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Nouveau coup de boutoir contre les Banques publiques. Dettes et scandales

En 2013, la Chine est devenue le 1er importateur mondial d’or. Une des raisons de la croissance rapide du marché chinois qui pourrait encore se poursuivre au cours du 2e semestre, est l’utilisation du métal jaune comme garantie bancaire, dans un contexte de restrictions du crédit. Photo AFP.

Attaque contre le monopole des banques publiques.

Le 9 mai le Conseil des Affaires d’État a rendu publiques une série de mesures destinées à mieux réguler les marchés financiers. Officiellement il s’agissait de réagir à la crise de liquidités dont tous les opérateurs se plaignent.

En réalité, la directive qui fera date, attaque de front le monopole des banques d’État en introduisant officiellement l’autorisation pour des opérateurs privés de les concurrencer sur le marché très lucratif des services financiers, principal adjuvant de leurs revenus, alors que leurs prestations sont très en-deçà de celles de la concurrence internationale. Ces mesures précèdent l’autorisation d’ouverture de banques privées autre initiative destinée à ébranler les féodalités retranchées de la finance d’état.

En même temps, les enquêtes menées par l’État ont mis à jour deux importantes fraudes aux garanties bancaires, tandis que l’Académie des Sciences Sociales mettait en garde contre le retour de l’endettement des banques et des groupes publics.

Régulation du marché financier

L’initiative vient de Xiao Gang, 56 ans, diplômé de droit international des affaires de l’Université du Peuple (Renmin Daxue) membre du 18e Comité Central, président de la commission de régulation boursière depuis 2013, ancien Président du Conseil d’Administration de la Banque de Chine, dont il fut aussi le Président de la succursale de Hong Kong pendant près de 10 ans.

Reprenant les anciennes régulations de 2004 en les complétant pour tenir compte des nouveautés comme l’irruption de l’investissement en ligne, l’activité mal régulée du marché boursier et l’apparition des obligations émises par les administrations locales, les nouvelles directives signalent l’engagement du sommet du pouvoir sous la direction du Premier Ministre et de Zhou Xiaochuan, le président de la Banque Centrale dans une des plus épineuses questions de la réforme, visant le monopole des banques.

Pour la première fois la vision est globale, puisqu’elle s’attaque aux dysfonctionnements de la bourse, consolide des émissions d’actions par les entreprises, réforme des procédures d’introduction et offres publiques d’achat, coordonne le marché des obligations publiques d’État (centrales et locales) et organise à la fois leurs procédures d’émission ainsi que leur marché en bourse, en tentant d’améliorer notablement l’échange d’informations au sein du gouvernement, avec les provinces et sur le marché boursier. Accessoirement elle facilite les investissements en bourse des particuliers et règlemente les services financiers en ligne.

Intrusion privée dans le monopole des finances chinoises

Surtout - et la nouveauté est de taille -, la directive encourage la création de sociétés de courtage privées dument qualifiées autorisées à explorer le marché des services financiers jusque là réservé soit aux banques d’État, soit, pour ceux qui n’y avaient pas accès, au secteur de la finance grise, principal ferment de l’opacité du système et du détournement des capitaux vers des projets économiquement peu rentables, dont l’immobilier est le meilleur exemple.

Le 19 juin, un autre pas était franchi avec une nouvelle libéralisation des taux d’intérêt (qui ne pourront cependant pas descendre au-dessous de 70% du taux directeur de la banque centrale) et peut être - l’étude est en cours - l’annonce prochaine d’un programme pilote pour accorder aux particuliers l’autorisation formelle d’investir hors de Chine.

Ces mesures sont très clairement un nouveau coup de boutoir contre la muraille des privilèges des Banques d’État alliées aux grandes entreprises du secteur productif public. A plus long terme, il s’agit, par l’introduction du privé, de briser le cercle vicieux des mécanismes routiniers qui entretiennent des avalanches de crédits uniquement accordés pour couvrir des dettes mal garanties contractées par des administrations ou des groupes industriels au nom de la puissance publique.

