

Yan Jiaqi, 68 ans

Yan était en 1989 le Conseiller politique de Zhao Ziyang après avoir été le Directeur de l’Institut d’Etudes Politiques de l’Académie des Sciences sociales. et désigné par le Front Uni pour négocier avec les étudiants pour faire stopper la grève de la faim. Mais, le 26 mai, prenant partie pour les étudiants, il publie avec Bao Zunxin et quelques autres, un communiqué accusant le Parti « d’abuser de son pouvoir et de gouverner la Chine de manière inhumaine et irresponsable ».

Après la répression, il s’enfuit en France où il crée la Fédération des démocrates chinois dont il est le président, avant d’émigrer aux Etats-Unis où il est maître de conférence à l’Université de Columbia. Il est exclu du Parti en 1991 et ses oeuvres « Théorie du gouvernement » et « Révolution culturelle, dix ans d’histoire » sont toujours interdites en Chine.

Bao Zunxin, décédé en 2007

Emporté à 70 ans par une attaque cérébrale, en 1989 il était chercheur à l’Institut d’histoire de l’Académie des Sciences Sociales et professeur à l’Université Normale de Pékin.

Après avoir été désigné pour négocier avec les étudiants, il épousa leur cause. La signature d’une pétition qui accusait Deng Xiao Ping de gouverner la Chine de manière impériale, lui valut 5 ans de prison pour propagande contre révolutionnaire et incitation à la révolte. Il fut relâché après 3 ans et-demi.

Xu Wenli, 71 ans

Philosophe et politologue autodidacte, Xu fut l(un des auteurs des appels à la démocratie en 1979. Condamné deux fois (1981 et 1998) à un total de 28 ans de prison, il a purgé 16 ans de prison pour avoir successivement proposé une réforme de la société chinoise, puis la fin du système de Parti unique, avec, à l’appui, la création en 1998 d’un parti démocratique d’opposition à Pékin et Tianjin. En 2002 il a été autorisé à émigrer aux États-Unis. En 2003, il fut nommé Docteur honoris causa de l’Université Brown Rhode Island où il enseigne l’histoire chinoise et la situation de la démocratie en Chine.

Fang Lizhi, décédé aux États-Unis en 2012

Cet astrophysicien de formation ayant beaucoup voyagé à l’étranger, fut jusqu’en 1987 vice-recteur de l’Université des Sciences et Technologies de Hefei (Anhui), quand il fut révoqué de son poste et exclu du parti à la suite des manifestations étudiantes que le Parti l’accusa de soutenir.

Pendant les troubles de Tian An men, il se réfugia avec son épouse à l"Ambassade des États-Unis où les deux sont restés confinés une année avant que Pékin et Washington tombent d’accord pour les autoriser à émigrer.

Après un passage aux Universités de Cambridge et Princeton, Fang devint en 1992 professeur de physique et d’astronomie à l’université d’Arizona à Tucson.

Wei Jingsheng, 64 ans

Un des plus célèbres dissidents chinois, Wei était en prison en 1989. Ancien garde rouge, instigateur du « mur de la démocratie » qui, en 1979, réclamait la « 5e modernisation », il dénonça les réformes de Deng Xiao Ping comme un leurre et fut condamné le 29 mars 1979 à 15 ans de prison. Libéré en 1994, il est la même année à nouveau condamné à 14 ans.

Relâché trois ans plus tard en 1997, il est expulsé aux Etats-Unis après avoir été incarcéré au total 18 ans pour motifs politiques. Aux États-Unis où il a reçu plusieurs prix (Prix Kennedy des droits de l’homme, Prix Sakharov pour la liberté de pensée), Wei Jingsheng participe à la promotion de la démocratie en Chine.

Voir, publiée par Bleu de Chine, la biographie de Wei Jingsheng par la sinologue Marie Holzman.

 

 

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