La situation de monopole des banques publiques dont les effets pervers décrits ci-dessus sont importants, avec un retour de l’exposition aux dettes toxiques, due au ralentissement de l’économie, au freinage du marché immobilier et aux problèmes budgétaires des administrations locales, aboutit pourtant à leur enrichissement sans commune mesure avec le reste des activités productives du pays, au point que certaines sont embarrassées à l’annonce des résultats. En 2013, le profit des 16 banques chinoises cotées en bourse comptaient pour 54% du profit de toutes les sociétés enregistrées.

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Graphe Les dettes toxiques chinoises entre 2004 et 2014.

Les créances toxiques à nouveau dans le collimateur

Bien que les communications officielles du gouvernement ne rendent pas complètement compte de l’ampleur des dettes locales, les pouvoirs publics ont clairement pris conscience du risque financier, aujourd’hui encore aggravé par les fragilités du marché immobilier.

Déjà en janvier 2014, un audit public signalait qu’en moins de trois ans, les créances toxiques des administrations régionales avaient augmenté de 64%, tandis que le gouverneur de la Banque centrale mettait en garde contre les détournements de capitaux vers des projets très lucratifs mais peu utiles à l’économie du pays. Le tout accompagnait un tendance accrue à faire appel au marché financier privé mal règlementé encombré par le surgissement de sociétés de financement telles que le « trusts », principaux adjuvants de la finance grise, dont l’objet principal est de contourner les régulations mises en place par le Centre.

Selon la presse chinoise, reprise par l’Ambassade de France en Chine, la crise de la dette serait particulièrement sévère à Shijiazhuang (Hebei), Shenyang (Liaoning), Changchun (Jilin), Harbin (Heilongjiang), Hefei (Anhui), Lanzhou (Gansu), Xi’an (Shaanxi), Wuhan (Hubei), Kunming (Yunnan).

Contagion de l’endettement

Aux dettes des administrations s’ajoutent les créances toxiques des banques qui, selon une synthèse du rapport annuel des 12 premières banques chinoises publié début avril, ont augmenté de 19,5% (soit un accroissement en 15 mois de 16 Mds de $ et une accélération au premier trimestre 2014). Selon un analyste financier cité par le magazine Caixin, il y aurait des signes d’une contagion des créances toxiques vers les banques et une aggravation de l’endettement des filiales des grands groupes généralement considérées comme des clients sûrs, mais abandonnées à leur sort par des maisons mères elles-mêmes en difficultés. Beaucoup ont passé la ligne rouge des 70% d’endettement, notamment dans certains secteurs traditionnels comme l’acier et le charbon, dont les profits se sont évaporés.

Selon Zeng Gang, directeur du centre de recherche sur le système bancaire à l’Académie des Sciences Sociales (CASS), l’ampleur des dettes toxiques n’est pas encore mesurable, mais elle ne fera que s’aggraver dans certains secteurs industriels et dans les réseaux des petites banques de la cote Est, du golfe de Bohai et dans le delta de la rivière des perles. La CASS pointe une nouvelle fois du doigt la région de Wenzhou où l’exposition aux dettes non remboursables est 2,5 fois plus élevée qu’ailleurs et dénonce l’habitude générale de les effacer purement et simplement des comptes, une pratique qui aurait augmenté globalement de plus de 200%, avec les 5 grandes Banques d’État donnant le mauvais exemple puisqu’elles auraient récemment sorti de leurs écritures 10 Mds de $, soit + 159% par rapport à 2013.

Récemment la Commission de régulation bancaire dénonçait l’augmentation des dettes et la mauvaise habitude de certaines banques qui, ayant l’assurance que le gouvernement viendra à leur aide en cas de problèmes, accordaient des prêts à des institutions de financement locales à la crédibilité aléatoire.

Les dettes toxiques sont vendues à des sociétés de gestion et de défaisance comme la China Cinda Asset Management Co.Ltd dont le président Zang Jingfan explique que, dans le secteur productif, la plupart des créances non recouvrables viennent de l’immobilier, des secteurs en surproduction (acier et ciment) et des fabricants d’équipements liés à la protection de l’environnement dont l’offre de mauvaise qualité se heurte à la concurrence globale et souffre du ralentissement du marché en Europe. Enfin, perspectives alarmante, les administrations locales elles-mêmes ont créé leurs propres sociétés de défaisance pour se débarrasser de leurs mauvaises créances.

Mise à jour le 17 août : (Bulletin économique Chine. Ambassade de France à Pékin / DG Trésor). Le 25 juillet la Commission de régulation bancaire chinoise (CBRC) a approuvé les plans de lancement de trois
nouvelles banques privées. La première sera Webank basée à Shenzhen, dont l’un des actionnaires est Tencent, le plus grand portail internet chinois. Les deux autres banques seront implantées à Wenzhou et Tianjin. Les trois ne seront pas opérationnelles avant plusieurs mois. L’initiative vise à améliorer la qualité de l’offre financière aux PME et à mieux réguler le marché du crédit toujours encombré de spéculateurs.

Scandales aux garanties bancaires

Graphe Chute brutale des cours du minerai de fer après l’annonce fin juin de la manipulation frauduleuse des stocks de minerais à des fins de garanties bancaires par la société Decheng Mining, filiale de Dezheng Ressources, basée à Qingdao.

L’imprudence assez générale des banques grandes et petites qui comptent toujours sur le rattrapage par les finances publiques en cas de difficultés, a récemment éclaté avec la mise à jour par un contrôle de la Commission d’audit de deux scandales financiers : le premier concernait le port de Qingdao, le deuxième le commerce de l’or et de ressources agricoles ou minières ; tous deux sont liés à des fraudes à la garantie du risque crédit.

Un audit publié par la Cour des comptes la dernière semaine de juin, a révélé un nombre considérable de transactions du métal jaune falsifiées à des fins garanties bancaires pour obtenir d’importants prêts en partie utilisées par des spéculateurs jouant de la hausse du Yuan ou de la différence des taux de change entre le marché chinois et le marché international.

L’estimation des contrôleurs est qu’entre 2012 et la fin 2013, 1000 tonnes d’or (soit 42 Mds de $ au cours du 26 juin) ont été importées non pas pour répondre à la demande du marché, mais pour obtenir des prêts dans un contexte de resserrement du crédit. Les mêmes opérations frauduleuses qui comptabilisent plusieurs fois les mêmes stocks ont été effectuées avec des réserves de charbon, de coton, de céréales et des stock de minerais.

A Qingdao, 7e port mondial, c’est la société, pour l’instant identifiée par les compte-rendus de presse comme une « société de courtage privée », Decheng Mining, filiale de Dezheng Ressources Holding Co Ltd (dirigée à Qingdao par le Singapourien Chen Jinhong) qui s’est spécialisée dans les opérations frauduleuses de surestimation ou de réutilisation multiple des stock d’aluminium et de cuivre.

L’affaire a fait grand bruit sur le marché financier international car elle expose CITIC Ressources, la filiale de courtage de minerais du plus gros et plus ancien groupe financier chinois CITIC 中国中信集团公司, Zhōngguó Zhōngxìn Jítuán Gōngsī, fondé en 1980 par Rong Yiren, vice-président de la RPC de 1993 à 1998, dont le fonds souverain singapourien possède 11,46% des parts.

A l’annonce du scandale, l’action de CITIC Ressources a baissé de 8% en même temps que les cours du cuivre, du minerai de fer, du coton et de l’acier d’armature, avec un record pour le minerai de fer qui chutait de 25%.

 

 

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